Venu présenter le film tiré de son roman L'amour dure trois ans qu'il a réalisé pour le cinéma, et son récent ouvrage littéraire Premier bilan après l'apocalypse dans le cadre du Siel, Frédéric Beigbeder a déployé ses habituels numéros de charme, fidèle à son personnage. Beigbeder, le satirique, le cynique, le controversé, l'ex-pubard aux frasques innombrables, le dandy parisien natif de Neuilly, l'homme aux plusieurs casquettes, est venu partager son regard sur l'usure du couple. L'amour dure trois ans est sorti le 18 janvier en France et ne sortira au Maroc qu'au printemps, via les instituts français. Le film réunit un casting frais dont Gaspard Proust, Louise Bourgoin, Jonathan Lambert, Nicolas Bedos, Joey Star, et porte la touche Beigbeder, drôle et… agaçante. Longtemps estampillé de bobo parisien à l'intellect cynique et de bad boy festif à la ville, il est cependant besogneux et polyvalent dans sa vie professionnelle, à la fois critique littéraire, éditeur, écrivain, présentateur de télévision et récemment réalisateur. Rencontre. Vous avez réadaptez votre roman L'amour dure trois ans pour le cinéma. Pourquoi ce retour sur ce thème en particulier ? J'ai voulu faire une variation sur le thème de l'usure du désir dans le couple, une question qui me travaille. Comment rester amoureux dans cette société de consommation ? Nous vivons dans un monde assez frénétique où les choses s'accélèrent sans cesse, où les êtres humains deviennent interchangeables, à l'ère de l'Internet et des nouvelle technologies. Est-ce que l'amour est un yaourt avec une date de péremption ? Ou un mystère romanesque ? L'amour est la dernière utopie qui nous reste, une illusion merveilleuse. L'enjeu n'est pas de tomber amoureux, mais de le rester. Je ne réponds pas à votre question (rires), il faut voir le film pour voir vraiment ce que j'en pense. Vous cultivez des affinités avec la littérature et le cinéma américains. Et dans votre film, on décèle des points de ressemblance avec les comédies romantiques américaines, dont celles de Woody Allen. Qu'en dites-vous ? Si on aime le cinéma, on aime forcément le cinéma hollywoodien. J'aime bien les films bavards, aux dialogues et aux répliques obliques, et je suis fan du cinéma littéraire, dont celui de Woody Allen ou de Blake Edwards. Le cinéma de Woody Allen est effectivement une référence qu'on reconnaîtrait dans mon film, bien que ce soit gênant d'être comparé à un homme aussi génial. Ce qui me plaît chez ce cinéaste, c'est qu'il cherche toujours des solutions, et donne une grande part aux dialogues directs avec la caméra et aux interventions de penseurs comme dans Anny Hall et Zelig. Dans mon film, j'ai recouru à cette technique avec Jean-Didier Vincent, Paul Nizon et d'autres intellectuels qui nous parlent d'amour. Vous arborez plusieurs casquettes dans votre vie professionnelle ; journaliste, publicitaire, écrivain, éditeur, cinéaste. Dans quel « métier » vous retrouvez-vous ? J'aime écrire avec l'image et le papier, et ce qui m'intéresse, c'est écrire des histoires ; que ce soit des essais, des romans, des nouvelles ou, maintenant, un film. Je ne fais pas de séparation. J'ai fait dix ans dans la pub, 20 ans dans la télévision, d'ailleurs j'y suis toujours, et je pense que c'est ce qui fait mon originalité. Je suis très ouvert et très curieux, et me lancer dans le cinéma me redonne une nouvelle jeunesse. Quelle est la part d'autobiographie dans vos livres, En l'occurrence le dernier Premier bilan après l'Apocalypse ? Dans mon dernier livre Premier bilan après l'Apocalypse, j'explique comment, depuis l'adolescence, j'en suis arrivé à lire tous ces romans dont je dresse le bilan. Il y a une reconnaissance de dettes envers tous ces écrivains qui m'ont formé et influencé, que je partage au moment où j'ai peur de voir la littérature disparaître, en tant qu'objet. Un roman francais, reflète entièrement mon histoire, L'amour dure trois ans est également très personnel, ainsi que « Windows on the world » . Dans certains autres, j'en rajoute, comme dans mes livres caricaturaux et satiriques dont 99 francs et Au secours pardon ou L'égoïste romantique, où je grossis un peu le trait pour faire rire ou pour énerver – je trouve que c'est une bonne chose d'énerver le lecteur. Je suis aussi un égoïste insupportable, obsédé, drogué au plaisir, doublé d'un romantique un peu guimauve.