Driss Lachgar, premier secrétaire de l'Union socialiste des forces populaires(USFP), Abdelmajid Bouzoubâa, secrétaire général du Parti travailliste (PT) et Abdelkrim Benatik, secrétaire général du Parti socialiste (PS) ont pris la décision de rassembler et d'intégrer leurs troupes sous une même emblème, celle de l'USFP, gardant et préservant néanmoins leur identité et leur sensibilité propre, nous dit-on ! La nouvelle est d'abord tombée lundi par le biais d'un site qui s'appuie sur une source de l'USFP qui a refusé de se dévoiler : « Nous avons eu une réunion avec le PS et le PT pendant laquelle on a évoqué deux possibilités : la fusion des trois partis en un seul ou alors une coalition de ces trois formations », a semble-t-il confié ce membre du bureau politique du parti de la Rose. Un rassemblement à trois sensibilités Rappelons que ni communiqué, ni déclaration, ni encore un simple propos officiel n'étaient venus étayer cette information qui, pourtant, a suscité un flot de commentaires. Ils ont préféré nourrir les attentes et aiguiser les curiosités, fidèles à une forme de communication en vogue pour certaines marques ! C'est seulement mercredi dans la matinée qu'une conférence a été organisée à Rabat pour concrétiser l'annonce par un communiqué qui précise : « Le Parti socialiste et le Parti travailliste ont décidé de concrétiser l'espoir de l'unité à travers le lancement d'un processus de fusion au sein de l'USFP (...) Cette décision sera soumise aux instances décisionnelles des trois formations en vue de renforcer les capacités de l'USFP et promouvoir sa contribution à la réussite de la transition démocratique et la préservation des acquis nationaux » ! Ce qui faisait l'objet d'un débat approfondi il y a quelques années sur la constitution d'un pôle de la gauche, impliquant en quelque sorte les segments de la gauche traditionnelle, se transforme à présent , l'urgence aidant, en un rassemblement dont le moins que l'on puisse dire est que sa nature et sa composition nous laissent pantois ! Il convient de souligner d'emblée que, s'il venait à prendre forme, ce rassemblement à trois sensibilités relève de la géométrie variable d'une « gauche » qui n'en a désormais que le nom ! Globalement, elle traverse l'une de ses plus graves crises, au point qu'elle a perdu jusqu'à la confiance en elle-même. Les dernières élections ont constitué pour elle, et pour l'USFP en particulier, un désastre, suivi par une perte de vitesse ascendante et un discrédit au niveau de la base et des militants. « L'unité de la gauche, soulignent les partenaires du nouveau rassemblement, est dictée par la nécessité de rationaliser le paysage politique pour le sortir de la balkanisation et l'orienter vers de grands pôles » ! Quid des divergences théoriques et des autres formations comme le PSU, le CNI et le PADS ! Abdelmajid Bouzoubâa est venu tout droit du Conseil national ittihadi, après une période passée à la CDT, donc modèle trempé dans le moule d'un Noubir Amaoui, et en fin de compte dissident séduit par les délices de la politique qui a lancé le Parti socialiste et de jouer la partition de la gauche unie. Ministre sous le gouvernement El Youssoufi, le secrétaire général du Parti travailliste, Abdelkrim Benatik a cette propension à trop vouloir se démarquer des barons qui l'ont marginalisé et à souligner son identité. « Il virevolte, nous dit un membre du bureau politique de l'USFP, et tout ce qui l'intéresse c'est sa propre ascension... » ! La tâche d'un Driss Lachgar, élu à la tête de l'USFP dans des conditions controversées par son challenger, et après une série de rebondissements qui continuent de secouer le parti, est de conforter celui- par un apport numérique relatif des deux petites formations et, aussi, dans la perspective d'une réédition de la Koutla ressuscitée ! Regrouper la famille ittihadie Dans ces conditions, il est légitime de poser ainsi le problème : quels sont les facteurs objectifs qui militeraient pour une coalition ou une fusion ? Les spécialistes du « brain storming » s'échineraient certainement à mettre en placer le concept et l'identité commune à trois lettres. Mais on devine que le mot « socialiste » pourrait y figurer indéniablement, une sorte de logo assoupli qui exprime un tronc commun de valeurs. Le travail, l'union, l'idéologie socialiste sont forcément les ingrédients qui s'imposent à la nouvelle marque de fabrique. On en est pas là ! On en reste à l'expression d'une triple volonté de coopérer ensemble et aux conditions qui s'offrent aux désormais fondateurs du nouveau socialisme marocain. Pour beaucoup d'observateurs, il s'agit d'un effet d'annonce, parce que les trois leaders sortent finalement du même « moule », d'une alchimie syndicalo -socialiste éprouvée par l'expérience du passé et les déchirements qui ont suivi l'alternance. La gorge chaude qui a lâché l'information, précise : « Le PT et le PS sont d'abord les enfants de l'école ittihadie». Dans ce sens, nous entamons nos discussions sur une plateforme commune qui insiste sur la nécessité de regrouper la famille ittihadie. Nous voulons renforcer la gauche au Maroc pour contrer d'un côté le recul dangereux des libertés auquel nous faisons face et de l'autre la montée du fondamentalisme religieux. Nous nous sommes accordés sur «la social-démocratie» et «la stratégie de lutte démocratique » ! Il est de bon ton, de nos jours, de se réclamer de la « social-démocratie », parce que celle-ci, comme une muse, est de retour en Europe, elle rassure les franges de la droite et en même temps s'adapte au contexte économique et social de l'époque marqué au sceau de la crise...On disait de la social-démocratie qu'elle était un « socialisme à visage humain »... L'USFP assume en effet le rôle du fédérateur de la gauche dans ses variantes et ses courants, même contradictoires. Elle entend incarner le renouveau d'une gauche mal-en-point depuis quelques deux ans maintenant. Cependant, dans quelle mesure les deux partis pourraient-ils lui offrir une nouvelle jouvence et surtout le poids pour peser sérieusement dans un échiquier triturée et monopolisé par diverses droites ? Les trois leaders semblent être conscients des différences, voire des divergences qui les divisent ! Dans cette opération de replâtrage et de renaissance, les concessions au niveau des instances et des hommes devraient être significatives pour asseoir une plate-forme consensuelle et mettre en œuvre une vision de relève... C'est le pari à relever 8