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Le Morisque par Hassan Aourid | Le Soir-echos
Publié dans Le Soir Echos le 24 - 08 - 2012

Hassan Aourid, plus connu comme personnage public que comme auteur, nous livre une version romancée de l'histoire des Morisques, musulmans d'Espagne forcés à la conversion du temps de l'Inquisition. Chihab-Eddine, le personnage dont l'histoire est raconté a réellement existé, mais l'auteur l'a rendu plus humain en imaginant, tout en restant très fidèle à l'Histoire, les aspects qui font la différence entre un repère historique et le parcours d'une vie avec tous ces petits détails d'émotions, de rêves et de questionnements qui font l'homme. Le Soir Echos vous propose de découvrir ce roman tout au long de l'été en épisodes quotidiens, pour (re)découvrir cette période de la grandeur de l'Islam et vous évader en compagnie de personnages au verbe haut et à la pensée profonde.Bien que l'histoire se passe au XVIe siècle, les ressorts philosophiques qui l'animent, transposés dans un contexte contemporain restent d'une actualité vivace. Un livre qui grâce à l'érudition de Hassan Aourid, écrit dans un style agréable ne manquera pas de captiver l'attention des lecteurs.Episode 18
Dédiée à la Sainte Croix, la Cathédrale du diocèse d'Orléans en France verra la pose de la première pierre de son nouvel édifice par le roi et la reine Marie de Médicis le 18 avril 1601.
J'ai pu obtenir des documents émanant du Garde des Sceaux à l'adresse du Prévôt de la ville d'Orléans, l'équivalent de caïd chez les Maures. Il y aurait dans cette ville des capitaines qui auraient délesté les pauvres Morisques de leurs biens. C'était peut-être une dernière chance. Toute la délégation partit.
Le représentant de la ville s'est montré hospitalier. Il nous a aménagé une maison à côté d'un grand château où il habitait en famille. Le château se trouvait en retrait de la ville au milieu des champs, avec canons sur une plateforme à l'entrée. C'est l'attribut du pouvoir. En guise d'accueil, sa famille, ses proches, le personnel de maison sortirent à notre rencontre. On ne pouvait souhaiter meilleur accueil. On dressa une table au jardin. Le temps était doux. Le maître de maison était curieux de voir des Musulmans et quelque part déconcerté de les voir si semblables à eux, avec nos costumes qui ressemblent aux leurs, avec nos yeux bleus, nos cheveux blonds..
Une jeune fille qui se distinguait par son accoutrement et ses manières raffinées m'aborda. Elle devait être dans les vingt quatre ans, avec des cheveux noirs, les yeux marron et le teint plutôt brun :
On m'a dit que vous comprenez le francien.
Si on le parle lentement.
Où l'avez-vous appris ?
Je parle le castillan et j'ai connu des franciens qui travaillaient dans la cour du Sultan du pays des Maures d'où je viens. C'est avec eux que j'ai appris le francien.
Vous avez la chance d'avoir connu d'autres pays.
Vous avez la chance de vivre dans un endroit paisible au milieu de la nature...
Mais à la longue on s'ennuie.
Elle enchaîna :
Quelle est la raison de votre voyage dans notre pays ?
L'aile Gaston d'Orléans du château royal de Blois en France, considéré comme la résidence officielle des ducs d'Orléans, frères ou cousins du roi. La réalisation de cette aile a été confiée à François Mansart entre 1635 et 1638.
Nous sommes là parce que mes compagnons ont été chassés de leur pays et leurs biens ont été confisqués par des pirates francs.
Comment cela, chassés de chez eux ! Auraient-ils commis un forfait condamnable ?
Les Rois castillans ne voulaient pas de musulmans ni de juifs en Espagne alors qu'ils y étaient depuis des siècles.
En quoi cela pouvait-il les gêner qu'il y ait des musulmans ou des juifs parmi leurs concitoyens ?
Ils prétendent porter la foi juste, les autres seraient dans l'erreur.
Si les autres sont dans l'erreur cela n'engage qu'eux.
Celui qui pense porter la foi juste se croit en devoir de l'imposer.
C'est ridicule.
Les considérations religieuses ne sont qu'un alibi à des desseins inavoués et qui sont purement matériels et politiques.
Triste que cela. Comment devrai-je vous appeler ?
Chihab Eddine ?
Comment dites- vous ? C'est difficile à retenir, je vous appellerai Chiab, et moi je m'appelle Eugénie. Je suis parente de la femme du chef du comté.
Elle me tendit la main. Je restai coi. Je ne pourrai serrer la main d'une femme. Le toucher est le messager de Satan. Devant sa main tendue je n'ai pu me rebiffer. Je l'ai serrée, senti dans la paume des mains un frisson. Son regard si doux me transperça. J'ai compris en portant mon regard sur elle que j'avais péché. Qu'Allah me vienne en rédemption !
J'ai prétexté la fatigue du voyage pour aller dans la maison d'hôtes qui nous était réservée. J'étais bouleversé. Le soir, j'ai décliné l'invitation de dîner chez le maître des lieux, arguant un mal de tête. Mes compagnons Morisques ne comprenaient pas ce revirement brusque. Après dîner, je leur tins un discours de prédication :
- Vous devez savoir que si vous êtes chassés de chez vous c'est par ce que vous êtes musulmans. Tâchez d'être dignes de la foi que vous portez. Vous serez tentés dans les pays des chrétiens qui n'observent pas les mêmes règles que nous. Ils boivent du vin. Leurs femmes se pavanent dévoilées. Vous serez éprouvés. C'est ainsi qu'Allah veut apprécier la solidité de votre foi. Ceux qui tiennent bon seront récompensés. Heureux ceux qui ne cèdent pas à la tentation.
Pouvais-je me mentir ? C'est à moi que je me parlais. Mes compagnons n'étaient qu'un prétexte. Ils me regardèrent hagards, surpris par mon discours. Je regagnai ma chambre, j'ouvris le Coran et essayai de le lire. Les lettres sautillaient devant mes yeux. Je fermai le Livre Saint. Je n'arrivai pas à me concentrer. Je soufflai la chandelle et essayai de dormir. En vain. Me vinrent à l'esprit le beau visage d'Eugénie, son corsage, ses beaux cheveux... Qu'Allah me vienne en aide ! Je me suis mis à égrener les prières « J'implore le pardon d'Allah, le Glorieux, j'implore le pardon d'Allah, le Glorieux... ». Satan était le plus fort. Aussitôt que j'arrêtai mes prières, Eugénie m'apparaissait en songe. Satan, qu'Allah le maudisse, me la montra marchant avec moi, côte à côte, cueillant les roses. Je m'imaginais, comble des combles, en train de lui prendre la main et de la porter à ma bouche. Qu'Allah me vienne en pitié. Je me levai de mon lit, ouvris la fenêtre. La nuit étant fraîche, je refermai la fenêtre. Je regagnai mon lit. Je dégageai les couvertures. J'entendis le chuchotement de Blanco et de Rodriguès. Palamino ronflait.. J'étais tenté de les rejoindre. De quoi pouvaient-ils parler ? Seraient-ils en train de se gausser de moi ? Auraient-ils remarqué quelque chose qui me trahissait ? Mon sermon n'aurait-il pas provoqué des commentaires narquois ? Nous aurions pu finalement faire l'économie de ce village. Après tout, je ne me faisais plus d'illusions sur les objets volés de mes compagnons. Ils ont perdu plus grave que leurs objets, leur terre, et moi en courant derrière des chimères je perds ma sérénité. Je m'allongeai sur le lit, je me remémorai l'histoire du prophète Joseph tenté par la femme du Pharaon. Il tint bon. Toute résistance à la tentation est une épreuve. Mais le prophète Joseph fut rétribué. Patience et longueur de temps. Dans l'au-delà, tes yeux sont comptables pour le regard lascif, ta main pour le toucher sensuel, tes lèvres pour le baiser que tu auras porté sur une femme qui n'est pas la tienne.. « Mon Maître, Allah, ne se fourvoie, ni n'oublie » dit le Saint Coran (20, 51).
Je me suis assoupi un moment et fut réveillé par les coqs. Je me levai, fit mes ablutions, accomplis la prière d'al fajr. Accroupi, je priai Allah pour qu'il me vînt en aide pour ne pas succomber à la tentation. Je ne sais comment je me suis mis à réciter la prière des chrétiens :
Notre Père qui est aux cieux
Que ton nom soit sanctifié
Que ton règne vienne (...)
Ne nous laisse pas entrer dans la tentation, mais délivre nous du malin
Car c'est à toi qu'appartiennent dans tous les siècles,
Le Règne, la Puissance et la Gloire. Amen.
« Mon Dieu, qu'est ce qui m'arrive ! Me voilà aux prises de tourments qui m'égarent ». Je me perdais. Pourquoi avoir imploré Dieu dans la religion chrétienne ?
Je sortis prendre l'air. Le maître de maison dormait encore. Quelque bruit, ici et là, du personnel interrompait le silence qui régnait. Je traversai le jardin. Ma promenade me fit du bien. Je divaguais. Eugénie n'était qu'une main de Satan. Elle ne résisterait pas à la clarté du jour. Je rebroussai chemin, regagnai mon lit et dormis à poings fermés.
Rodriguès me réveilla, hilare. Il était dix heures passées ?
Qué passa ? s'exclama t-il.
Rien, cher Rodriguès, une insomnie.
La jeune fille franque est passée te chercher pour faire un tour avec elle.
Moi, pourquoi moi ?
Elle a bien dit Chiab. Qui d'autre que toi s'appelle Chiab !
Je ne soufflai mot. Je regagnai le salon. Palamino était allongé sur le sofa en train de rêvasser. Il voulait revenir en Andalousie quitte à en être refoulé. Blanco était en train de monter des projets de négoce... Je pris un bol de lait chaud, du pain et du fromage. Je me sentais coupable et j'avais peur qu'un de leur regard ne se fixât sur moi, moi qui leur faisais des prêches de bonne conduite.
Je m'apprêtais à regagner ma chambre quand la voix d'Eugénie m'est parvenue appelant « Chiab, Chiab ». Je n'ai pu contenir ma gêne. Rodriguès me lança :
Vas-y, qu'est ce que tu attends ? Cela pourrait nous être utile.
Je sortis. Eugénie était là avec ses cheveux noués d'un petit foulard qui les tenaient sans les cacher. Les cheveux d'une femme sont un appel à la tentation.
Monsieur Chiab, vous dormez beaucoup.
J'étais fatigué.
Je voulais qu'on fît un tour dans les champs, voir les vaches en train de paître, c'est si beau.
Je l'accompagnai, les champs défilaient devant mes yeux sans que je les fixasse. Elle remarqua ma gêne.
Vous ne sortez pas avec les femmes chez vous ?
Oui et non.
Comment oui et non. ? Et elle poussa un rire. Son rire ajouta à mon désarroi.
C'est très rare qu'un homme sorte avec sa femme, et quand ils le font, ils ne peuvent marcher côte à côte. Il la devance.
Comment est-ce cela ? Ils ne peuvent se parler !
Non.
Comment peuvent-ils vivre ensemble s'ils ne se parlent pas.
Ils se parlent, mais pas devant les gens. Une femme ne peut se dévoiler devant les étrangers.
Comment ? Vous ne voyez pas de femmes ! Mais comment arrivez-vous à vous marier ?
Ce sont les familles qui arrangent les mariages. Un homme ne peut voir sa femme que lorsqu'elle devient son épouse.
Elle en rit aux éclats.
Il y avait en face de nous un grand pré bordé de peupliers où broutaient des vaches paisiblement,
C'est ici que je viens souvent seule méditer.
Méditer ?
Pourquoi, vous ne méditez pas, vous ?
Nous avons des lieux et des moments propres à la méditation. C'est à la mosquée que je médite.
Mais on peut bien méditer dans la nature, on n'a pas besoin d'un lieu de culte pour réfléchir sur soi ni d'un moment particulier.
Je n'ai pu répliquer. Elle s'assit à ras le sol sur l'herbe, je ne sus quoi faire et finis par faire de même. Elle prit une tige et se mit à la tourner entre les doigts.
Quel est votre Dieu que vous adorez dans votre religion ?
On ne peut le définir par référence à une religion, c'est Allah, Maître des mondes que les esprits ne peuvent atteindre, mais Lui peut atteindre les esprits, le Miséricordieux plein de miséricorde, disais-je en me référant au Coran.
Allah c'est Dieu donc. Et que dites vous dans vos prières ?
Allah guide nous sur le bon chemin, le chemin de ceux que Tu as élus, non celui des maudits et des égarés.
Qui sont les maudits et les égarés ?
J'avalai ma salive. Je ne pouvais lui dire que les maudits étaient les juifs, ni que les égarés étaient les chrétiens comme le veut la glose orthodoxe. C'est ce que j'avais appris auprès de lettrés à Marrakech. Mais rien ne stipule qu'il s'agit des juifs et des chrétiens. Ce n'était qu'une interprétation. J'improvisai une réponse pour Eugénie.
Les Maudits sont ceux qui refusent de croire en Dieu, et les Egarés sont ceux qui croient par tradition ou conformisme, mais ne saisissent pas la portée de la foi. Ils se conforment aux règles sans saisir leur portée, et c'est pour cela qu'ils se fourvoient.
C'est si juste ce que vous dîtes.
Cela m'encouragea et j'enchaînai :
Sont maudits ceux qui refusent de croire en Dieu, car ils finissent par croire en leurs passions qui les avilissent ou ils se remettent à leur raison, qui peut certes, dévoiler le mystère de la vie, flatter leur amour propre, mais ne peut leur procurer la sérénité. A la base de la foi, il y a l'humilité, et c'est pour cela que le musulman exprime sa gratitude à Dieu et implore son aide dans chaque prière. La dimension divine est intrinsèquement liée à l'homme, et l'homme s'y rapproche par l'humilité, aussi sera-t-il guidé sur le bon chemin.
C'est la même chose chez nous Chiab, mais pourquoi il y a tant de guerres entre Mahométans et chrétiens ?
Je ne sais, Eugénie. Mes compagnons ont été chassés de chez eux parce qu'ils expriment la même foi, mais différemment. J'ai dû quitter mon chez moi parce que j'y étais persécuté.
Ce que je venais d'exprimer pour Eugénie je ne le saisissais pas avant, c'est peut-être sa présence qui me l'inspira. C'est peut-être aussi mes contacts avec les chrétiens dans les pays des Francs. Le changement, je le dois aussi à mon expérience du Maroc. J'avais trop idéalisé l'Islam parce que je subissais la chape de l'Eglise et son cortège de procédés inquisitoriaux. Par réaction, je me suis mis dans une double fausse posture : ne voir en l'Autre que ses maux, et ne voir en l'Islam que le bon côté, magnifié. C'était un regard biaisé mais il l'était parce que nous étions persécutés, blessés. Le Roi Philippe III et ses conseillers prétendaient que les Morisques n'étaient pas assimilables. Mais c'est parce qu'on les a poussés dans une posture défensive, figée, qu'ils étaient devenus inassimilables. En terre d'Islam tout n'est pas beau, et en terre du christianisme tout n'est pas faux. L'appréciation juste provient de la raison, mais elle n'est pas suffisante. Il y a l'amour surtout. Aimer l'Autre, ou son prochain, pour le connaître. On ne peut connaître ce qu'on n'aime pas. On rôde autour comme on rôde autour d'un château. On peut connaître ses matériaux, ses dimensions, mais on est incapable de saisir l'ambiance qui y prévaut, la chaleur qui s'y dégage, l'intimité qui s'y tisse. On ne peut pénétrer les intérieurs que par l'amour.
Vous êtes si taciturne, Chiab.
Je médite.
Déjà. Et elle s'esclaffa.
Je réfléchissais en vérité. Je me penchais en moi pour saisir mes propres vérités que l'habitude, le conformisme, la course vers les choses de la vie m'empêchaient de voir et de saisir. Il n'y a à proprement parler ni de lieux particuliers ni moments propices pour la méditation.
Allons cueillir des roses, Chiab.
Nous continuâmes notre marche au bord des champs. La journée était belle. Le soleil dardait des rayons réchauffant le corps et l'esprit. Le bonheur nous emplissait.
Quel destin est le mien ! J'ai fui la foi chrétienne et les turpitudes des êtres qui agissaient en son nom. Je m'étais assigné comme tâche de la réfuter. Je me suis mis dans une posture apologétique de l'islam, et voilà qu'Eugénie fit vaciller mon échafaudage. Je devins nuancé à l'égard des chrétiens que je n'appelle plus mécréants, et critique à l'égard de la pratique de mes coreligionnaires..
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