La 5e conférence francophone sur le VIH/Sida, qui clôture ses travaux ce mercredi à Casablanca, a lancé un SOS. Plus de 1.300 acteurs opérant dans le secteur de la santé à travers 50 pays francophones ont été unanimes à insister sur l'urgence que revêt le droit d'accès aux médicaments. «Cette conférence se tient à un moment où nous, soignants, chercheurs et militants du Nord et du Sud, avons de profondes inquiétudes : 2010 devait être l'année de l'accès aux médicaments pour tous. Or, moins de 40% des personnes vivant avec le VIH qui ont besoin de traitement en reçoivent», rappelle le Pr. Hakima Himmich, présidente de cette conférence. Fondatrice et présidente de l'Association de lutte contre le Sida (ALCS), cette dernière ne cache pas ce souci grandissant de voir des milliers de malades payer la facture de la crise mondiale. «Notre mobilisation à tous est plus que jamais nécessaire, pour convaincre les pays donateurs de poursuivre leurs engagements, pour que le Fonds mondial ne soit pas obligé de réduire la liste des pays éligibles. Ce qui menacerait, en premier lieu, les pays considérés à faible prévalence et à revenus intermédiaires, comme le Maroc», souligne le Pr. Hakima Himmich. Une menace d'autant que les traitements dits de seconde ou troisième ligne posent un réel problème. «Les médicaments de troisième ligne coûteraient au Maroc, s'ils étaient disponibles, en moyenne 2.500 dollars par patient et par mois. Alors que les médicaments de première ligne, ceux pour lesquels des génériques sont disponibles, coûtent en moyenne 22 dollars/patient/mois», explique au Soir échos la présidente de la conférence. Actuellement, 5 patients reçoivent au Maroc ces traitements de troisième ligne, grâce aux efforts des médecins et surtout de l'ALCS. Il ne s'agit pas de s'offrir un luxe. Ces médicaments deviennent une nécessité, car les patients ont besoin de changer de traitements, dès l'apparition de résistances aux premières lignes. Plus efficaces et mieux tolérés, les nouveaux traitements sont aussi un garant d'une meilleure santé. «Il n'y a pas de génériques de troisième ligne, parce qu'ils sont protégés par des brevets pour une période de 20 ans et ils ont été mis sur le marché très récemment. Actuellement, 5 patients en reçoivent au Maroc, grâce aux efforts des médecins du service de maladies infectieuses de Casablanca et surtout de l'ALCS», souligne le Pr. Hakima Himmich. Et de préciser que l'ALCS obtient ces médicaments à titre de dons et en achète aussi en France. «Mais quand le nombre de patients, qui en ont besoin, va augmenter, nous ne pourrons pas en fournir». Pas d'issue à l'horizon, à l'exception de ce qu'appelle la présidente de la conférence «un arbitrage» ayant pour but de protéger la propriété intellectuelle lorsque cela est légitime et nécessaire, mais avant tout, pour assurer l'accès à la santé et aux médicaments des populations des pays du Sud. «Au cours de la séance d'ouverture, le Pr. Phillipe Douste-Blazy, président de UNITAID (L'initiative internationale d'achats de médicaments), nous a annoncé que cet organisme est en pourparlers avec les firmes pharmaceutiques et trois ont répondu favorablement», confie réconfortée, le Pr. Hakima Himmich ajoutant que pour le Fonds mondial, «nous ne serons fixés qu'en octobre à la réunion avec les donateurs». En attendant, on ne restera pas les bras croisés. D'ailleurs, l'ALCS, depuis sa naissance en 1986, s'est imposée comme force de proposition et continue à l'être. La prévention reste sa première priorité à travers sa volonté de multiplier les tests de dépistage. «Actuellement, il y a une réflexion au ministère de la Santé et à l'ALCS, pour faciliter l'accès au test», annonce au Soir échos le Pr. Hakima Himmich. En quoi consiste donc cette réflexion ? L'ALCS propose d'autoriser le personnel infirmier à pratiquer les tests et à donner le résultat et de généraliser l'utilisation des tests rapides à toutes les structures de santé. «Les centres mobiles de l'ALCS enregistrent un grand succès, mais ils ne sont pas rentabilisés par insuffisance des moyens financiers», tient-elle à faire remarquer. Accès aux traitements, généralisation du dépistage, mais aussi sensibilisation. L'ALCS milite avec toutes les bonnes volontés qui l'animent contre la stigmatisation. «C'est, en effet, un obstacle majeur, qu'il s'agisse de la stigmatisation des personnes vivant avec le VIH ou de celle des populations vulnérables», insiste la présidente de l'Association. Pour elle, une chose est sûre : il n'y a pas de prévention efficace sans lutte contre la stigmatisation et les discriminations. La volonté est bien là, ce sont les sources de financement qui doivent, à présent, la concrétiser. «Aujourd'hui, nous savons ce qu'il faut faire pour débarrasser le monde de cette épidémie. Mais si les menaces de réduction des financements se concrétisent, nous raterons cette chance». Plan : Baddou décline ses objectifs Le plan national de lutte contre le sida 2007 /2011 a été présenté par la ministre de la Santé, Yasmina Baddou, à l'ouverture des travaux de la 5e conférence francophone sur le VIH/sida, organisée par l'Alliance Francophone des acteurs de santé contre le VIH (AFRAVIH). Ce plan veut assurer l'accès universel des populations les plus exposées au VIH aux programmes de prévention. Il porte également sur la prise en charge globale des personnes vivant avec le VIH et sur l'application d'un dispositif d'appui psychologique et social. C'est un engagement pris par le Maroc pour concrétiser les Objectifs du Millénaire pour le développement qu'il a signé et pour lesquels il ne reste qu'un délai de cinq ans. Le ministère de la Santé aspire ainsi à stabiliser, voire à infléchir la progression de l'épidémie, dont la prévalence enregistre, au Maroc, deux vitesses. Au niveau de la population générale, elle est de 0,08%, mais auprès des groupes à risque, elle est beaucoup plus importante. Auprès des travailleuses du sexe, elle est de 2,6%, et dans la région d'Agadir, selon l'ALCS, elle atteint même 6%, en raison de la pauvreté et de la croissance de la prostitution. Pire encore, une étude montre qu'auprès de 14.000 usagers de drogues par voie intraveineuse dans le Nord, près de Ceuta et Melilla, 30% souffrent du VIH.