Institutionnaliser l'insertion des enfants en situation difficile dans des familles d'accueil, c'est l'objectif de l'Association Bayti. Elle a organisé mardi à Casablanca, un séminaire international pour exposer son nouveau projet. L'association Bayti souhaite institutionnaliser l'insertion des enfants en situation difficile dans d'autres familles. L'idéal, c'est de voir les enfants vivre avec leurs parents. Mais à défaut de grives, on se résout à manger des merles. Si ces derniers, à cause de moult problèmes ne parviennent pas à leur assurer une bonne prise en charge, autant chercher d'autres alternatives. Celle que l'Association Bayti a trouvé, c'est la mise en place d'un concept dénommé « Dispositif Famille d'Accueil » qui a été dévoilé lors du séminaire international intitulé « La famille d'abord, du placement institutionnel à l'accueil familial, regards croisés Maroc-Europe ». Plus prosaïquement, elle souhaite institutionnaliser l'insertion des enfants en situation difficile dans d'autres familles qui vont assurer temporairement leur prise en charge. Pour ce faire, elle a crée avec les associations SOS Villages d'enfants et Bayt Al Hikma, un comité de pilotage chargé de rédiger une proposition de modification de l'article 471 du code de procédure pénale relatif aux modalités de placement des mineurs qui prévoit le placement du mineur chez « toute personne digne de confiance » . « La famille est une composante essentielle et sécuritaire, une cellule protectrice. Notre expérience nous a prouvé que ce n'est pas le lien biologique qui fait la famille ni le lien juridique de filiation, c'est davantage le lien affectif, l'intégration des règles sociales et des valeurs éducatives. L'enfant accueilli n'est pas un invité, c'est un enfant de plus et la famille d'accueil ne doit pas chercher ni à remplacer ni à concurrencer la relation de l'enfant avec ses parents biologiques », lit-on dans l'argumentaire du comité. 60 % des familles marocaines adhèrent à ce dispositif De même, l'apport des centres d'accueil ou institutions dans l'éducation de l'enfant semble limité. « L'expérience nous a montré que le placement en institution, des enfants privés du milieu familial, n'est pas adapté à toutes les situations. Par ailleurs, l'institutionnalisation de longue durée peut avoir des effets dévastateurs sur les enfants pris en charge. (..) Au sein des institutions, les enfants sont souvent privés d'une prise en charge individualisée, d'une attention personnelle et positive, et de relations affectueuses. Le coût de la prise en charge en institution qui est estimé à 4 000 dirhams par enfant mensuellement est beaucoup plus élevé que la prise en charge dans une famille d'accueil », ajoute-t-il. Durant cette rencontre, deux représentants d'associations française et italienne ont présenté leurs expériences dans ce domaine. Pour recueillir l'avis des familles marocaines sur ce nouveau projet, l'Association Bayti a mené une étude de faisabilité en 2008. Selon les résultats de ce sondage, 60 % d'entre elles sont favorables à ce dispositif. « La reconnaissance de la famille d'accueil par les Etats comme alternative formelle à la prise en charge des enfants privés de protection familiale est une démarche encouragée par les lignes directrices des Nations unies relatives à la protection de remplacement pour les enfants ». 3 QUESTIONS À … Dr. Jaouad Chouaib, président de l'Association Bayti Quel est l'objectif de ce séminaire international ? Le but spécifique de ce séminaire c'est d'arriver à constituer un collectif d'associations qui plaidera pour la mise en place du dispositif de famille d'accueil. Il existe déjà un comité de pilotage qui est mis sur pied, mais il a besoin d'être renforcé et d'être élargi afin que l'action de plaidoyer soit plus forte auprès du législateur. Nous prévoyons d'adopter une charte pour l'institutionnalisation du dispositif de famille d'accueil et faire les démarches au niveau du ministère de la Justice – dont trois juges participent à l'élaboration de ce projet-, le ministère du Développement social, de la Famille et de la Solidarité et à plus grande échelle le gouvernement. Nous avons élaboré un manuel de procédures où figurent toutes les dispositions que doivent avoir les familles d'accueil. C'est un concept nouveau. Il ne faut pas seulement travailler sur le coté législatif, il existe en outre un problème de financement dans la mesure où les familles d'accueil ont besoin de formation et d'accompagnement afin d'assurer une bonne prise en charge temporaire des enfants en attendant que ces derniers puissent réintégrer éventuellement leurs familles biologiques. Les lois devraient être modifiées pour appliquer ce dispositif. Le Ministère de la Justice a dernièrement sorti une circulaire pour interdire l'adoption d'enfants marocains par des familles non musulmanes. Cette nouvelle sur la Kafala ne risque-t-elle pas de constituer un obstacle à votre projet ? Notre dispositif familial peut être un dispositif complètement différent de celui de la Kafala. Un éventuel changement de la loi sur la Kafala n'impacterai en rien le nouveau projet de loi que nous présenterons au législateur. En tant que association, nous pensons qu'il faut privilégier et respecter l'intérêt supérieur de l'enfant. Dans toutes les lois relatives aux familles d'accueil, on essaie souvent de rester en harmonie avec la culture dans laquelle l'enfant a grandi parce qu'il est censé rester dans cette famille pour un moment donné. Donc il faut faire en sorte que cette famille d'accueil ne l'impacte pas au point qu'il ne puisse pas revenir chez ses parents. La religion en soit n'est pas une contrainte. Tout dépend de comment cette famille d'accueil compte utiliser cette religion pour éduquer cet enfant. Le débat est loin d'être tranché. L'important c'est d'adopter le dispositif de famille d'accueil et de le faire évoluer dans le temps. Est-ce qu'il ne faudrait pas essayer d'améliorer la situation sociale des familles d'origine pour permettre aux enfants d'évoluer et de s'épanouir auprès de leurs parents ? Nous restons convaincus que le principal objectif que doit avoir toute association où toute institution qui s'occupe de l'enfance c'est de les réintégrer dans leurs familles d'origine. Il y a des familles qui restent toujours défaillantes souvent à cause de facteurs psychiques. Donc nous sommes obligés de garder l'enfant jusqu'à l'âge adulte. Il faut que les institutions travaillent aussi avec ces familles. Les liens familiaux doivent être conservés car la famille reste un repère pour les enfants quel que soit son degré de dysfonctionnement. Il est nécessaire de s'attaquer aux principales causes qui contraignent les enfants à quitter leurs domiciles. * Tweet * * VN:F [1.9.21_1169] please wait… Rating: 0.0/5 (0 votes cast) VN:F [1.9.21_1169] Rating: 0 (from 0 votes)