«Nous sommes démoralisés, nous n'avons plus aucune motivation pour produire des textes. Nous allons finir par nous dire « A quoi bon ? » ». Le président de la commission de justice, de législation et des droits de l'Homme à la Chambre des représentants, le RNIste Mohamed Hanine, laisse éclater sa déception. Appelé, encore une fois, mardi 5 février, à retarder le débat d'une proposition de loi initiée par l'opposition, il met en garde les membres de son équipe contre une paralysie de l'action législative pour cause de reports successifs à des dates ultérieures. Aucun délai fixé, aucun aboutissement, les textes restent au stade de la proposition sans espoir d'évoluer vers une loi à part entière. Un débat à répétition En présence du ministre de la Fonction publique et de la modernisation de l'administration, la commission allait soumettre, comme convenu, la proposition de loi de l'USFP garantissant le droit d'accès à l'information au traitement lorsqu'elle se retrouve face à une situation ingérable. Le député du MP, Mohamed Laâraj, revendique par la voie d'un « point d'ordre » au tout début un ajournement, annonçant que son groupe parlementaire a également travaillé sur le sujet et que sa proposition est soumise en ce moment même au bureau de la Chambre des représentants. Que faire, alors ? La question n'a pas trouvé de réponse depuis près d'un mois déjà. Le député du PJD, Mohamed Benabdessadek, avait alors imposé à cette même commission un débat similaire en sollicitant de ses membres de patienter le temps que la proposition de son équipe accomplisse la procédure administrative pour la joindre à celle du RNI sur le fonctionnement des commissions parlementaires d'enquêtes. La commission avait fini par reporter le débat qui n'a toujours pas eu lieu, mais elle ne s'attendait certainement pas à se retrouver dans des situations similaires aussi fréquemment. « Nous avons sollicité l'avis du bureau de la Chambre des représentants pour trancher », déclare le président de la commission, précisant, toutefois, n'avoir obtenu aucune réponse écrite. L'équipe de Karim Ghellab n'a trouvé aucune voie de compromis et compte à nouveau en faire l'ordre du jour de sa prochaine réunion, lundi. L'opposition, « vilain canard » «Il est regrettable qu'il n'existe aucune procédure pour jumeler des propositions de lois. Mais si nous devons attendre qu'une proposition de loi nous parvienne pour la joindre à une autre déjà prête, jusqu'à quand doit-on patienter ? », se demande le député du RNI, Mohamed Abbou, appelant les membres de la commission à mettre un terme à « l'attente éternelle » et à suivre les règles telles qu'elles sont : « Lorsqu'une proposition de loi est prête, elle doit être traitée », rappelle-t-il, mettant en garde contre « le risque de contagion de situations sans issues ». « Le premier venu est le premier servi. Ce genre de débat épuise la commission en vain», estime la députée de l'USFP, Aïcha Loukhmas. « Nous ne contestons pas la nécessité de trouver un terrain d'entente, mais ce qu'il faut souligner, c'est que la proposition de loi ne doit pas faire l'objet d'une compétition entre opposition et majorité », indique le député de l'USFP, Hassan Tarek. La colère de Ali El Yazghi L'enjeu se résume à cette « compétition », à en croire l'opposition pour qui le report de ses propositions traduit « une volonté claire de la majorité de lui mettre des bâtons dans les roues ». L'USFPéiste Ali El Yazghi en est convaincu : « Je me suis senti obligé de prendre la parole pour rappeler à tous que cette attente finira par tuer notre mission envers les citoyens. Nous risquons une nouvelle année législative blanche (...) Nous avons beaucoup travaillé sur cette proposition de loi, nous n'avons pas engagé de bureau d'étude pour l'élaborer », affirme-t-il. Et de souligner que l'intérêt qu'accorde la constitution au rôle de l'opposition ne trouve aucun écho auprès de la majorité. « Quel est notre rôle si à chaque fois nous sommes sabotés ! », s'exclame-t-il. Accusé, le MP se défend en rappelant que le député qu'il soit de la majorité ou de l'opposition dispose des mêmes attributions constitutionnelles et doit à ce titre remplir sa mission quelle que soit sa couleur politique.