La troisième édition du festival Migrant'scène dénonce, en son et en images, la situation précaire des immigrés au Maroc. Un vibrant appel à la tolérance, par ces temps d'opprobre. Les photographies de deux participants à l'atelier: le Français Sébastien Bachelet et le Marocain Soufiane El Hamdi. (Ci-dessous) Organisé dans le cadre du partenariat Gadem (groupe antiraciste d'accompagnement et de défense des étrangers et migrants) et Dabateatr, et soutenu par la Cimade (service d'entraide et d'accompagnement des étrangers migrants), Migrant'scène a entamé ses travaux lundi, ces derniers s'étendront jusqu'à samedi à la salle Gérard Philippe de l'Institut français de Rabat. Organisé dans le cadre de la semaine Dabateatr Citoyen, ce projet fait écho au festival Migrant'scène organisé par la Cimade en France depuis 2006. Le programme prévoit un atelier multimédia, sur l'immigration clandestine, chapeauté par la photographe Leila Alaoui. Un atelier qui a commencé hier et se poursuit aujourd'hui, s'appropriant le thème de la migration et la situation des minorités sub-sahariennes au Maroc. Un panorama en images dénonçant vigoureusement leur situation à travers les regards de différents photographes et vidéastes qui s'érigent en fervents défenseurs de la question migratoire. Les photographies présentées hier, entre autres, mettent en avant un travail sur la vie quotidienne de migrants dans le quartier de Takadoum réalisé par le Français Sébastien Bachelet, un autre sur les migrants militants réalisé par le Camerounais Eric William, la célébration de la fête de l'indépendance nigérienne par Cynthia Okechukwou, ainsi que des angles artistiques variés sur l'interculturalité au Maroc. Aujourd'hui seront présentés les travaux vidéos dont un travail sur l'intégration réalisé par le Camerounais Pierre DelaGrange, une enquête sur le racisme et la diversité au Maroc concoctée par Amat Errahman, aux origines marocco-palestiennes. Huit contre tous Tout a commencé au cours des déambulations de Leila à Rabat, un travail de recherche qui l'a conduite auprès d'associations et de militants pour les droits des immigrés. Suite à ces rencontres, la photographe a choisi de collaborer avec des personnes cultivant un vif intérêt pour le sujet. Voilà comment est né cet atelier englobant huit personnes résidentes au Maroc, d'origines différentes, qui se sont retrouvées chaque semaine au courant du mois d'octobre pour discuter de leurs démarches et de leurs travaux. « Je recherchais des personnes impliquées dans cette cause et qui avaient un intérêt pour la photographie ou la vidéo. Certains participants se sont intéressés au dialogue, à l'interaction et à l'interculturalité, tandis que d'autres ont partagé leur vision, en se basant sur leurs expériences personnelles » explique Leila Alaoui. Au-delà du volet artistique, le projet prend une dimension militante et tient à pointer du doigt les inégalités dont sont victimes ces subsahariens, d'autant que la présentation du travail artistique est suivie de discussions autour des thématiques tels que le racisme, les agressions contre les subsahariens, leur situation irrégulière et les militants qui luttent pour asseoir leurs droits. Un débat qui tombe à pic, au vu de la couverture scandaleuse de Maroc Hebdo, la semaine dernière, affichant effrontément le titre « Le péril noir » et illustrée par le visage d'un subsaharien. Insolite, fâcheux et désolant. « Je cherche justement à heurter les mentalités. Il se passe des choses scandaleuses au Maroc et les autorités gèrent très mal le problème des migrants. je l'ai vécu et vu et de mes propres yeux depuis que je passe du temps dans les quartiers des migrants », déplore-t-elle. Halte à l'intolérance La photographe, qui a à son actif plusieurs expositions sur l'immigration clandestine, ne s'est pas contentée de superviser. Elle a participé à une résidence de plusieurs semaines au Riad de la compagnie Dabateatr à Rabat, suite à laquelle elle présentera une installation sonore. Conçue dans le noir, l'installation constitue un montage poignant de témoignages de subsahariens qui racontent leur parcours et leurs situation au Maroc. « Ils ont tout abandonné derrière eux et ont pris le risque de perdre leur vie pour se faire un avenir. Oui, il est vrai qu'ils n'ont pas de papiers et que l'Europe met la pression pour que les Autorités marocaines les empêchent de passer. Mais ce n'est pas un raison pour les traiter de la sorte et les stigmatiser », dénonce-t-elle. Et d'ajouter : « Beaucoup des migrants que j'ai rencontrés ont été victimes d'arrestations arbitraires, d'agressions et de racisme ». À signaler que le concert de « The minority globe », groupe éclectique aux influences variées, qui donne la parole aux musiciens migrants venant du Ghana, du Togo, du Nigeria et du Congo, a ponctué l'exposition hier. « Migrant'scene » est un travail probant à suivre de près et un message à véhiculer urgemment, contre ceux qui prônent un obscurantisme sans nom. * Tweet * *