Après les récents effondrements de maisons menaçant ruine à Casablanca, la Société nationale d'aménagement communal (Sonadac) est revenue aux devants de la scène. En toute transparence, son directeur général, Saad Laachfoubi, nous parle de sa stratégie et de sa logique d'intervention. Saad Laachfoubi est à la tête de la Sonadac depuis janvier 2011, trois ans après le passage de l'entreprise dans le giron de la Caisse de dépôt et de gestion. Quelle est précisément la mission principale de la Sonadac ? La mission pour laquelle a été créée la Sonadac en 1991 consiste en l'aménagement, la restructuration et la rénovation d'un tissu urbain de près de 48 ha situé entre la mosquée Hassan II et la place Oued Al Makhazine, au niveau de l'ancienne médina extra-muros de Casablanca. Ce projet nécessite le relogement des populations des quartiers concernés vers un site d'accueil, bien desservi par les transports en commun (bus et dans un avenir proche le tramway...), situé à Nassim, route d'El Jadida. Le nombre de familles concernées par ce déplacement a été estimé par un recensement effectué par le ministère de l'Intérieur en 1989 à 12 000 familles. Quelle est la consistance des travaux au niveau du projet ? Dans les 48 hectares, il s'agit de près de 3 300 constructions à acquérir, à libérer et à démolir ce qui représente plus de 500 000 m2 de plancher. Dans quel état était la Sonadac à l'entrée du Groupe CDG en 2008 ? Lorsque la CDG est entrée dans le tour de table de la Sonadac, en 2008, (18 ans plus tard) pour atteindre près de 60 % du capital, la Sonadac était complètement paralysée par un endettement très important, de lourds contentieux avec aussi bien ses clients que ses fournisseurs et donc un patrimoine foncier grevé de saisies conservatoires. Il nous a fallu plus de trois ans pour assainir la situation, suite à un plan de restructuration global, au niveau administratif, social et financier et nous ne sommes toujours pas au bout de nos peines, nous sommes en phase finale de régler un lourd contentieux avec un fournisseur de travaux qui se trouve être également un client commercial de la Sonadac. L'affaire est en cours au niveau de la justice. Avec le soutien financier de notre actionnaire de référence, CDG Développement, nous avons pu relancer les chantiers à l'arrêt et démarrer de nouveaux projets, qui sont la base des opérations de relogements que nous avons menées et qui sont projetées en 2012 et 2013. Qu'en est-il des relogements ? Le recensement officiel de 1989, recensant près de 12 000 familles, nous a été remis sur des fiches que nous avons scannées et sécurisées. Aujourd'hui, environ 3 000 ménages ont été relogés et il reste encore près de 10 000 familles recensées à satisfaire. Nous avons ouvert le démembrement familial en tenant compte des évolutions démographiques du recensement. Nous avons donc prévu 17 000 logements, en tenant compte de ce démembrement. Faisons le point, combien de familles et de personnes ont été relogées ? Au 31 décembre 2009, près de 2 550 ménages ont été relogés et entre 2010 et 2011, nous avons relogé près de 450 ménages. Alors qu'en 2012, nous envisageons de reloger près de 400 ménages. Certes ces chiffres sont insuffisants, il est nécessaire et urgent de multiplier par 10 ou plus cette cadence de production de logements, mais pour cela, nous avons besoin de moyens et d'une assiette foncière suffisante... Il nous reste encore près de 17 000 ménages à reloger. Il faut également faire face à la problématique des ménages non recensés ? C'est une question complexe et difficile à maîtriser. Effectivement, aujourd'hui quiconque peut louer une pièce, s'installer et prétendre à une indemnité d'éviction ou à bénéficier d'un appartement subventionné par la Sonadac, alors qu'il n'est pas recensé ! Cependant nous travaillons avec les services concernés pour trouver une solution pérenne à ces personnes. Il y a également des squats de certains logements menaçant ruine, évacués et réoccupés illégalement par des inconnus. Sonadac dispose-t-elle d'un patrimoine foncier ? Je rappelle à ce titre que le patrimoine foncier constitue la principale ressource financière de la société pour réaliser sa mission. Certes, Sonadac disposait d'un patrimoine foncier important, mais qui a été cédé par le passé, aujourd'hui pour ce qu'il en reste, ce patrimoine est gelé. Il s'agit de terrains d'appoint, immatriculés au nom de la Sonadac, qui lui ont été apportés dans son capital à sa création. A titre d'exemples, on peut citer : un terrain de 13 ha de la Corniche de Casablanca, autorisé pour 270 000 m2 de plancher, mais qu'on n'arrive pas à valoriser ; un terrain Al Mouhit de 3 ha, à Hay Hassani, qui est occupé par la fourrière communautaire qui devrait être délocalisée... Au niveau de Nassim, l'opération d'expropriation doit assainir le foncier et nous permettre de sécuriser et de prendre possession du foncier global du site d'accueil des populations, que nous ne disposons pas aujourd'hui… Or, l'avancement de notre projet de l'Avenue Royale ne peut se faire que si nous avons un site d'accueil pour recevoir ces populations, les deux sont indissociables et étroitement liés. Quelle est la logique d'intervention de la Sonadac ? Cette logique est liée aux ressources financières de la société (patrimoine foncier...) et à l'acquisition du foncier de la ville nouvelle de Nassim pour laquelle nous avons initié une opération d'expropriation dont le Décret et l'Arrêté de cessibilité n'ont été publiés au Bulletin officiel que le 2 janvier 2012. Nous allons déposer les requêtes de prise de possession des terrains d'ici juillet 2012. Nous avons finalisé un Master Plan global du site, avec un développement harmonieux, avec les équipements de proximité nécessaires à la population, le dossier est en cours d'instruction au niveau de l'Agence urbaine de Casablanca. Nous espérons obtenir les autorisations d'ici la fin de l'année et nous envisageons de démarrer en 2013, la valorisation du site par phase. On compte lancer le plus rapidement possible et sur plusieurs fronts, la construction de près de 17 000 logements de manière progressive, logements qui seront destinés aux populations recensées de l'ancienne médina. On parle de milliards de dirhams d'investissements... On évoque dans les médias, un rapport de la Cour des Compte ? Effectivement, il y a eu un audit, qui a été effectué par les magistrats de la Cour des comptes et qui a concerné la période écoulée jusqu'en 2008. Des dysfonctionnements ont été relevés dans le rapport publié en 2009, qui est disponible sur internet. Je pense que le dossier suit sont cours, il est toujours en cours d'instruction. Je ne peux pas en dire plus... Il reste qu'avec tous les programmes de relogement, le projet de l'Avenue Royale n'a pas avancé, pour quelles raisons ? Les drames des bâtiments qui menacent ruine nous bouleversent. Il faut sauver des vies, mais pour cela, il faut s'assurer quand il y a relogement que personne n'entre à nouveau dans ces lieux. Il faut savoir par exemple que Sonadac a procédé au relogement de prés de 450 familles dans ses programmes, mais que nous n'avons pas gagné un m2 de terrain sur le site de l'Avenue Royale. Aujourd'hui, pour aller de l'avant, il est indispensable, quand les familles quittent les lieux pour leur nouveau logement, de démolir et de gagner du terrain. Il faut absolument éviter les squats et les zones d'insalubrité. Il reste que ces habitations qui menacent ruine sont éparpillées, d'où la difficulté de démolir tel ou tel espace. Que faire alors ? Nous sommes conscients de cela et nous ne pouvons pas continuer à travailler de manière éparpillée dans le site, sachant que la grande majorité des constructions présentent des risques. Il faut délimiter des pâtés qui soient eux-mêmes délimités par 4 rues. Pour pouvoir démolir, il faut travailler de rue à rue de manière à libérer tel ou tel pâté qui menace ruine. Nous consacrons également des appartements aux urgences, pour apporter des solutions aux constructions menaçants ruine, prioritaires et qui se trouvent de manières éparpillées sur l'ensemble du site. A ce titre, lors du dernier tirage au sort, organisé conjointement avec l'autorité locale, pour une transparence totale, nous avons affecté près de 40 appartements à des cas urgents qui nous ont été communiqués. Les 350 logements de Nassim qui ont été livrés, courant 2012, auraient dû nous aider à libérer et à démolir trois pâtés de maison. Cela éviterait un véritable appel d'air de certains non recensés qui viennent s'installer et squatter les lieux. Il est sûr que si aujourd'hui on reloge un ménage non recensé, il faudra faire face à un afflux très important de la population, ce qui signerait la fin du projet ! Qu'en est-il des aides au logement que vous évoquez ? Pour bénéficier de cette aide, il faut que le chef de ménage et/ou les ayants droit soient toujours résidant et recensés au niveau de l'Enquête socio-économique de 1989. Effectivement, nous accordons une indemnité de relogement de 130 000 DH par famille recensée en 1989, au titre de son occupation. Ensuite nous avons deux cas de figure : certaines familles préfèrent récupérer cette indemnité, quitter les lieux pour aller se reloger ailleurs soit en accès à la propriété, soit en location ; d'autres familles préfèrent faire valoir cette indemnité sur le prix de vente des appartements qui leur sont proposés, qui ne l'oublions pas sont déjà subventionnés par la Sonadac ! Les appartements F3, de près de 50 m2, vendus à 200 000 DH par la Sonadac valent beaucoup plus sur le marché. Il y a ensuite paiement du reliquat de la vente à la Sonadac, au comptant pour certains et en contractant un crédit immobilier (Fogarim) pour d'autres. Quelle est l'approche concernant les constructions menaçant ruine ? En étroite collaboration avec les autorités locales, principalement la Préfecture des Arrondissements d'Anfa, une commission composée principalement des hommes de l'art, ingénieurs et techniciens du Laboratoire public d'essais et d'études (LPEE), procède actuellement à une expertise des constructions menaçant ruine, qui seront classées par degré d'urgence. La priorité sera donnée auxdites constructions qui doivent être évacuées dans les plus brefs délais. Nous disposons aujourd'hui de près de 100 appartements libres que nous mobilisons immédiatement pour cette opération et près de 400 appartements supplémentaires seront disponibles fin décembre 2012. L'objectif principal est de sauver des vies humaines, nous lançons un appel à la population concernée pour quitter les constructions que le LPEE déclarera de première urgence. L'autorité locale a aménagé des sites d'accueil transitoires, pour ces populations, avec tous les services d'accompagnement nécessaires : social, sanitaire, culturel et sécuritaire... Quelles sont les principales conditions de succès ? Les principales conditions de succès sont les suivantes : l'adhésion de la population concernée ; sécuriser rapidement le foncier support des opérations de relogement ; reloger les familles menacées dans les délais les plus courts possibles ; assurer les conditions de réussite des opérations de péréquation ; convertir rapidement les droits à construire du patrimoine foncier de péréquation en liquidité, pour assurer le financement et nous concentrer sur le développement de notre projet dans des conditions pérennes ; et enfin nouer des partenariats, pour disposer rapidement d'un stock tampon de logements pour couvrir la période de construction et ne pas arrêter l'opération de relogement et éventuellement accélérer la production. Avec le concours et le soutien de l'ensemble des parties prenantes au projet (AUC, Commune, Administrations...), nous pensons que le projet connaîtra un élan positif et pourrait être finalisé dans des délais raisonnables au service de tous les Casablancais, dont je fais moi-même partie, puisque je suis né et j'ai grandi à Casablanca, que je porte dans mon cœur. * Tweet * * *