« Un challenge comme celui que je m'apprête à tenter dépend à 90% des facultés mentales et à 10% des aptitudes physiques ». En entendant ces mots, on penserait à des olympiades de mathématiques ou à un championnat d'échecs, mais le défi est beaucoup plus athlétique. Ces dires sont de Nacer Ibn Abdeljalil, jeune marocain de 33 ans qui a troqué sa carrière en finances pour un sport que nos compatriotes ne pratiquent pas en abondance : l'alpinisme. Ces propos ont été prononcés en conférence de presse lundi pour présenter le périple en présence de son principal sponsor. Après s'être mesuré à quelques sommets comme le Toubkal, l'Aconcagua au Chili, ou le McKinley (plus haut sommet de l'Amérique du Nord), Nacer s'attaquera au plus haut point du globe terrestre : le sommet de 8 848 mètres du plus grand mont dans les chaînes de l'Himalaya. Ce natif de Casablanca (33 ans) a effectué ses études au Maroc avant de rejoindre une école de finance en France. Après un passage dans des banques londoniennes et américaines de renom, Nacer a préféré continuer sa carrière dans son pays natal. Il y rencontrera un collègue autrichien qui a déjà plusieurs sommets à son actif, et qui a déclenché en lui l'envie folle de se surpasser et d'adopter l'alpinisme comme sport, une pratique qui rejoint les valeurs de son métier : l'obstination, la persévérance, et le cran. « Il y a des rencontres qui bouleversent l'existence de tout un chacun, et qui vous font penser à modifier plusieurs choses dans votre vie. J'ai eu la chance de vivre cette expérience avec mon collègue avec qui j'ai débuté en pratiquant ma première ascension du Mont-Blanc en France. C'est un sport dans lequel on se transcende et qui permet de se détacher du monde et de ses tracas. On apprend à profiter des moindres petits moments de confort», révèle Nacer lundi. La bagatelle de 800 000 DH comme frais d'équipements Au-delà d'injecter des doses de vitalité et d'adrénaline dans son quotidien et d'être le premier membre d'une nation à réaliser cet exploit, le jeune alpiniste espère donner l'exemple et pousser les gens à revoir ses limites. « Quand les gens entendront parler de mon défi, ils pourront également penser à pousser les barrières de l'impossible et à s'engouffrer dans la brèche ». Cette épopée ne dépendra pas uniquement des motivations de Nacer, mais également des moyens et matériaux qu'il mettra en œuvre pour réaliser l'ascension dans des conditions de sécurité optimales. Ignorer cet aspect relèverait de la stupidité, face à un mont qui a déjà ravi plus de 200 vies depuis les premières expéditions. Près de 800 personnes tentent l'aventure chaque année avec un taux de réussite avoisinant les 30%. Tous les facteurs doivent donc être réunis pour parvenir au sommet : l'aptitude physique, les conditions de sécurité, l'immunité (« un rhume ne guérirait pas pendant toute la durée de l'escalade ») et des conditions climatiques favorables. Nacer Ibn Abdeljalil participe régulièrement à des marathons et des triathlons. Il a déjà déboursé la somme de 800 000 DH en matériel d'escalade et de sécurité. Une expédition britannique pour accompagner Nacer Le départ a été fixé à vendredi prochain avec des escales à Londres et à New-Delhi avant d'atteindre le Tibet. Afin d'assurer le maximum de sécurité, Nacer rejoindra une expédition britannique composée d'Anglais, de Norvégiens et de Sherpas (des Tibétains qui guideront les alpinistes et qui s'occuperont des camps). Le premier mois du voyage sera celui de l'acclimatation. Les membres de l'expédition feront sur cette période des allers/retours entre le camp et les cornes intermédiaires. L'ascension majeure, celle de l'Everest, débutera le mois suivant et durera entre 3 et 10 jours selon le climat. « Je suis conscient du danger qui accompagne cette aventure et tous mes proches savent que je suis du genre à ne pas transgresser les règles de la raisons. J'essaierai de limiter les risques au maximum, mais je ne baisserai toutefois pas les bras et j'irai jusqu'au bout de ce qui a constitué pour moi plus qu'un rêve, un fantasme ! Plusieurs alpinistes professionnels et aguerris ont dû réessayer trois fois pour y arriver, j'espère que la première sera la bonne pour moi parce qu'il me serait difficile de me réengager plusieurs fois ». Il faut dire que le jeune s'est investi à 100% pour concrétiser son aspiration à commencer par la remise de sa démission qu'il a présenté à son employeur il y a trois mois. Epique !