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Retour à l'anonymat
Publié dans Le temps le 03 - 09 - 2009

Depuis le krach boursier de septembre 2008, les opérations sur le marché se font rares. Les BMCE Capital, Attijari finances et autres CFG ne sont plus sous les feux des projecteurs. Les banques d'affaires marocaines se concentrent aujourd'hui sur leurs autres corps de métier. Tour d'horizon.
Chez les banquiers d'affaires, une caractéristique ne change pas. Que l'on soit en période de crise boursière, de récession économique ou de croissance, l'omerta qui entoure les dossiers en cours est toujours de mise. Car des “deals”, ils en ont toujours, malgré la morosité qui touche l'économie marocaine. Ce qui change, c'est le type d'opérations sur lesquelles ils travaillent.
En septembre 2008, lorsque la Bourse de Casablanca a connu son mini krach, nombre d'observateurs ne misaient pas gros sur l'avenir à moyen terme des directions corporate des banques marocaines. Les beaux jours des introductions en bourse (IPO) et autres opérations de marché étaient révolus pour quelques années, annonçaient-ils. Aujourd'hui encore, l'état léthargique de la place casablancaise, conjuguée à la crise internationale qui se fraie son chemin dans l'économie du pays, ne laissent pas entrevoir de nouvelles entrées ou augmentations de capital telle que le grand public les connaît. Mais de là à dire que les banques d'affaires pâtissent de la situation, c'est mal connaître le métier.
Les caméléons de la finance
Sur le boulevard Hassan II de la capitale économique, les gardiens de voitures voient toujours autant de silhouettes, endossant leurs costumes sur mesure et cravates bien nouées, sortir du siège de BMCE Capital ou d'Attijari finances à des heures tardives. Pour ces derniers, rien n'a changé même si les organismes qu'ils représentent ne font plus la Une des pages économiques des journaux. “C'est vrai que nous ne traitons pas autant d'opérations sur le marché boursier qu'au cours des 6 dernières années, reconnaît un financier de la place, qui, sans surprise, exige l'anonymat. Mais nous ne sommes pas pour autant réduits au chômage technique”. Le métier reste avant tout axé sur la recherche des sources de financement “et les entreprises ont toujours besoin d'argent”, ajoute notre interlocuteur. Pour un temps, la bourse faisait figure de corne d'abondance en la matière. Preuve en est les sursouscriptions qui étaient légions à chaque introduction sur la place financière. Aujourd'hui, la perte de confiance des petits porteurs qui ne mettent plus leurs économies en bourse et le manque de liquidités qui sévit sur le marché monétaire poussent les banquiers d'affaires à se tourner vers d'autres sources. Non pas que les dossiers d'IPO aient déserté les bureaux des financiers du royaume, mais ces derniers préfèrent retarder l'échéance jusqu'au retour de l'engouement pour les titres boursiers.
Entre temps, ils proposent de structurer les financements autrement, rendant ainsi ses lettres de noblesse au métier. “Nous jouons pleinement notre rôle, nous ne sommes plus cantonnés aux IPO et aux émissions d'obligations et de billets de trésorerie, avoue, soulagé, cet intermédiaire financier. Nous endossons enfin notre costume de conseiller financier”. Le principal objectif des cols blancs étant de réaliser les montages financiers les plus rentables pour leurs clients, on assiste du côté des différents établissements bancaires à des concours où l'imagination des équipes “corpo” est mise à rude épreuve. Pour boucler les besoins des donneurs d'ordre, elles font feu de tout bois. Cession d'actifs, ouverture du tour de table à d'autres entreprises, dette subordonnée ou encore emprunt auprès de consortium bancaire sont désormais les outils de travail quotidiens des banquiers d'affaires. “La plupart des dossiers sur lesquels nous planchons concernent en effet des placements privés, confirme la même source”. “En ce moment, nous nous positionnons de plus en plus sur les investissements stratégiques”, ajoute-t-il.
Le changement grâce à la crise
Ce moment, c'est, curieusement, la crise internationale. Elle favorise, certains investissements bien spécifiques aux périodes de récession, dessinant une nouvelle physionomie d'un marché qui se détourne de plus en plus de la place boursière. Les grandes entreprises, y compris celles qui sont spécialisées dans le commerce international, profitent en effet de l'accalmie qui règne sur les marchés pour entreprendre des investissements stratégiques. C'est, par exemple, le cas d'Alliance développement immobilier qui a tiré profit du départ de Thomas & Piron, touché de plein fouet par la crise, pour s'approprier le projet touristique de Port Lixus en avril dernier. Cela, même si le secteur est en berne. “Mis à part le tourisme qui est boudé par un grand nombre de bailleurs de fonds, les dossiers d'investissement axés vers l'agriculture, l'agro alimentaire, la distribution et même les secteurs destinés à l'exportation foisonnent”, confirme notre source. Et poursuit : “ce sont effectivement les investissements à long terme qui ont la côte en ce moment car ce sont des opérations qui visent la reprise. En temps de crise, elles sont de facto plus rentables que le financement de projets court terme”.
De plus, au-delà des “simples” montages financiers et levées de fonds, la récession mondiale ouvre de nouveaux horizons de travail. Au programme : rachats, rapprochements et fusion-acquisitions de sociétés. Les crises agissent comme un régulateur sur le tissu économique, à l'image de la sélection naturelle dans la biosphère. Les sociétés les moins solides périssent…souvent au profit des grandes. Celles-ci n'hésitent donc pas à mettre la main sur leurs consœurs en faillite. Elles réalisent ainsi des bonnes affaires en rachetant la “petite” concurrence ou en intégrant une partie de la chaîne des valeurs à bas prix. Pour l'heure, ces opérations n'ont pas été rendues publiques. Et ce n'est visiblement pas pour demain que l'on aura plus d'information. “La plupart des dossiers sur lesquels nous travaillons n'ont pas encore abouti, ils sont toujours frappés du sceau de la confidentialité, renchérit ce conseiller financier. De plus, la majeure partie des entreprises concernées ne sont pas cotées en bourse et donc ne sont pas tenues de communiquer sur leurs opérations”. En d'autres termes, vous n'en saurez pas plus.
Youssef Zeghari


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