Vendredi soir, la nouvelle galerie l'Aimance a vécu ses premiers émois, en exposant les pépites d'un des trublions de la pellicule internationale, le fulgurant Albert Watson. Orfèvre du portrait glamour depuis les années 70, Albert Watson a gravé son nom sur les couvertures des grands magazines fashion internationaux, des couvertures d'albums et des affiches de films tels que Kill Bill et Mémoires d'une Geisha. Celui qui a saisi Kate Moss à Marrakech, Steve Jobs en posture minimaliste – photographie qui trône désormais sur la couverture de son livre - Alfred Hitchcock portant un canard – cultissime – d'innombrables photos de nu, brutes et détonantes, et de brillants reportages qui trempent dans l'architecture et les paysages, dégaine une rare versatilité. Ce soir-là, le portrait a primé et les mordus de la pellicule se sont délectés de bijoux tels que ceux de David Bowie, Andy Warhol, Kate Moss, Johnny Depp, Christy Turlington, ainsi que celle du roi Mohammed VI, pris en 1998. Un fabuleux cru qui a tapissé les murs de l'incontournable immeuble de la Taverne du Dauphin, fief architectural du centre-ville, où a élu domicile cette nouvelle galerie, dédiée à la photographie. Discussion avec un virtuose. King Mohammed VI, Rabat, Maroc, 1998 L'exposition est une combinaison des photos prises au Maroc et de vos photographies cultes. Pensez-vous qu'elle résume ce que vous êtes en tant qu'artiste ? Je pensais au début que l'exposition allait se cantonner aux photographies prises ici, mais finalement non. Et s'il y a un fil conducteur dans mes photos, c'est justement le cinéma et le graphisme, vu que j'ai fait de longues études de graphisme en Ecosse, et de cinéma et de télévision à Londres, avant de m'installer aux Etats-Unis et de me prendre d'amour pour ce pays. Ce qui m'intéresse c'est un rendu mystérieux, étrange, inhabituel, une ambiance que seul le capteur de photos peut entrevoir. Voilà pourquoi j'imprime moi-même mes photos, une autre particularité qui caractérise mon travail. Vous avez réalisé un portrait du roi, paru dans votre livre « Maroc », dédié entièrement au Maroc et publié en 1998. L'idée du livre, en blanc et en noir, a été proposée par la maison d'édition italienne Rizzoli en 1998 et sponsorisé par le roi Mohammed VI, qui était prince à l'époque. Ce portrait n'est pas le seul portrait du roi, j'ai pris des portraits de lui à plusieurs occasions. Il faut dire que je suis venu au Maroc pour la première fois en 1979 lorsque je travaillais pour Vogue France, puis je suis revenu en 1986 et 1988, et à plusieurs reprises avant de construire ma maison à la Palmeraie. Vous êtes un photographe versatile. Quelle est votre relation à tout ce qui n'est pas mode et glamour ? Je photographie tout le monde, pas que les célébrités, du charmeur de serpent à Marrakech, aux cowboys du Colorado et de la reine d'Angleterre, aux présidents des Etats-Unis. J'aime bien photographier les célébrités, mais pas tout le temps. Dans mon livre sur Las Vegas, j'ai photographié des gens dans la rue, des clichés qui vont de la décadence et l'excentricité à la simplicité la plus basique. Je ne peux être plus simple que ça. Il est vrai que je ne suis pas un photographe de guerre. J'aime bien le danger mais je n'ai pas l'expérience nécessaire pour ce créneau. A vrai dire, je ne connais aucun autre photographe qui ait une palette aussi vaste que la mienne. Andy Warhol, New York, 1985 Une seule photo d'Andy Warhol est exposée. Vous l'avez côtoyé de près, que pensez-vous du personnage ? Andy Warhol voulait être un modèle, et il a toujours rêvé d'être photographié. Pour avoir des photos de lui, il suffisait d'appeler son agence de mode et réserver un rendez-vous avec lui. Si l'on réfléchit à ce qu'il était vraiment, on trouverait la démarche logique. Cette photo était publiée sur la carte de vœux de Noël de l'agence de mode en question, et pour une raison mystérieuse il est venu avec un ballon, ce qui ne m'a pas dérangé vu que l'idée était assez surréaliste. Je l'ai photographié à plusieurs reprises et pour différents magazines, et j'ai aussi travaillé pour son magazine Interview pendant des années. C'était un personnage fun, extrêmement intelligent, charmant et très timide. Venu en curieux, Fouad Ali El Himma a beaucoup apprécié l'exposition. Aucune photo de nu n'est exposée ici, cependant vous en avez réalisé une belle palette. Quel est votre regard sur les femmes que vous photographiez ? Je suis fascinée par les femmes, je les trouve supérieures, intéressantes, captivantes. Elles ont beaucoup moins de faiblesses que les hommes. Chaque femme est exotique et chaque femme est un objet de désir et de beauté. Mes photos de nu sont intenses, et même si le moment est calme, ou le cadre relaxant, le rendu reste puissant. Même dans le poétique et le romantique, il y a du sensuel. Et que pensez-vous des photographies de Helmut Newton, votre pair ? Je l'ai rencontré en 1979 lorsqu'il travaillait pour Vogue France. Ses photos restent fortes et sa vision des femmes est particulière. Pourtant, je trouve que mes photos sont plus sexy.