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« Allô ! Je veux avorter en haute mer ! » | Le Soir-echos
Publié dans Le Soir Echos le 03 - 10 - 2012

L'ONG néerlandaise Women on Waves arrive cette semaine au Maroc pour mener une campagne en faveur de la légalisation de l'avortement. Au programme, des IVG pratiquées à bord du navire de l'ONG qui jettera son ancre dans les eaux internationales.
Le voilier néerlandais, Women on Waves, devrait mouiller au cours de la semaine au large du Maroc.
Les autorités marocaines autoriseront-elles le voilier de l'ONG néerlandaise « Women on Waves » à accoster dans un des ports du pays ? Les responsables de l'ONG, sillonnant les mers depuis des années pour pratiquer des IVG à bord de leur navire, mènent actuellement les démarches administratives. La date et le lieu d'arrivée du bateau devront être divulgués aujourd'hui, selon Ibtissame Betty Lachgar, membre du très controversé MALI ( Mouvement Alternatif pour les Libertés Individuelles), initiateur de cette croisade contre l'interdiction de l'avortement. « Les Marocaines qui ont choisi d'interrompre leur grossesse pour diverses raisons peuvent le faire à bord du bateau, en toute sécurité », précise cette psychologue, se félicitant au passage de cette initiative qui aura lieu pour la première fois dans un pays arabo-musulman. « Nous allons mettre en place un numéro de téléphone où les femmes pourront nous contacter, afin de leur expliquer la procédure. L'avortement se fait en haute mer, dans les eaux internationales, loin du territoire marocain ». Une manière de contourner la loi marocaine qui incrimine l'avortement. L'initiative, qualifiée de courageuse par certains et provocatrice par d'autres, vise surtout à inciter le gouvernement Benkirane à « abroger les articles 449 à 458 du Code Pénal pénalisant l'avortement ».
Une loi désuète
La loi condamne aussi bien la femme que toute personne qui tente de l'aider à pratiquer une IVG. Ainsi, l'article 449 du Code pénal prévoit des peines de prison de 1 à 5 ans et d'une amende de 120 à 500 DH « quiconque par aliments, breuvages, médicaments, manoeuvres, violences ou par tout autre moyen, a procuré ou tenté de procurer l'avortement d'une femme enceinte ou supposée enceinte, qu'elle y ait consenti ou non ». En cas de décès, la peine est la réclusion de dix à vingt ans. L'article 454 punit de 6 mois à 2 ans toute femme qui s'est intentionnellement fait avorter ou a tenté de le faire. La seule exception tolérée par la loi est l'IVG nécessitée par la sauvegarde de la vie de la mère…mais reste conditionnée par l'autorisation du conjoint ou du médecin-chef de la préfecture ou de la province. « L'avortement n'est pas puni lorsqu'il constitue une mesure nécessaire pour sauvegarder la santé de la mère et qu'il est ouvertement pratiqué par un médecin ou un chirurgien avec l'autorisation du conjoint. Si le praticien estime que la vie de la mère est en danger, cette autorisation n'est pas exigée. Toutefois, un avis doit être donné par lui au médecin-chef de la préfecture ou de la province. A défaut du conjoint, ou lorsque celui-ci refuse de donner son consentement ou qu'il en est empêché, le médecin ou le chirurgien ne peuvent procéder à l'intervention chirurgicale ou employer une thérapeutique susceptible d'entraîner l'interruption de la grossesse qu'après avis écrit du médecin-chef de la préfecture ou de la province attestant que la santé de la mère ne peut être sauvegardée qu'au moyen d'un tel traitement », lit-on dans l'article 453. Cette loi est qualifiée par les partisans de la légalisation de l'avortement, notamment l'AMLAC (Association marocaine de la lutte contre l'avortement clandestin), de désuète.
Non à l'avortement clandestin !
La réalité amère vécue par les femmes nécessite une réforme urgente de la législation, ne cessent ces derniers de marteler. «Nous recensons 600 à 800 avortements clandestins chaque jour au Maroc. C'est une véritable tragédie et le gouvernement n'en est pas conscient. Les femmes n'avortent pas par plaisir. Si il y a avortement, c'est qu'il y a souffrance et détresse », s'indigne Ibtissame Betty Lachgar, en précisant que « l'Etat n'a pas à choisir à la place de la femme d'avorter ou non. C'est un droit de la femme ». Pour sensibiliser autant de femmes et de jeunes filles, l'ONG a diffusé sur Internet une pétition. « Notre objectif est d'attirer l'attention sur les conséquences d'une grossesse non désirée et d'un avortement illégal et de mettre fin aux pratiques clandestines qui comportent de nombreux dangers en offrant des moyens d'avortement légaux, contrôlés et sanitaires afin de sauver des vies », poursuit-elle.
Alors que Bassima Hakkaoui, ministre la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement social est restée injoignable, une source au sein du département de Mustapha El Khalfi, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, a déclaré que « cette initiative de Women on Waves est un non événement. Elle est tellement marginale qu'elle ne doit pas nous détourner des questions prioritaires et fondamentales pour le pays ».
La même source a ajouté que
« l'appel à des pratiques interdites dans la législation marocaine seront traitées selon les textes législatifs en vigueur ». Des observateurs interrogés sur la question sont unanimes à dire que le scénario vécu par le bateau Exotic Mediterranean transportant des passagers homosexuels se répètera. Le navire a été interdit de faire escale à Casablanca «pour des raisons de sécurité ».
Trois questions à
Chafik Chraibi, président fondateur de l'association marocaine de lutte contre l'avortement clandestin (AMLAC).
Quel est votre avis sur la démarche de l'association Women on Waves qui pratique des avortements à bord d'un navire dans les eaux internationales pour défendre le droit de la femme à l'avortement ?
L'ONG nous a contactés en février dernier pour effectuer cette visite au Maroc entre fin septembre et début octobre. Ses responsables sont venus au siège de l'AMLAC. Ma réponse était catégorique : j'étais contre cette approche. Le but de l'AMLAC est d'effectuer des avortements dans la légalité et dans de meilleures conditions sanitaires.
Il est vrai que la démarche est symbolique pour défendre le droit de la femme à l'avortement et que c'est la première fois qu'une telle initiative pourra avoir lieu dans un pays arabo-musulman mais pratiquer des avortements en haute mer dans les eaux internationales est pour moi une façon de contourner la loi et c'est en quelque sorte de la clandestinité.
Du nouveau par rapport à votre combat ?
Nous allons organiser une journée d'études soit en novembre soit en décembre prochains au Parlement sur la problématique de l'avortement clandestin à l'invitation de la vice-présidente du Parlement Khadija Rouissi. Tous les partis politiques seront présents.
Que dit le chef de gouvernement ?
J'ai rencontré Abdelilah Benkirane qui a affirmé devant ses ministres qu'il est pour une autorisation partielle de l'avortement. Certains partis politiques ont rallié notre cause comme le PPS, le PAM et l'USFP.

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