Vous êtes ici : Actualités / Culture / Merji, grand angle « Un humaniste des villes avant toute autre chose », telle pourrait être la définition actuelle pour évoquer le travail de Merji, jeune photographe qui dissèque tour à tour les villes du Maroc, selon son interprétation, pensée au rythme de Casablanca, de Marrakech, ou encore de Kénitra. Le pouls battant des venelles sombres, la lumière crue et diffuse qui baigne tout à coup l'océan, les discussions de la population au gré d'une pause, sont autant d'arguments saisis par cet artiste, qui les fixe en noir et blanc à coups d'instantanés. Si l'on découvre les travaux de Merji, c'est sous l'impulsion de La Fondation Alliances, qui vient de lancer « La Chambre Claire », un rendez-vous photo bi-annuel destiné à soutenir la création contemporaine émergente. Au fil de ce cycle d'expositions, les locaux de la Fondation se transformeront deux fois par an en un espace ouvert habillé par de nombreuses photographies, clin d'œil à La Chambre claire, note sur la photographie, de Roland Barthes, qui proposait un éclairage sur la photographie et sa perception, aspect de taille, qui ne passera pas inaperçu dans le viseur des puristes… Merji, y présente « Diary Of The Bled », une exposition inaugurale à « La Chambre Claire », la Fondation Alliances expose dès lors, le journal de bord de Merji du 13 juin au 1er septembre 2013. « Palmiers, dromadaires et enfants basanés qui sourient sous un ciel bleu ne sont plus du tout représentatifs du Maroc que je perçois, un Maroc dynamique, multiculturel », assène sans ambages le jeune photographe, originaire de Kénitra, où il est né en 1985. Il quitte le Maroc pour la France, plus précisément dans la ville lumière : Paris. A l'issue des huit années passées dans la capitale de l'Hexagone, son regard s'éveille dans « entre-deux rêve, qui fige le pays natal ». C'est par séquence, par tranches visuelles qu'il embrasse la culture locale sous forme de journal de bord photographique, dénué de vison sublimée de paysages statiques. Là, où certains fantasmeraient une image glacée, Merji, triture, transforme, réinvente une réalité alerte, toujours en mouvement. On sent derrière ses photos évoquant la Kasbah de Bouznika, l'écho de la jeunesse marocaine qui se salue d'un franc « nayda »… On aime le flot ininterrompu de paraboles qui se déverse sur la ville blanche relookée façon tournesol gigantesque ! On adhère au logo batman, qui foudroie le sommet des Twin. Plongée dans les grandes villes « Ce journal de bord nommé «Diary of the Bled» est un témoignage vivant du Maroc d'aujourd'hui, soulignent les initiateurs de « La Chambre claire ». Pour Merji, « C'est aussi un témoignage de ma génération. Une génération Y ancrée dans une culture globale, qui prend plaisir a scénariser sa vie à travers les réseaux sociaux, qui se libère de certains dogmes et qui n'hésite pas à modeler sa réalité pour l'adapter au film de sa vie », précise le jeune photographe, tranchant finalement, « une génération décomplexée, assumant son identité multiple et changeante ». A travers la Chambre Claire, gageons que la Fondation Alliances deviendra un rendez-vous majeur, qui mettra à l'honneur de nouvelles expressions. Pour l'heure, elle entend mettre en lumière de jeunes artistes photographes, une initiative en phase avec les valeurs de transmission, de partage et de proximité véhiculées par la Fondation. Jouant pleinement son rôle de mécène et dans une démarche alternative à celle du marché de l'art, la Fondation Alliances a fait le choix d'accompagner de manière régulière un photographe émergent, de lui permettre d'exposer pour la première fois et de favoriser sa rencontre avec le public. «Diary of the Bled» est une collection de photos en adéquation avec l'air du temps, « un imaginaire singulier enrichi d'influences et de références collectives » : le disque lunaire de Roméo et Juliette chez Shakespeare, d'autres signes plus accrus de la mondialisation déclinés en stigmates traversé de poésie. Si le travail de ce jeune artiste apparaît parfois sous le prisme surréaliste, faisant osciller le quotidien et le fantastique, ses photos en noir et blanc antidaté, sondent, éclairent, attisent notre sensibilité. Le travail de ce jeune artiste qui dénote une pudeur intimiste sur ces contemporains est une valeur artistique riche et foisonnante, panorama des villes marocaines que l'on aime tant, se déroule presque dans un imaginaire d'une vitalité et d'un onirisme proches de celui de Méliès et de son « Voyage dans la lune ». Souhaitons à Merji, l'acuité et le mordant d'un Nino Migliori, qui confiait à au quotidien français Libération, lors de Photomed, «Je crois ne pas avoir beaucoup œuvré pour me faire connaître, mais je suis jeune et j'ai encore du temps devant moi ». *Merji, «Diary of the Bled» Jusqu'au 1er septembre 2013 à La Chambre Claire. Fondation Alliances rue des Tamaris (Bd du Lido). Aïn Diab-Casablanca.