Mohamed Maradji a été l'un des photographes présents avant et pendant la Marche verte. A travers l'objectif de ce professionnel reconnu, cet événement phare de l'histoire contemporaine du royaume a été immortalisé. Quand a été décidée la Marche Verte ? La Marche Verte a été décidée par Hassan II et communiquée au peuple marocain lors du discours royal du 16 octobre 1975. En se basant sur la décision de la cour internationale de justice. Le roi Hassan II a appelé les Marocaines et les Marocains à se rendre massivement et pacifiquement dans les provinces du sud, armées du seul Coran pour témoigner de leur volonté pacifique. C'est ainsi que 350 000 personnes, dont 35 000 femmes, ont spontanément répondu à l'appel. Les autorités de l'époque s'attendaient-elles à un tel succès ? Le terme « succès » est en effet le mieux adapté pour parler de cette opération. Le contexte était particulier, mais c'était sans compter sur la connaissance qu'avait Hassan II de son peuple et sans compter sur sa dimension de grand stratège. Je ne pense pas que la Marche Verte aurait été lancée si le succès n'était pas tangible. Par cet acte, Hassan II a étonné le monde. Vous avez accompagné la Marche Verte, que pourriez-vous en dire ? Je faisais partie des volontaires. Il était naturel pour moi de faire cette route avec mes compatriotes et de vivre de l'intérieur un aussi grand événement. Bien entendu, j'en ai profité pour exercer mon métier et apporter ma modeste contribution à cette page de l'Histoire de notre pays qui s'écrivait kilomètre après kilomètre, à mesure que nous nous enfoncions vers le Sud. Le souvenir que j'en garde est cette ambiance bon enfant, cette bonne humeur dont les volontaires ne se sont pas départis durant toute cette épopée. Nous avions tous le sentiment, justifié, d'avoir accompli quelque chose d'extraordinaire qui n'est pas donné à tout le monde de vivre. Quels sont les moments qui vous ont le plus marqué ? La Marche en tant que telle est un exploit digne des plus grands moments de l'Histoire. Parler d'un moment particulier, c'est minorer les autres. Mais j'ai été particulièrement sensible au sentiment d'abnégation des participants. Nous étions des représentants du peuple qui défendaient le droit de leur pays, sans armes, armés de notre seule volonté de récupérer ce qui nous appartenait. J'ai également été touché par l'organisation. Déplacer 350 000 personnes n'est pas une mince affaire, en particulier sur une aussi longue distance et sur autant de jours. L'exploit logistique qui a été réalisé est une prouesse unique. J'ai enfin été admiratif devant le respect que les marcheurs témoignaient à cette mission dont ils se sentaient investis et mais aussi les uns vis-à-vis des autres. La ferveur l'emportait sur tout le reste. L'ambiance festive, les rencontres que j'ai faites et que j'ai eu la chance d'immortaliser pendant que je partageais le quotidien de mes concitoyens constituent pour mois des souvenirs impérissables. « Je faisais partie des volontaires. Il était naturel pour moi de faire cette route avec mes compatriotes et de vivre de l'intérieur un aussi grand événement ». La Marche Verte a eu un écho mondial important, comment expliquez-vous cela ? Comme je vous le disais il y a un instant, la dimension de cette Marche était exceptionnelle ? Du coup, les projecteurs du monde entier ont été braqués sur notre pays. Il y avait de nombreux journalistes étrangers qui ont couvert la Marche. Parmi eux de nombreux photographes d'agences internationales comme Bruno Barbey de Magnum, un amoureux du Maroc qui l'a parcouru dans tous les sens, Abbas, qui était à l'époque à l'agence Gamma et qui est aujourd'hui dans la prestigieuse agence Magnum. Il y avait aussi Alain Noguès, cofondateur de l'Agence Sygma, avec qui j'ai fait un reportage à Cuba en 1982 en compagnie de Sebastiao Salgado, un autre monstre de la photo. 37 ans plus tard, que représente selon vous la Marche Verte pour les Marocains, en particuliers les plus jeunes d'entre nous qui ne l'ont pas vécue directement? La Marche Verte est un symbole inaliénable de l'Histoire du Maroc. Le Maroc a toujours été un pays de défis. Pour les plus jeunes d'entre nous, il y a là matière à s'inspirer. Que ce soit sur les questions d'engagement citoyen, de défense de notre Histoire ou tout simplement de mise en commun d'énergies individuelles au service d'une noble cause. Se commémorer un tel événement, c'est aussi se rappeler que ce qui est acquis a nécessité beaucoup d'efforts et de sacrifices et que les efforts ne doivent pas se relâcher pour que notre avenir puisse continuer à être radieux. * Tweet * *