Deux mois après la dernière audition de la SNEP dans le cadre de l'enquête pour la mise en place de la clause de sauvegarde concernant le PVC, le groupe Chaâbi livre le rapport qui lui a été demandé par les autorités de tutelle, notamment le ministère du Commerce extérieur, pour appuyer sa position dans le dossier. Avant de rentrer dans les détails techniques de la requête, le rapport commence d'abord par relever «un ensemble d'agitations médiatiques souvent à tendance polémique qui, au lieu d'enrichir le débat n'ont fait que l'appauvrir, voire l'envenimer». La SNEP met en avant, en premier lieu, le fait qu'elle a développé, «pendant une décennie, une activité industrielle propre au Maroc, avec un savoir-faire complexe et à valeur ajoutée». Le deuxième argument est celui de l'investissement : 426 millions de DH versés entre la privatisation en 1993 et 1999. Ce qui a permis l'augmentation de la capacité de production et la modernisation de l'outil industriel. Durant la période 1999-2007, l'enveloppe d'investissement déboursée ressort, selon le rapport, à 325 millions de DH, pour faire passer la capacité de production de 50.000 à 70.000 tonnes. C'est durant cette période que la SNEP a attaqué le segment de l'export avec une cadence de 10.000 tonnes par an. Les débouchés sont, selon le rapport, l'Europe, les pays arabes et l'Afrique. Le total des investissements prévus pour la période 2008-2011 est passé à 650 millions de DH. Un montant qui permettra le doublement de la capacité de production qui atteindra 140.000 tonnes. 200 millions de DH ont déjà été consentis. Le troisième argument que présente le rapport est lié à la crise internationale. Ce phénomène a forcé les gros opérateurs de plasturgie à chercher davantage de débouchés à l'export. La demande mondiale a en effet baissé de 16%. La progression des exportations en provenance d'Europe s'est, de ce fait, chiffrée à 30%, alors que celles des Etats-Unis ont cru de 36%, voire plus. «Dans l'obligation de déstocker massivement pour parer au plus pressé, les prix pratiqués aussi bien par l'Europe que par les USA ont été tellement attrayants que même les Chinois ont été dans l'impossibilité objective de s'aligner. Nous avons donc assisté à une pratique excessive de dumping qui ont eu un effet d'entraînement et de translation de la crise économique mondiale vers des pays jusque-là moins touchés», explique le rapport. Pour appuyer ces propos, le rapport présente les cas de la Chine et de la Turquie qui, dans ce contexte, ont appliqué des mesures limitatives des exportations et anti-dumping. Dans le premier cas, la Chine a relevé des droits d'importation sur le PVC issu de 5 pays dont les Etats-Unis pour qui, le taux est passé de 11 à 83%. Pour sa part, la Turquie a appliqué une taxe antidumping de l'ordre de 45 dollars la tonne importée. A noter que l'industrie du PVC turc ne couvre que 17% de la consommation locale, selon le rapport. «Que peut-on dire du cas de la SNEP dont la production couvre plus de 65% des besoins de notre pays ? Interrogation qui mérite d'être prise en considération ; les Turcs, à ce que l'on sache, ne sont pas plus nationalistes que les Marocains pour défendre leur potentiel industriel !», poursuit le document. Les effets des importations sur l'activité de la SNEP sont le quatrième argument que présente le rapport. Il évoque en effet une envolée des achats à l'étranger qui a atteint +147%. Ce taux est passé à 155% au troisième trimestre 2009. Pour montrer l'existence du dumping, le document fait référence à un prix d'achat de 5.910 DH la tonne. C'est presque la moitié du prix appliqué sur le marché américain (10.000 DH la tonne selon le rapport). La SNEP reconnaît en outre une réduction notable de sa capacité de production et la baisse de sa marge d'exploitation. Sans oublier, «la diminution des ventes suite au détournement des commandes des clients en faveur des importations», note le rapport qui joue au passage sur la corde sociale en indiquant que les emplois ont été préservés. Le cinquième argument est celui de la qualité. La SNEP dresse le listing de l'ensemble des certifications qualité obtenues et les technologies qu'elle a introduites pour améliorer son processus de production. C'est ce qui lui permet de dire que «le procédé de fabrication est le même que celui utilisé par les producteurs internationaux à savoir la polymérisation du mono- chlorure de vinyle obtenu par synthèse du chlore et de l'éthylène». Aussi, «les spécifications techniques des produits importés ainsi que leurs utilisations sont similaires à celles de la production de la SNEP». Verdict : Le Commerce extérieur tranchera en août Pour conclure son plaidoyer, le rapport précise que la demande de clause de sauvegarde n'est pas liée à un privilège, mais s'inscrit dans le cadre d'actions menées à l'échelle internationale. Reste à savoir si cet argumentaire sera accepté par les opérateurs de la plasturgie. Des sources proches de la profession indiquent qu'une large frange d'industriels ne serait pas favorable à la requête de la SNEP. D'autres indiquent que la majorité des opérateurs y sont favorables. «Les réfractaires le sont plus pour des raisons personnelles que professionnelles», note notre source, en référence à la bataille concurrentielle qui existe entre SNEP et Dimatit d'un côté, et Plastima, filiale du groupe Sekkat de l'autre. En tous cas, le verdict du ministère du Commerce extérieur par rapport à cette clause de sauvegarde ne devra tomber qu'en août, selon nos sources. En attendant, la bataille entre les réfractaires et les partisans n'en sera que plus coriace.