Les événements actuels en Tunisie laissent présager une crise politique aigüe. Ayant pris la décision de former un gouvernement de technocrates face au manque de consensus au sein de la coalition gouvernementale(Ennahda, Ettakatol et le Congrès pour la République), le Premier ministre, Hamadi Jebali, est désormais en mauvaise posture au sein de son propre parti(Ennahda). Le parti islamiste (Ennahda) a appelé à une manifestation samedi à Tunis pour défendre « la légitimité du pouvoir », désavouant ainsi le chef du gouvernement dans son initiative de former un gouvernement « neutre » pour mettre fin à la crise exacerbée par l'assassinat de l'opposant Chokri Belaïd, la semaine dernière. Au moins 3 000 personnes, en majorité des jeunes du parti, ont répondu à l'appel de manifester du parti islamiste samedi à Tunis avec des slogans tels que: « Le peuple veut protéger la légitimité ». Alors que son parti veut une main-mise sur les ministères régaliens, Hamadi Jebali a déclaré qu'il confiera ces porte-feuilles à des indépendants. Il a notamment précisé que les ministres de l'Intérieur, de la Justice et des Affaires étrangères seraient concernés. De quoi horripiler encore plus ses pairs au sein de sa formation donc. Bras de fer Déterminé à aller jusqu'au bout, le Premier ministre qui espère présenter la nouvelle équipe cette semaine, est prêt à démissionner en cas d'échec. « Je présenterai l'équipe au plus tard au milieu de la semaine prochaine. Si elle est acceptée je continuerai à assumer mes fonctions, à défaut, je demanderai au président qu'il cherche un autre candidat pour former un nouveau cabinet », a-t-il dit. Plusieurs dirigeants d'Ennahda veulent bloquer cette initiative en estimant que le chef du gouvernement devrait obtenir la confiance des députés de l'Assemblée nationale constituante (ANC), où les islamistes sont en position de force avec 89 sièges sur 217. Cependant Hamadi Jebali pense pouvoir contourner cette procédure estimant que l'ANC, en l'intronisant à la tête du gouvernement en décembre 2011, lui avait donné le droit de remanier son équipe. Un groupe d'experts réunis par la présidence samedi a semblé lui donner raison, selon un communiqué du palais de Carthage. Selon la loi d'organisation provisoire des pouvoirs publics, le chef du gouvernement peut « créer, modifier et supprimer les ministères et les secrétariats d'Etat, et fixer leurs attributions et les prérogatives, après délibération du Conseil des ministres et l'information du président de la République ». L''opinion publique tunisienne (en majorité) semble favorable à l'initiative du Premier ministre. « Le gouvernement de compétences annoncé par Hamadi Jebali semble en bonne voie, ouvrant les portes de l'espoir pour de très larges franges de l'opinion publique que l'assassinat de Belaïd avait totalement démoralisées », a estimé la presse tunisienne ces derniers jours. Hamadi Jebali a notamment souligné que son initiative vise à empêcher que le pays « bascule dans le chaos et l'irrationnel ». Situation précaire Pour le moment l'opposition tunisienne s'est montrée favorable à l'initiative mais peine toujours à faire entendre sa voix face à Ennahda. Par ailleurs, la situation est toujours précaire. Des manifestants ont incendié dans la nuit de vendredi à samedi les locaux de mouvements islamistes près de Sidi Bouzid. Ils ont mis le feu au siège du parti au pouvoir Ennahda et à celui d'une ONG islamiste dans la ville de Souk Jedid, à 17 km de Sidi Bouzid. Ils ont également incendié trois bureaux du siège de l'administration du district. Selon un bilan du ministère de l'Intérieur diffusé tard samedi soir, un policier a été tué et 59 autres blessés dans les troubles qui ont eu lieu dans le pays après l'assassinat mercredi de l'opposant Chokri Belaïd. 375 personnes ont été arrêtées. Le ministère a également fait état d'attaques sur une dizaine de postes des forces de l'ordre entre mercredi et vendredi.