Comment se fait-il que vous soyez née à Rabat alors que vos parents sont Russes? Ce sont les facéties de l'histoire… De nombreux Russes blancs ont choisi la France après avoir été chassés de la Russie à la Révolution. Mes parents étaient de famille noble, ils étaient de grands propriétaires terriens en Ukraine, ils ont tout perdu. Mon père était ingénieur agronome, il avait un diplôme de pomologie (la science des arbres fruitiers, ndlr). Mes parents étaient cousins, ils se sont retrouvés sur la Côte d'Azur, ils se sont mariés, ont eu mes deux sœurs Hélène et Elisabeth. Puis mon père a eu la proposition de diriger un jardin d'essais à Rabat, il a accepté tout de suite et voilà pourquoi je suis née au Maroc, dix ans après mes sœurs. Ils espéraient un petit garçon…! D'autres familles russes avaient fait le même choix, si bien qu'il y avait à Rabat une église orthodoxe, un cours de danse, un cours de chant et que la communauté russe se réunissait pour les fêtes, Noël, Pâques. Puis mon père est décédé, et nous sommes rentrées en France. J'avais huit ans. J'ai eu beaucoup de mal à m'adapter, j'avais toujours froid à Paris, et je n'aimais pas beaucoup les gens! Au bled j'étais copine avec les ouvriers agricoles de mon père, ils m'adoraient et moi j'adorais Isa, la femme qui m'a élevée. Je dois ma santé à ces années-là, j'ai mangé de si bons légumes, de si bons œufs et poulets, sans pesticides ni engrais chimiques! Quels souvenirs gardez-vous de votre petite enfance au Maroc? Ce que je vous dis plus haut, les couleurs, le soleil, les parfums et la douceur des gens. Je n'ai pas retrouvé tout ça ailleurs, je suis inconsolable! Si en Italie un peu, peut-être, que je considère comme ma troisième patrie. J'y ai vécu 9 ans. Jury, votre dernier livre, raconte votre expérience de présidente de jury au Festival international du film de femmes de Salé. Qu'est-ce qui vous a poussé à rendre compte de cette expérience ? La surprise. Les choses ne se sont pas du tout passées comme je l'aurais cru ! J'ai été passionnée par mes co-jurées, ces femmes très différentes de moi, et en les fréquentant j'ai fait un examen de mes propres points de vue, de mon arrogance d'Occidentale. On peut dire que pour moi il y a avant et après Salé. Je ne verrai plus jamais les affaires du Maghreb de la même manière. Je suis très optimiste pour le Maroc, avec toutes les contradictions et les difficultés, je pense que la société marocaine se développe merveilleusement. Grâce à votre judicieux roi, et à son entourage. Y a-t-il toujours, comme dans « Jury », des éléments autobiographiques dans vos romans ? Souvent. Pas toujours. Dans mes romans «La Star» et «Love-Baba», ce n'était pas le cas. Mais je pense que cette forme de «roman incarné» permet d'avoir une écriture plus tendue, plus dangereuse, qui assure de la vérité et de la profondeur aux lecteurs. C'est une forme moderne de littérature que presque tous les écrivains adoptent aujourd'hui. Vous avez publié votre premier livre en 1982 alors que vous étiez comédienne. Qu'est-ce qui vous a donné envie d'écrire ? J'ai fait une licence de lettres à la Sorbonne, je ne l'ai pas terminée parce que le cinéma m'a attrapée très tôt, mais j'ai toujours été tentée par l'écriture. J'ai attendu d'avoir le courage de me lancer! C'est un éditeur qui m'a mis le pied à l'étrier, il était d'origine russe, comme moi, il s'appelait Constantin Melnik. Il m'a dit: «vous racontez si bien les histoires, pourquoi ne les écrivez-vous pas?» Mais les deux activités sont très proches pour moi. Il s'agit toujours de manier les mots. Vous venez de publier un livre de cuisine. Quelle est votre recette préférée ? Je les aime et je les pratique toutes! Chaque saison a les siennes. En ce moment je fais souvent des pâtes (rigatoni) aux aubergines, avec ma sauce tomate (les tomates de mon jardin dans le Gers). J'y mets du piment et du basilic, c'est délicieux. De toute manière j'aime la cuisine du sud ! Si vous deviez conseiller un livre aux lecteurs du Soir-Echos, ce serait lequel ? Le dernier Edgar Morin « La voie », parce que c'est un livre optimiste et concret. Et parallèlement, aux antipodes sur le plan idéologique, le dernier Christian Bobin « Un assassin blanc comme neige », un délice d'écriture et d'humanité. Un jury de six femmes Un festival de cinéma à Rabat en septembre 2010. Six femmes d'horizons différents sont enfermées pendant six jours dans le huis clos du jury : une Egyptienne, une Marocaine, une Portugaise, une Italienne, une Camerounaise et une Française, Macha Méril. Chacune à sa manière est célèbre dans son pays. Au fur et à mesure des projections, les différences entre elles se dessinent, de plus en plus violentes. Peuvent-elles s'accorder pour décerner un palmarès ? Que défendent-elles ? Une entente est-elle encore possible ? Macha Méril, qui avait innocemment accepté de participer à ce festival pour revenir sur les lieux de son enfance et passer quelques jours avec son compagnon, se trouve prise dans un tourbillon de conflits culturels et sentimentaux… Un roman autobiographique. Albin Michel, 230 DH.