Colère et indignation de la société civile. Près d'une quarantaine d'ONG viennent de publier un communiqué dans lequel elles dénoncent la publication, par le gouvernement, de la liste des associations recevant des aides financières de l'étranger. Selon les ONG, cette démarche voudrait surtout « discréditer le travail associatif ». La démarche des deux ministres, Bassima Hakkaoui et Habib Choubani, viserait à faire le ménage dans les procédures de financement des ONG. La publication de la liste des associations recevant des aides financières de l'étranger, par Habib Choubani, le titulaire du département des Relations avec le Parlement et la société civile, suscite toujours une vive polémique. La liste de Bassima Hakkaoui sur les ONG ayant bénéficié de financement de la part du ministère de Solidarité, de la femme, de la famille et du développement social, sous l'ère de Nouzha Skalli, a ajouté de l'huile sur le feu. La riposte des ONG ne se fait pas attendre. Près d'une quarantaine d'associations réagissent à cette action de l'équipe Benkirane qui, selon elles, vise à « jeter le discrédit sur le travail accompli depuis des décennies par le mouvement associatif ». Dans un communiqué nommé « Déclaration et appel de Rabat des associations démocratiques », elles dénoncent avec vigueur cette décision jugée « tendancieuse ». Parmi les signataires, l'Action jeunesse, les Associations Adala et Bayti, l'Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM), l'Association marocaine de solidarité et développement (AMSED), l'Association des jeunes avocats de Khémisset et l'Observatoire marocain des prisons. « Une délation » intentionnelle ? Pour ces indignés, la publication en soi de la liste des ONG bénéficiant de financement internationaux ne les contrarie pas, si elle était exhaustive et comprenait toutes les associations. Là où le bât blesse, c'est le fait d'avoir choisi de rendre publics les noms d'associations « transparentes » qui ont déclaré leurs chiffres au Secrétariat général du gouvernement (SGG), en conformité avec la loi qui les régit. « La publication des chiffres en soi est une excellente initiative et nous réclamons la transparence et la publication, non pas uniquement de chiffres que nous avons nous-mêmes déclarés à l'Etat, mais les chiffres non déclarés par les associations et l'Etat, mettre la lumière sur les circuits opaques et occultes des financements, sur les circuits de blanchiment de fonds sous couvert de bienfaisance… », poursuivent les associations, qui condamnent « le laxisme de l'administration en matière de suivi et de contrôle, les pratiques clientélistes et opaques en matière d'accès aux ressources de l'Etat qu'elles soient financières, logistiques ou humaines ». Dans leur déclaration commune, ces acteurs associatifs ont tenu à souligner l'apport exceptionnel de leur engagement bénévole. Ils avancent comme argument les données statistiques du HCP. « Le gouvernement omet de signaler que le mouvement associatif est aussi créateur d'emplois avec 27 919 personnes à temps plein en 2007 et 35 409 personnes à temps partiel, totalisant, selon le HCP, 10 066 000 heures de travail », insistent-ils. Les ONG dénoncent également leur situation précaire ainsi que les conditions déplorables dans lesquelles elles travaillent. « Sans couverture sociale, sans assurance, sans stabilité de l'emploi du fait de financements aléatoires et soumis à des procédures bureaucratiques qui ont généré la faillite et la fermeture de plusieurs associations ». Une mobilisation tous azimuts La colère des associations est à son comble. Elles lancent un appel à toutes les ONG du pays pour une mobilisation contre tout discours « visant à décrédibiliser l'action associative ». Elles invitent tous les acteurs et actrices associatifs ainsi que toutes les forces démocratiques à un débat national pour élaborer conjointement un diagnostic, une évaluation de plus de dix ans d'action associative depuis la dernière réforme du Code des libertés publiques. Le but étant de lancer une réflexion sur l'avenir des associations et proposer des réformes pour renforcer l'action des associations mais aussi pour élargir les espaces de libertés. La loi des associations adoptée en 2002 a, certes, apporté des avancées, sauf que, critiquent les associations, « celle-ci reste entachée par les violations des autorités et souffre de carences juridiques à combler et rectifier ».