Longtemps méconnue du grand public, la cigarette électronique est de plus en plus prisée dans le monde et au Maroc en particulier. Les vendeurs la présentent comme un moyen efficace de sevrage tabagique. Les spécialistes, eux, affichent leur scepticisme. Les pharmaciens ont du souci à se faire. Les médicaments destinés au sevrage tabagique risquent de prolonger leur séjour dans les rayons. La raison ? Un concurrent nommé « cigarette électronique ». La dernière trouvaille des commerçants de cigarettes qui la présentent comme une méthode efficace pour arrêter de fumer. À première vue, elle ressemble à une cigarette traditionnelle. La différence réside dans son architecture : une batterie, un microprocesseur, un pulvérisateur et une cartouche remplie d'un liquide pouvant contenir de la nicotine ou des substances aromatiques à base d'additifs alimentaires ou d'arômes artificiels. Lorsque le fumeur aspire, la cartouche libère la nicotine, tandis qu'une petite lampe rouge s'allume au bout du tabac. Sauf qu'en lieu et place de la fumée, l'usager inhale de la vapeur d'eau remplie de nicotine et d'arômes. Un savant dosage pour séduire et faire réagir. Longtemps méconnue du grand public, la cigarette électronique est de plus en plus sollicitée. En France par exemple, les industriels du tabac estiment que chaque jour, 500 000 personnes utilisent le produit et qu'1 million d'utilisateurs l'ont déjà testé. Les retombées financières seraient estimées à environ 10 millions d'euros pour un prix d'achat compris entre 9 et 11 euros. Au Maroc , ça fume aussi … Ce « nouveau médicament» est aussi disponible au Maroc. Plusieurs vendeurs attirent la clientèle à travers de petites annonces sur internet. Les consommateurs peuvent également commander la cigarette électronique en ligne, dans des sites comme ecigarette.ma. ... Sur la toile ... Pour aguicher les clients, les arguments thérapeutiques ne manquent pas. « La cigarette électronique permet de ressentir toutes les sensations que l'on peut éprouver en fumant, une cigarette normale sans absorber de substances toxiques pour l'organisme. Vous pourrez donc substituer votre cigarette normale par une cigarette électronique sans changer vos habitudes et surtout sans nuire à votre santé et à celle de votre entourage.» Selon un responsable du site qui préfère garder l'anonymat « Elle est disponible au Maroc depuis 2006 , mais elle n'était pas très connue des consommateurs. Aujourd'hui, elle est sollicitée dans différentes catégories d'âge. C'est une sorte de simulateur pour les personnes qui désirent arrêter la cigarette. » Les ventes restent relativement timides comparativement au marché français. « Notre chiffre d'affaires varie selon les moments de l'année. Ils sont particulièrement en hausse durant la période post-ramadan. Nous recevons en moyenne 9 à 10 commandes par jour », renchérit-il. ... Et dans les boutiques De simples particuliers s'adonnent aussi à ce business. Y.A, 24 ans et étudiant à la faculté des sciences économiques de Casablanca figure dans ce lot. Un moyen, selon lui, de couvrir ses frais de scolarité. «Depuis février 2012, je me rends régulièrement en Chine (pratiquement tous les trois mois) afin d' importer des cigarettes électroniques dans le marché marocain et couvrir mes frais de scolarités. Le prix d'achat avoisine les 150-200 dirhams, selon plusieurs critères (qualité, arômes…) ». Sa clientèle est essentiellement constituée d'«étudiants et de cadres. Ces derniers sont de plus en plus fréquents. Ils achètent parfois 4 à 10 articles ». Samir fumeur de son état nous révèle que « la fumée d'un cigarette électronique est beaucoup moins dense et permet d'éviter le goudron présent dans les autres cigarettes. Les arômes proposés dans une e-cigarette sont aussi plus agréables que le goût rude et sec d'une cigarette normale » Toutefois, le produit n'est pas accessible à toutes les bourses : il faut dépenser 500 dirhams pour l'acquérir. « Le produit n'est pas très répandu au Maroc, ce qui fait que les prix sont très élevés dans les points de vente comme les bureaux de tabac ou dans certaines boutiques » remarque-t-il. Les spécialistes pas convaincus Les spécialistes s'érigent contre les arguments avancés par les commerçants. L'absence de tests scientifiques sur la toxicologie du produit concourt, selon eux, à discréditer leurs propos. « Si les vendeurs de cigarettes électroniques veulent aider les fumeurs à cesser de fumer, alors ils doivent mener des études cliniques et des analyses de toxicité et se plier au cadre réglementaire. Tant que cela n'a pas été fait l'innocuité et l'efficacité du produit ne peuvent être garanties » suggère Dr Douglas Bettcher, Directeur de la campagne anti-tabac de l'OMS, avant d'ajouter «un certain nombre d'additifs présents dans le produit peuvent être très toxiques. (...) Il est 100% faux de prétendre que la cigarette électronique est une thérapie pour arrêter de fumer». Le débat est loin d'être tranché … * Tweet * *