S'il y avait une leçon à tirer de la période du Printemps arabe, ce serait que la liberté ne se donne pas, mais se prend. Dans son sillage, elle traîne des droits de l'Homme qui ont été longtemps bafoués, à des degrés différents et selon chaque pays. Au lendemain de cette période de chamboulement, duquel plusieurs pays sont ressortis vainqueurs mais meurtris, le temps de la rééducation a sonné. Et plus précisément le temps de la rééducation aux droits de l'Homme. Dans cette optique, le Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) et l'Institut arabe des droits de l'Homme (IADH) réunis à Rabat, du 5 au 7 avril, plusieurs experts de la région pour penser ensemble au « rôle de l'éducation aux droits de l'Homme dans le contexte politique arabe actuel ». « Une occasion rêvée » Pour le président du Conseil d'administration de l'IADH, Abdelbasset Ben Hassan, c'est une « occasion rêvée pour opérer un changement dans la région, et diffuser une culture de la liberté et des droits de l'Homme en s'inspirant des expériences réussies dans d'autres pays ». Comment y parvenir ? Il s'agit tout d'abord d'élaborer une vision claire en matière d'éducation aux droits de l'Homme à travers un état des lieux des politiques, des stratégies et des plans d'actions relatives à l'éducation aux droits de l'Homme. Les pays arabes ne sont pas les seuls à s'être engagés dans une diffusion de la culture des droits de l'Homme, puisque la Déclaration sur l'éducation et la formation à ces droits a été adoptée tout récemment (le 16 février 2012) par l'Assemblée générale des Nations-Unies. Tout le monde est donc logé à la même enseigne ! Dans son article 7, la Déclaration est bien claire sur le fait que « c'est aux Etats qu'il incombe, au premier chef, de promouvoir et d'assurer l'éducation et la formation aux droits de l'Homme ». En créant un environnement propice à la participation de la société civile et des autres parties prenantes. A l'issue des travaux et des échanges effectués lors de ces trois journées, une convention de partenariat sera signée entre le CNDH et l'IADH. Interview avec Driss El Yazami, président du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH). Une conférence régionale sur l'éducation aux droits de l'Homme. Pourquoi maintenant ? Il s'agit de la première conférence de ce genre organisée depuis le début du Printemps arabe. Il ne peut y avoir de société de la dignité, de l'égalité, de société démocratique sans un véritable effort massif d'éducation aux valeurs des droits de l'Homme. Des valeurs qui touchent la société dans son ensemble, à la fois les responsables publics, mais aussi les institutions et les citoyens. Comment diffuser justement cette éducation aux populations ? Celle-ci se fait à travers la famille, l'école, et les institutions nationales. Si nous prenons l'expérience du Maroc, il faut rappeler que durant toute l'année 2007, nous avons mis en place la plate-forme citoyenne pour l'éducation à la culture des droits de l'Homme. Nous avons pu rassembler l'ensemble des acteurs, à savoir les ministères, toutes les institutions nationales et la société civile marocaine. Cet effort participatif a permis de mettre sur pied une plate-forme. Aujourd'hui, il faut rassembler ces acteurs, faire de la planification stratégique, et avoir de la cohérence dans les programmes mis en place. Le CNDH est chargé de coordonner cette plate-forme. Depuis 2007, la plate-forme n'a donc pas vraiment évolué ? Je pense que le Maroc a pris un peu de retard dans sa mise en œuvre. Nous savons ce qu'il faut faire, mais nous avons pris du retard, et ces jours-ci, nous comptons relancer la mise en œuvre de la plate-forme avec le gouvernement et la société civile marocaine. Le Maroc ne part donc pas de zéro en matière d'éducation aux droits de l'Homme ? Le processus a commencé au Maroc bien avant le Printemps arabe, avec la nouvelle Moudawana, la reconnaissance du pluralisme ethno-culturel, ou encore l'Instance équité et réconciliation. Contrairement aux autres pays arabes, ce processus n'a pas connu une coupure avec le Printemps arabe. Il se fait aussi par un débat public large et pluraliste. Il faut tout de même garder en tête que la réforme, au Maroc comme ailleurs, prend du temps.