Les entrepreneurs marocains n'ont pas les yeux rivés que sur le Nord. Depuis le début des années 2000, ils se tournent aussi vers le Sud et plus exactement vers l'Afrique Centrale et de l'Ouest, où ils ont réussi à conquérir des positions respectables dans des domaines aussi stratégiques que la banque, les télécoms, la logistique… Néanmoins, quelques échecs sont venus ternir le tableau. Cela n'affecte en rien le potentiel énorme que représente la destination Afrique Subsaharienne pour l'investissement et le business des opérateurs marocains. Une analyse secteur par secteur montre que les opportunités à saisir sont encore très juteuses. Banques : Deux groupes, deux visions A Tunis, Dakar ou Ouagadougou, l'enseigne du groupe Attijariwafa bank est devenue familière. Dans d'autres villes, les habitants savent aussi que les actionnaires de Bank Of Africa sont, depuis quelques années, des Marocains de BMCE Bank. Les deux groupes marocains posent devant eux une carte du continent noir et définissent leurs priorités. Pour Attijariwafa bank, c'est principalement ce qui reste de l'Afrique de l'Ouest avec le Maghreb et l'Afrique Centrale. Un objectif presque atteint car il ne reste que quelques pays dans le Golfe de Guinée et d'autres vers l'est. Au Maghreb, il reste l'Algérie qui ferme la porte à toutes les banques marocaines. Le patron de BMCE Bank, lui, a des ambitions sans limites. Othman Benjelloun veut être présent dans les 59 pays d'Afrique. Cela dit, le mode d'implantation des deux groupes bancaires diffère. Au moment où Attijariwafa bank installe des structures industrielles dans l'objectif de devenir des opérateurs de référence, BMCE Bank ne cherche qu'à être présente sur place et drainer des affaires via des chargés d'investissement. C'est pour cela qu'il a lié son réseau africain à sa banque londonienne Medi Capital Bank. Il ambitionne de jouer le rôle d'intermédiaire entre les investisseurs d'Europe et d'Afrique, comme le font les banques sud-africaines pour l'Afrique australe. Télécoms : Opérateur commun, réseau unique Si les dirigeants du groupe Vivendi Universal ont coopté Abdeslam Ahizoune en tant que membre du directoire, c'est parce que l'homme a su faire de leurs filiales Maroc Telecom un géant incontournable des télécoms en Afrique. Maroc Telecom est désormais un réseau qui s'étend de Tanger à Bamako en passant par Nouakchott, Ouagadougou, Libreville et bien d'autres villes africaines. L'ambition d'Ahizoune est désormais d'unifier ce réseau pour permettre une liaison et une tarification unique pour l'ensemble des utilisateurs. Transport : Grandeurs et décadences Au moment du rachat d'Air Sénégal International par RAM, beaucoup d'observateurs voyaient en l'opérateur marocain un sauveur pour la compagnie sénégalaise. C'était également le cas pour Air Gabon. Mais quelques années après, la relation entre la compagnie marocaine et ses filiales africaines a tourné au vinaigre. Conflit autour des achats d'avions, conseils d'administration controversés, différences autour de la gestion, la compagnie marocaine a fini par se désengager de ses filiales. Bon nombre d'experts estiment que c'est l'un des échecs les plus cuisants pour Driss Benhima, PDG de RAM. Le succès n'était pas non plus au rendez-vous pour le transport maritime. Les espoirs étaient grands après la prise en charge de la ligne Dakar Ziguinchor par Comanav. Mais quelques années après, cette aventure s'est également arrêtée. Ce sont des positions stratégiques que les opérateurs marocains ont perdues pour des raisons qui demeurent incompréhensibles. Promotion immobilière : Le flou artistique Les annonces d'implantation des promoteurs immobiliers marocains sont légion, mais la concrétisation de leurs projets tarde à venir. Jet Sakane, Châabi lil Iskane et bien d'autres ont annoncé des projets de grande envergure notamment au Sénégal et en Guinée Equatoriale, mais jusqu'à maintenant rien ne filtre sur l'avancement de ces projets. Des rumeurs parlent de difficultés à mobiliser du foncier sur place. Agroalimentaire : Les saveurs marocaines appréciées plus au Sud En plein centre ville de Dakar se dresse une grande affiche publicitaire mettant en valeur la charcuterie Koutoubia, produit du groupe marocain Sapak. Dans les épiceries du pays, on peut retrouver des bouillons cube Tem Tem fabriqués par les Marocains de Somafaco (groupe El Eulj) et des confiseries de la société Michoc. Le patron de cette dernière Saad Berrada, le dit clairement : «Les produits marocains sont très appréciés en Afrique subsaharienne». Le potentiel demeure donc énorme non seulement pour ses filières mais pour tous les aliments Made In Morocco. Services publics : L'expertise marocaine s'exporte Longtemps taxés d'être des structures lourdes et peu performantes, les offices marocains de services publics exportent désormais leur expertise vers leurs voisins du sud. C'est le cas de l'ONEP qui gère un marché d'adduction d'eau potable au Cameroun et de l'ONE engagé dans un marché d'électrification au Sénégal. La conquête africaine dans le secteur des services publics ne fait que commencer. Les offices et sociétés privées marocaines se doivent de profiter du terrain vierge et demandeur d'investissements, notamment en Afrique de l'ouest. Commerce : Casablanca, supermarché de l'Afrique A Bab Marrakech, comme à Derb Omar, Derb Ghallef ou Lakriaa la présence de commerçants subsahariens s'approvisionnant en grandes quantités chez les négociants de ces quartiers est devenue habituelle. Les négociants marocains adaptent désormais leur offre à cette nouvelle clientèle qui achète beaucoup et paie bien. Dans les faubourgs commerciaux de la capitale économique comme dans les médinas de Fès ou Marrakech, les Subsahariens sont une clientèle régulière des artisans comme des grandes enseignes internationales. D'ailleurs, bon nombre de magasins proposent la détaxe de leurs marchandises pour encourager cette catégorie de clients à acheter plus.