Quoi que l'on puisse tempérer sur la situation des finances publiques, il y a anguille sous roche. Pour une personnalité aussi influente sur la politique économique du pays comme Abdellatif Jouahri, gouverneur de Bank Al-Maghrib (BAM), qui a blanchi sous le harnais, être sous la coupe du FMI ne veut pas dire passer sous les fourches caudines. Pourtant des clignotants au rouge comme le déficit budgétaire calculé par Bank Al-Maghrib à 7,6 % en 2012 (7,1 % selon le HCP et le ministère des Finances) et celui pronostiqué pour 2013 à 5,5 % (4,8 % selon le HCP et le ministère des Finances) ne trompent pas. Accélérer les réformes Il semble aussi que les recommandations de la mission du Fonds monétaire international (FMI) effectuée décembre dernier n'ont pas encore trouvée bonne oreille. Pour rappel, elles portent essentiellement sur l'urgence de la réforme des caisses de compensation et de retraite ainsi que l'assouplissement du régime de change. Jusque-là, rien ne laisse présager une telle optique. Pour preuve, le bruit d'une réforme de la caisse de compensation à partir du mois de juin prochain ne trouve pas échos auprès de Jouahri. «Officiellement je ne suis au courant d'aucune réforme prévisible», laisse entendre le Wali lors d'une conférence de presse mardi à Rabat à l'issue de la réunion trimestrielle du Conseil de BAM. Son message est clair comme de l'eau de roche: «plus on retarde les réformes, plus le saut sera périlleux. Certes il s'agit de décisions difficiles à prendre, mais le timing compte pour beaucoup». Face à une hémorragie financière qui continue, Jouahri ne cache pas ses inquiétudes. À la clé, un déficit budgétaire situé à près de 11 milliards de dirhams doublé d'un déficit commercial de 27,5 milliards de dirhams (aggravation annuelle de 17,5 %) à fin février dernier. Colmater la brèche ? La décision d'une sortie à l'international n'est pas tout à fait écartée. Aux yeux de Jouahri, tous les fondamentaux sont réunis pour réussir une telle sortie, pour ne citer que l'accès toujours favorable à la ligne de précaution et de liquidité (LPL) de 6,2 milliards de dollars octroyée par le FMI, ainsi que les perspectives de notation des quatre principales agences internationales. De telles conditions balisent le terrain également pour les banques et entreprises pour aller sur le marché financier international. «Certaines de ces entités ont d'ailleurs eu recours face à la pénurie de cash à une remontée de l'excédent de trésorerie réalisée par leur filiales à l'étranger comme Attijariwafa bank», informe le gouverneur. Et ce n'est pas fortuit que la banque des banques s'est mise en mode alerte face à la recrudescence du coût du risque en lien avec les annonces davantage croissantes de profit warning et l'appel important aux mesures de défense commerciale par bon nombre de sociétés. «On a demandé aux banques de constituer des provisions sectorielles avant de procéder à la distribution de dividendes au terme de l'exercice 2012», éclaire Jouahri. Dans la foulée de cette vague «d'attentisme» qui frappe le marché et le manque de visibilité, des lueurs de détente semblent être en vue. Ce vent d'apaisement provient de l'Afrique, selon Jouahri, étant donné «une Europe malade et un Maghreb Arabe bloqué». Il pense bien sûr à la visite royale en Afrique (Sénégal, Côte d'Ivoire et Gabon). À son avis, il y a lieu de capitaliser sur ce voyage. Surtout l'étape de la Côte d'Ivoire, puisque c'est la première fois que ce pays lève son opposition à l'intégration du Maroc de l'Union économique et monétaire Ouest Africaine (UEMOA) dont le pays de Alassane Ouattara est membre fondateur.