A la séance mensuelle des questions de politique générale, mercredi à la Chambre des conseillers, le Chef du gouvernement a reconnu qu'une catastrophe guette les caisses de retraite. L'opposition, elle, accuse l'Etat de ne pas assumer son rôle. Croissance du déficit et catastrophe à l'horizon. Abdelilah Benkirane a laissé de côté son optimisme pour avouer que son gouvernement a hérité d'un réel problème, celui des caisses de retraite. « Je vous parle, aujourd'hui, du danger, de l'ampleur qu'accusent les caisses de retraite depuis l'an 2000, menaçant leur pérennité dans le moyen et le long terme. On s'est contenté jusque là de mesures partielles qui n'ont pas réussi à éloigner le spectre du déficit », déclare-t-il. En chiffres, le Chef du gouvernement expose une situation désastreuse confiant aux membres de la Chambre des conseillers, mercredi, sa détresse et appelant les différents acteurs politiques, économiques et de la société civile à fédérer leurs efforts pour soutenir le gouvernement dans sa volonté de redresser la pente. Le Chef du gouvernement Abdelilah Benkirane était accompagné hier à la Chambre des conseillers par les ministres concernés par la question des retraites. Diagnostic sans appel Si rien ne va plus, c'est pour plusieurs raisons. La première, aux yeux de Benkirane, réside dans la multiplicité des systèmes de retraites, ayant créé des déséquilibres dans la moyenne des pensions. A cela s'ajoute la faiblesse du taux d'adhésion qui atteint à peine 33 % des personnes actives. « Des catégories qui ne font pas partie des salariés n'en bénéficient pas et des employeurs dans le privé ne déclarent pas tous leurs salariés auprès de la CNSS », explique le Cchef du gouvernement. RCAR, CIMR, CNSS, CMR, les caisses de retraite ont pour point commun la difficulté financière à des niveaux différents. Ainsi depuis la fin de l'an dernier, la CMR croule sous le poids de la faillite, un déficit technique dont l'origine se trouve dans le déséquilibre entre les pensions servies aux retraités et les cotisations des actifs affiliés. « Si aucune mesure n'est prise, le déficit annuel atteindra 1,28 milliard de dirhams en 2014 et s'accroitra à 24,85 MMDH en 2021 et à près de 45,66 MMDH en 2030 pour arriver à 78,54MMDH en 2061 », calcule le Chef du gouvernement. Les raisons de la faillite A l'indicateur démographique s'ajoute la vétusté d'un système dont le calcul des pensions prend pour base le dernier salaire et non la moyenne. Le nombre des retraités a augmenté de 1986 à 2011 avec une tendance quatre fois plus importante par rapport aux actifs bénéficiaires. « Le taux de couverture est passé de 12 adhérents pour un seul retraité en 1983, à 6 en 1997, ensuite à 3 en 2011. Et cette décente continuera pour arriver à une seule cotisation pour un seul retraité à l'horizon 2032 », prévient Benkirane esquissant l'état d'une crise sans précédant. Et de souligner que la période de cotisation s'est réduite progressivement en raison de l'intégration de l'employé à un âge plus avancé : de 24 ans en 1980 à 27 ans, actuellement. Parallèlement, c'est aussi la longévité (21 ans, aujourd'hui, contre 17,8 ans en 1980) qui impose un coût supplémentaire. L'amélioration du seuil des retraites allant de 500 DH en 1999 à 600 DH en 2008, puis de 1 000 DH en 2011 aura un impact financier de 1,3 MMDH dans les 50 années. Pistes de réforme « Nous avons besoin de 125 MMDH dans les vingt années à venir pour sauver la retraite, de 1 200 MMDH pour rembourser des cotisations non payées... Si rien n'est fait ! Mais je ferai le nécessaire même si cela déplaît à certains », défit Benkirane, applaudi par les Conseillers. Des mesures, il en a, elles s'accordent toutes sur le principe d'une réforme profonde visant à créer un régime de retraite plus équitable et homogène à même de préserver les droits des retraités. La réforme veut aussi élever le niveau des indemnités et financer les systèmes de retraites civiles par la voie de « solutions équitables consensuelles ». Pour atteindre ce but, il faudra résoudre deux problèmes de toute urgence : l'équilibre financier des différents régimes de retraites (civiles) et l'élargissement de la couverture à l'ensemble des salariés et les personnes actives non salariées. « Le travail du comité technique a été accéléré en raison de la situation. Suite à plus de 16 rencontres tenues en 2012, le comité a établi un mémorandum contenant des propositions à ce sujet. La Cour des comptes a également diagnostiqué les dysfonctionnements et est sur le point d'achever son rapport », indique Benkirane. Et de rappeler que la question des caisses de retraite a alimenté la première réunion de la haute commission du dialogue social. « Il a été convenu qu'une rencontre du comité national soit organisée le mois courant pour définir avec précision les lignes directrices de la réforme des caisses et les mesures à entreprendre », annonce-t-il. Une étude et des mesures Benkirane ne compte pas révolutionner les systèmes de retraites mais uniquement les améliorer. Il a tenu à le souligner en déclarant que son ambition est de préserver l'ossature actuelle pour y introduire des réformes qui ne concerne que les barèmes de façon à permettre aux caisses de continuer leurs services. Quant à l'éventualité d'adopter un statut unique à l'ensemble des caisses, la mission s'annonce difficile et peu probable. Ce qui semble possible, par contre, c'est la création d'un régime en deux volets public et privé comprenant le régime essentiel obligatoire dont le seuil est fixé et un autre complémentaire. * Tweet * * *