Contrairement au conflit libyen où la Maison-Blanche s'était très rapidement rapprochée de l'initiative franco-britannique pour une intervention militaire, mettant à la disposition de ses alliés son impressionnant arsenal, force est de constater qu'elle fait le strict minimum pour le conflit syrien. Certes, Hillary Clinton a multiplié les déclarations, appelant à la fin du régime de Bachar-Al-Assad, se rendant en Turquie pour créer un pôle d'influence fort dans la région avec son allié. Certes, comme l'ont indiqué plusieurs médias américains, le président Obama a autorisé la CIA à agir sur place, en fournissant du matériel aux forces de l'ASL. Mais rien n'y fait. Là où auparavant les Etats-Unis parvenaient à créer une dynamique diplomatique, à rallier les grandes puissances à leurs causes, on assiste désormais à un subtil jeu de rapports de force où la Maison-Blanche prend acte des désaccords de ses partenaires, russe et chinois principalement. Trois facteurs peuvent expliquer cette attitude pour la moins discrète : les récents échecs militaires, la crise économique internationale, l'élection présidentielle. En effet, que ce soit la guerre en Afghanistan, celle en Irak, et même l'intervention en Libye, dans les trois cas, les objectifs initialement fixés n'ont pas été atteints. L'Afghanistan est un foyer d'insécurité majeur aux mains des Talibans qui montreront l'étendue de leur influence une fois les alliés partis, alors même que la mission de sécurisation et de pacification n'a pas été menée à son terme (était-ce possible ?). La guerre en Irak a certes provoqué la chute de Saddam Hussein, coupable de crimes d'une grande gravité, mais cela n'a pas conduit le pays à la paix. Au contraire, les médias en font juste mention mais il ne se passe pas un mois sans qu'un attentat meurtrier soit à signaler, dont les instigateurs sont soit des forces d'Al-Qaïda encore présentes dans la région, soit des opposants au nouvel ordre établi, considéré comme trop pro-américain. En outre, les pertes américaines ont été importantes, mais ne sont en aucune mesure comparables à celles pour la population civile irakienne qui a payé le prix fort cet engagement. Enfin, la guerre en Libye a certes montré la supériorité militaire des Américains, et indirectement l'incapacité effarante des Européens à agir de façon autonome par manque de moyens militaires et logistiques mutualisés, mais elle a surtout rappelé que la victoire n'est pas simplement la somme de batailles réussies. La gestion post-conflit est primordiale et il semble bien que cela ne constitue pas une priorité pour les Occidentaux, quand bien même les conséquences sécuritaires pour la région soient importantes. Par ailleurs, depuis plus de quatre ans, les économies occidentales sont frappées de plein fouet par une crise à la fois financière et économique qui a conduit les gouvernements à revoir leurs politiques économiques pour éviter la faillite et des crises sociales, toujours compliquées à gérer. De façon assez naturelle, un repli sur soi, sur ses propres intérêts a été constaté dans la plupart de ces pays, Etats-Unis en tête. La guerre permet certes de faire travailler les entreprises liées au secteur de l'armement et donc de maintenir ou de créer des emplois, mais les répercussions économiques sont très difficiles à évaluer, incertaines, lorsque les objectifs militaires n'ont pas été pleinement atteints. Les opinions s'interrogent désormais quant à l'utilité de mener des actions militaires aussi loin, sans que les intérêts stratégiques pour le pays ne soient clairement rappelés. Ceci explique peut-être l'essor des cyber-conflits, les Etats-Unis ayant en partie reconnu être à l'origine de cyber-attaques contre l'Iran avec leur allié israélien. Ce nouveau champ de combat est particulièrement apprécié des stratèges en raison de l'absence de pertes humaines, de la relative discrétion nécessaire au lancement de telles attaques, du faible coût économique, et des conséquences pour l'entité visée qui peuvent être importantes. On parle d'un retard de deux ans pour le programme nucléaire iranien suite à l'attaque Stuxnet... Enfin, de façon assez compréhensible, l'attention des Américains et de leurs décideurs politiques et économiques est aujourd'hui quasiment exclusivement tournée vers l'élection présidentielle entre le président Obama et son rival républicain –gaffeur- Mitt Romney, qui s'annonce très serrée. Les dossiers économiques et sociaux occupent évidemment une place importante dans le débat, mais de façon assez surprenante, la politique extérieure n'est pas occultée. Au contraire, le débat quant à la place des Etats-Unis dans le monde est présent, le candidat républicain cherchant à faire passer son adversaire pour un faible, un incapable, sous prétexte qu'il n'est pas un « interventionniste à tout-va », contrairement à lui. Obama a pourtant montré lors de son premier mandat qu'il est en réalité un pragmatique, capable de prendre de lourdes décisions quand les intérêts américains sont concernés. L'ère des Etats-Unis, super gendarme du monde, semble bien révolue...