Elle était, certes, difficile à croire, mais l'annonce de la fusion ONA SNI et le retrait de la cote des deux mastodontes est désormais derrière nous. A présent, nous sommes face à une avalanche de questions portant sur la nouvelle entité et ses horizons de développement. Quelle est la finalité de cette opération? Cette opération est motivée par un souci de rationalisation et pour doter la nouvelle entité des outils nécessaires pour son positionnement sur le marché pour relever les défis des années à venir. D'ailleurs, cette tendance est une tendance mondiale comme on peut le constater avec les cas de Wendel, Eurazeo ou encore Bolloré. Le modèle de super groupes intégrés a montré ses limites et comme nous le confirme Hassan Bouhemou, PDG de SNI «le besoin s'est fait ressentir de doter l'entité d'une nouvelle vocation face à l'essoufflement du modèle actuel». Enfin et surtout, la nouvelle entité à venir à vocation à se positionner comme un actionnaire professionnel, ce qui est antinomique avec la structure actuelle. Concrètement, la référence à une seule holding en lieu et place d'une cascade de chaînons de commande permet de corriger ou de se prémunir des contresens stratégiques. Quel est le coût prévu? Sans donner de chiffres, nos sources au sein de la SNI précisent «qu'il dépendra de la réponse des détenteurs minoritaires de titres actuels». En effet, si une Offre publique de rachat est proposée, les détenteurs ne sont pas obligés d'y souscrire. Au moment de la fusion, comment seront traitées les participations croisées et conjointes ? Les participations croisées vont être défaites et les entreprises qui avaient dans leur tour de table à la fois ONA et SNI vont se retrouver avec un seul actionnaire. Une fois la première vague de cession réalisée, quel horizon se fixent les dirigeants des deux holdings pour céder les participations majoritaires qui demeurent nombreuses dans leurs filiales ? Nos interlocuteurs au sein de la SNI n'avancent pas de date, mais parlent de moyen et long termes. Quel positionnement pour le nouvel ensemble ? Le positionnement se fera selon trois modes de détention : 1 Actionnaire significatif (20% à 40%), actif dans les comités et organes de gouvernance sans exercice du contrôle : actifs mûrs, ayant atteint la taille critique et un stade de développement pérenne (à court terme : Attijariwafa bank, Cosumar, Lesieur, Centrale Laitière…); 2 Co-actionnaire stratégique (20% à 50%) des actifs dont la gestion opérationnelle est confiée à un partenaire métier de classe mondiale (Lafarge, Sonasid, Atlas Hospitality Morocco, Renault Maroc…). 3 Actionnaire unique ou majoritaire de sociétés n'ayant pas encore atteint leur maturité du fait du développement de nouveaux projets et/ou d'une phase de croissance (Wana, Marjane, Onapar, Nareva…). Une fois les cessions réalisées, comment seront réinvestis les fonds rassemblés ? Le marché de prédilection de l'actionnaire professionnel issu de cette fusion restera le Maroc. Mais aucun secteur prioritaire n'est défini pour l'instant. Il n'y aura pas d'investissement en dehors du Maroc qui ne soit arrimé à des projets locaux. La priorité sera donnée aux anciennes filiales qui deviendront tôt au tard des participations. L'ensemble ONA SNI déclare dès maintenant être prêt à devenir actionnaire de leurs filiales à l'étranger avec des cibles comme Attijtiwafa bank, Optorg ou encore Managem. Quel est le niveau de participations cible que cherche l'ensemble ONA SNI une fois minoritaire (30% du capital comme l'indique le communiqué) ? A ce niveau, il n'est pas question pour le groupe d'adopter l'attitude d'investissement des compagnies d'assurance. Il cherchera toujours le niveau de participation qui lui permettra d'influencer les décisions des conseils d'administration dont il est membre et des comités qui en découlent. Cependant, la nouvelle entité n'a pas vocation à détenir systématiquement la minorité de blocage incompatible avec le projet dans son ensemble. Cette nouvelle approche de prise de participation ne correspond-elle pas au mode de gestion des fortunes royales européennes qui se basent uniquement sur des participations minoritaires dans des dizaines, voire des centaines de structures de par le monde ? Si la configuration est la même, nos sources ne refusent pas une telle comparaison. Par ailleurs, le désengagement de l'ensemble ONA SNI n'est-il pas synonyme d'une plus forte concurrence, notamment dans les secteurs où le holding royal était leader via ses filiales ? A ce niveau, nos interlocuteurs au sein de la SNI précisent pour la énième fois que leurs filiales, ainsi que celle de l'ONA, ont toujours évolué dans un milieu où la concurrence est la seule règle. Néanmoins, la fusion et la réorientation stratégique qui s'ensuit «met fin au prétexte mis en avant pour expliquer les performances de nos filiales et leur leadership», note notre source. De hauts cadres de la SNI estiment que la nouvelle configuration encouragera l'entrée de plusieurs nouveaux opérateurs dans les secteurs classiques où les filiales de l'ONA étaient leaders. Qu'en est-il du volet humain, qui concerne plus le personnel de l'ONA, la SNI étant une société d'investissement dont l'effectif ne dépasse pas une dizaine de golden boys ? Le personnel du holding royal était essentiellement affecté à assurer les fonctions supports (finances, informatique…) pour le compte des filiales. Celles-ci étant destinées à devenir totalement indépendantes, les équipes de la holding devront les rejoindre pour y assurer ces mêmes fonctions supports. Reste à savoir si ce basculement sera aussi fluide qu'on l'imagine. Toutefois les entreprises qui vont sortir du giron ne le seront qu'une fois que le management sera opérationnel. Le management des entreprises a été impliqué dès le début dans cette opération. Cela va leur apporter davantage d'autonomie et donc aussi de responsabilité. Les équipes en place se connaissent déjà et ont l'habitude de travailler ensemble. Certaines entreprises, en sortant du périmètre actuel, pourraient se retrouver dans une configuration nouvelle au niveau de leur management. Pour y pallier, les conseils d'administration accueillent des experts métiers et l'astuce est d'avoir un bon équilibre. «Le conseil ne doit pas inhiber le management et le management ne doit pas prendre le contrôle sur le conseil», nous dit Hassan Bouhemou qui ajoute : «nous avons le devoir moral d'accompagner ces sociétés jusqu'à la maturité de leurs organes de gouvernance». Qu'en est-il du top management ? Dans la nouvelle configuration, Moatassim Belghazi et Hassan Bouhemou font doublon, car la nouvelle entité n'a besoin que d'un seul PDG. Quelques heures après l'annonce, le marché évoquait déjà le nom de Bouhemou à la tête de la nouvelle entité. D'ailleurs, des rumeurs font état d'un éventuel départ de Belghazi depuis plusieurs semaines. Les cadres de la SNI que nous avons interrogés reconnaissent que les deux patrons font doublon. Mais ils ne s'aventurent pas à annoncer où même à émettre un pronostic sur l'identité du futur patron du méga holding qui verra le jour. Dès que l'annonce de l'opération, des observateurs ont directement fait le lien avec la mesure de facilitation des fusions prévues dans la loi de finances 2010. D'ailleurs, des voix s'étaient élevées, au sein de la CGEM, pour contester cette mesure qui selon elles était réservée aux grands groupes. ONA et SNI auraient-ils réellement mené un lobbying pour économiser sur leurs dépenses fiscales ? Nos interlocuteurs rappellent, à ce niveau, que les mesures en question sont une doléance de longue date d'une large frange du patronat. De plus, ils ne sont pas les premiers à en profiter puisque Distrisoft et Matel PC Market ont fusionné. Cela dit, même la mesure prévue dans la loi de Finances n'est pas aussi avantageuse que les facilitations en vigueur en Europe et aux Etats-Unis où l'on n'a pas besoin de fusionner juridiquement deux entités pour regrouper leurs participations. Un transfert des titres défiscalisés suffit. Quel est l'impact de l'opération sur le marché boursier ? Au niveau du marché, cette opération est destinée à augmenter les liquidités disponibles. En effet, la faiblesse de liquidités est un frein pour bon nombre d'investisseurs institutionnels étrangers. Aujourd'hui, la capitalisation boursière de la place de Casablanca est d'environ 500 milliards de DH. L'ensemble ONA SNI représente environ 40 milliards. A l'issue de cette opération, le flottant disponible devrait être plus important, ce qui représente un impact positif pour la bourse. De plus, le nouveau holding n'étant pas coté, cela permettra de travailler à l'abri du stress du marché, en prenant le temps de mettre en place des stratégies élaborées qui nécessitent du temps. Y a-t-il déjà un nom qui se dégage pour la nouvelle entité ? «La question sera traitée postérieurement au retrait de la cote, à l'occasion du processus de fusion», note notre source.