C'est le jour-J pour les 44 partis en lice aux élections législatives. Si les Algériens ne montrent pas d'enthousiasme vis-à-vis du scrutin, Abdelaziz Bouteflika les a encore une fois incités à voter en masse, dans un discours-surprise, prononcé à Sétif. Le président algérien Abdelaziz Bouteflika s'est particulièrement investi dans ce scrutin. Aujourd'hui se déroulent les élections législatives algériennes. Un scrutin-test pour le pouvoir, censé crédibiliser les réformes entamées par le président Bouteflika début 2011. Ils sont 44 partis à se disputer les 462 sièges de la nouvelle assemblée nationale, précédemment dotée de 389 sièges. Sur les 44 partis en lice, 17 ont été récemment accrédités par le ministère de l'Intérieur. Le président algérien Abdelaziz Bouteflika s'est particulièrement investi dans ce scrutin, lui qui prenait habituellement ses distances lors des précédents scrutins législatifs. Mardi à Sétif, lors de la commémoration de l'anniversaire du « massacre de Sétif, le 8 mai 1945 », le chef de l'Etat s'est encore une fois adressé aux algériens, en leur promettant des élections transparentes. « Le peuple algérien, qui est sorti le 8 mai 1945 pour exprimer sa soif de liberté, doit en faire autant le 10 mai 2012 pour les élections législatives, un tournant important dans l'histoire du pays qui se trouve à la croisée des chemins », a-t-il solennellement déclaré, avant d'ajouter, « Le scrutin du 10 mai sera propre et transparent. Avec une administration neutre, une justice indépendante, une presse libre, des partis omniprésents, des associations dynamiques et un contrôle national et international, le scrutin ne peut que l'être. », a-t-il promis devant une assistance visiblement émue. Pourtant, les algériens semblent se désintéresser de ce scrutin, et bien des observateurs prévoient une forte abstention ce 10 mai. Vers un fort taux d'abstention Le scrutin, qui se déroule en un tour, ne semble pas enthousiasmer la population algérienne. Mohcine Belabbas, le président du RCD, qui boycotte les législatives, prévoit même un taux d'abstention jamais atteint depuis l'indépendance. Dans la rue algérienne, la méfiance est de mise, et la plupart des personnes interrogées sur leurs sentiments vis-à-vis du scrutin ne lui donnent que peu de crédibilité. Pour un journaliste de la place, « personne n'est dupe. Tout le monde sait que le pouvoir cherche à gagner du temps ». Pourtant, pour la première fois, les autorités ont fait appel aux observateurs étrangers. Ils sont quelque 200, provenant principalement de deux délégations, une de l'Union européenne et l'autre des Nationes Unies, à devoir observer le déroulement du scrutin. Mais sur les quelque 57 000 bureaux de vote, la tâche semble bien compliquée. Une polémique est même née entre les autorités algériennes et la mission des observateurs. Ceux-ci ont été interdis d'accès au fichier électoral national, ce qui n'a pas été de leur goût. « Nous aurions aimé consulter le fichier national pour avoir un aperçu global. Je vais m'adresser au ministère de l'Intérieur pour voir si c'est encore possible », a déclaré le chef de la mission de l'UE. Mais les autorités algériennes sont demeurées implacables. Pour elles, le refus est justifié « pour des raisons de confidentialité ». Les islamistes divisés Concernant les enjeux du scrutin, les observateurs ne prévoient pas l'obtention d'une majorité pour tel ou tel parti. Néanmoins, les islamistes, qui se sont réunis dans ce qu'ils ont appelé « l'Alliance de l'Algérie verte », une coalition formée du Mouvement de la société pour la paix (MSP), El Islah et Ennahda, et menée par l'ex-membre de la majorité Bouguerra Soltani, se disent assurés de leur victoire ce 10 mai. Mais même les islamistes n'ont pas échappé à la parcellisation, puisqu'ils ne sont pas moins de 7 partis islamistes à concourir aux législatives, dont le Front de la justice et du développement de Abdellah Djaballah, leur principal concurrent. Les résultats du vote quant à eux, sont attendus demain, au ministère de l'Intérieur. 3 questions à… Noureddine Benissad, président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme. Comment évaluez-vous le déroulement de la campagne électorale? Pour qu'une élection soit libre, il faut un certain nombre de conditions. Les élections sont un moyen et non une fin. Pour juger la campagne, il faut faire une analyse globale. Ce qu'on constate, c'est que l'exercice des libertés n'a pas été garanti, que ce soit la liberté de réunion, la liberté de manifester, ou la liberté d'opinion, y compris pour ceux qui appellent au boycott. La présence des observateurs est-elle un gage à la réussite du scrutin ? Les observateurs ne sont là que pour observer, ils ne sont pas là pour superviser. Il faut rappeler qu'ils ne sont que 200 sur les 57 000 bureaux de vote présents dans tout le territoire. Beaucoup d'observateurs ont qualifié la campagne électorale de morose. Qu'en dites-vous ? Le président à lui-même avoué que toutes les élections s'étant déroulées depuis 1962 ont été entachées de fraude. Dans la mémoire collective, ce qui s'est passé à la suite des législatives de 1991 est encore très présent. Les citoyens sont d'autant plus méfiants que les thèmes tels que la séparation des pouvoirs, l'Etat de droit, ou encore l'indépendance de la justice n'ont pas été abordés lors de cette campagne. * Tweet * * *