Vol au –dessus d'un nid de coucou » est un film qui a eu un mal fou à se faire avant de devenir le triomphe que l'on connaît (5 oscars en 1976 dont celui du meilleur film et du meilleur scénario). Adapté d'un bouquin d'un ancien détenu, dont la star Kirk Douglas acquit les droits dans les années 60 avant de le jouer sur scène, le film fut produit par son fils Michael, alors âgé d'à peine trente ans, bien avant que sa carrière d'acteur ne décolle et n'en fasse l'une des figures les plus emblématiques du cinéma hollywoodien des eighties. Il faudra la réussite de films tels que « Easy rider » et ceux des cinéastes du Nouvel Hollywood avant que les financiers n'acceptent d'investir dans le projet, jugé trop noir et trop désespéré au départ. Michael Douglas a alors l'idée de faire appel au cinéaste tchéquoslovaque Milos Forman dont la carrière américaine peine à décoller malgré la vraie réussite artistique de « Taking off », première tentative sur le sol US qui s'est soldée par un échec commercial retentissant. Forman, qui a connu la répression de près, va alors livrer une réflexion sur la liberté qui a encore une forte résonnance aujourd'hui, plus de 35 ans après la sortie du film. En 1963. Afin d'échapper à la prison, le facétieux Randle Patrick McMurphy (Jack Nicholson), 38 ans, se fait passer pour fou après un viol. Interné dans un asile, il découvre une galerie de personnages attachants, dont Big Chief (Will Sampson), un indien gigantesque qui se fait passer pour sourd-muet, Martini, un débile léger (Danny De Vito), Billy Bibbit (Brad Dourif), bègue et suicidaire ou encore Charlie Cheswick (Sydney Lassick), qui souffre de peurs paniques. Ils sont tous chaperonnés par une infirmière très sévère, Miss Mildred Ratched (Louise Fletcher). Cette dernière n'hésite pas à user de traitements de choc pour réduire les pensionnaires dans un état presque végétatif. Très vite, Randle se sent touché par leur détresse et leur solitude et décide de révolutionner ce petit univers et de lutter contre la dureté de Miss Ratched. Si, au départ, il s'agit surtout pour lui d'un jeu, la lutte prend peu à peu une tournure implacable et tragique. Une lobotomie le transformera en légume, avant qu'un détenu ne l'étouffe par pitié. « Vol au dessus d'un nid de coucou » est un film malin qui, en brouillant les pistes, parvient à se jouer de tout le monde. En faisant du cadre de l'asile d'aliénés un simple prétexte, il transforme l'exercice de genre en allégorie du système sociopolitique des pays de l'Est. Car c'est surtout ici une société répressive qui est dénoncée, autant que les méthodes psychiatriques. Un système oppressif appelant à une inquiétante normalisation qui est pointé du doigt et contre lequel il faut lutter. Milos Forman souffle habilement le chaud et le froid : des moments de comédie irrésistibles (une partie de pêche au grand large, un match de basket sens dessus dessous) font office de récréations autant pour les personnages que pour les spectateurs, soumis à rude épreuve. Entre drame et humour, entre noirceur et optimisme, « Vol au-dessus d'un nid de coucou » fait souffler un vent de liberté qui trouve encore aujourd'hui une formidable résonance.