La terre vue par Apollo 17. A quel niveau constatez-vous la mauvaise gestion de l'eau ? A quel niveau constatez-vous la mauvaise gestion de l'eau ? Le Maroc développe une politique de logements sociaux où des efforts peuvent être déployés : ne pas placer par exemple des chasses d'eau de quinze litres, ce qui permet l'économie de l'eau et une facture moins coûteuse et prévoir une robinetterie adaptée. Par ailleurs, les établissements administratifs pourraient donner l'exemple en utilisant des équipements basse efficacité énergétique et utiles pour l'économie de l'eau. Il ne faut pas charger continuellement le citoyen, le rendre responsable complètement du gaspillage de l'eau. Les rôles sont partagés et les responsabilités aussi. Il faut prendre la chaîne dans sa globalité et à chaque niveau définir les actions à mettre en place. Dire aux gens : «Fermez les robinets !» ou encore «Ne prenez pas de bains !», ne résoudra pas le problème. Il est tout aussi indispensable d'utiliser des moyens et des technologies qui permettent l'économie de l'eau là où il faut. Dans le rural, nous avons un retard à combler en matière d'assainissement sous prétexte qu'il est coûteux. Oui, il l'est lorsqu'on utilise des technologies dures. Mais, il existe, en ce moment, des technologies appropriées qui nécessitent un changement dans le processus de prise de décision. Les problèmes liés à l'eau doivent être résolus au cas par cas et pour chaque région en fonction des demandes et des besoins spécifiques. Le comportement du citoyen doit être appuyé par des politiques opérationnelles en y mettant les moyens et surtout en donnant l'exemple. Quoi penser de la marchandisation de l'eau, du fait qu'elle soit sous-traitée par des sociétés ? L'eau n'appartient à personne. Au Maroc, l'eau reste publique, c'est sa gestion qui est confiée au secteur privé, contrairement aux pays anglo-saxons de concevoir la marchandisation de l'eau. C'est un débat qu'il faut replacer dans chacun des contextes. Nous avons une gestion par un acteur privé qui, lui, est déléguée par la ville sur la base d'un cahier des charges, dont l'une des clauses porte sur le contrôle et le suivi. L'Etat assure le travail de régulateur et de contrôleur. Nous avons aussi des régies de l'eau qui continuent à être opérationnelles. Alors régie ou privé ? Les deux ou n'importe lequel, à condition que l'on soit efficace et à un prix adapté au pouvoir d'achat des utilisateurs. Et c'est là où l'Etat peut jouer un rôle parce que c'est le Premier ministre qui a juridiquement compétence pour fixer le prix de l'eau. Les détenteurs du pouvoir de décision doivent impliquer les citoyens à travers les relais de participation, de communication et tenir compte des expériences du terrain. Quelle évaluation faites-vous des expériences menées par le Maroc, dont le goutte-à-goutte dans l'agriculture et les procédés de désalinisation de l'eau? Tout le monde en parle. Il est vrai que ce système du goutte-à-goutte est créé pour économiser de l'eau, mais en réalité, il peut parfois aussi aboutir à l'inverse. Un agriculteur qui se rend compte que ce système augmente son rendement doublera son utilisation de l'eau. Au final, on se retrouve avec un résultat « 0 » en économie de l'eau. Pour ce qui est de la désalinisation, ce qui est, d'abord, important, c'est d'utiliser ce qu'on a de manière économe et parcimonieuse. Et si cette utilisation rationnelle de l'eau ne suffit pas, il faut se tourner vers les techniques ou ressources non conventionnelles, dont, en premier, l'assainissement, la réutilisation des eaux usées et, ensuite, la désalinisation. Pour décider de cette dernière, des paramètres sont importants : le coût de revient, la technologie à utiliser et l'impact sur l'environnement. Le choix du pétrole ne sera pas évident. Tout aussi indispensable, il faut anticiper pour évaluer l'impact des technologies utilisées dans la désalinisation. On possède 3.500 km de côtes, on peut se permettre cette méthode, mais le faire de manière rationnelle et avec précaution. Que recommandez-vous pour une meilleure gestion de l'eau au Maroc ? Les personnes à domicile doivent comprendre l'effort consenti pour les alimenter en eau potable et l'utiliser de manière économe. L'agriculture, elle, ne peut plus continuer à consommer 80 % de la ressource sans se soucier de son économie, de sa protection qualitative (pesticides périmés) et de puiser dans la nappe phréatique. Pour ce qui est des industriels, il leur incombe de fédérer leurs efforts et de créer des moyens pour pré-traiter l'eau avant son rejet. Côté tourisme, il est toujours étonnant qu'on arrose des golfs dans le sud du Maroc. La quantité d'eau que nécessite un golf est équivalant au besoin de 5.000 personnes. Je pense qu'on a assez de golfs et d'hôtels de luxe. On parle aussi d'extension des villes, qui est une extension de service, de coût et donc d'usage d'énergie. Des urbanistes et des architectes attestent que la ville idéale est une ville compacte qui est une ville économe et conviviale. Quel est l'impact du manque d'eau sur la population ? Aujourd'hui, la migration n'est plus intérieure au pays, c'est une migration qui dépasse les frontières. Autrefois, les migrants subsahariens, pour changement climatique, traversaient le Maroc, pays transit, vers l'Europe. Depuis que l'Europe a adopté le plan sur la migration avec la Directive retour, nous sommes devenus un pays d'arrêt. Le Maroc se retrouve au centre de la problématique des réfugiés climatiques. La question de l'eau n'est pas uniquement une question locale, nationale, mais elle est une question transfrontière. Nous ne partageons pas de cours d'eau avec des pays voisins. Mais s'il y avait un conflit autour du Nil par exemple, nous serions certainement impactés par ce conflit potentiel. La dimension internationale de l'eau est aussi à prendre en considération. Et en cas d'exode dû à la sécheresse, est-ce que nos villes peuvent absorber cette migration ? Est-ce que la Maroc est prêt, aujourd'hui, à absorber la migration subsaharienne ? Ce sont des questions très liées de très près à l'eau. Le Maroc se dirige-t-il vers un scénario catastrophe ? D'après des études météorologiques, le Maroc entrera dans une phase de sécheresse. Cela nous incite à gérer l'eau de la manière la plus rationnelle possible. Ce qui suppose la nécessite de responsabiliser tout le monde et de ne pas faire de l'eau une question traitée de manière sectorielle ni idéologique. Celle-ci doit se faire de façon transversale, coordonnée et décentralisée, dans l'intérêt du pays et de la ressource. Les détenteurs du pouvoir de décision doivent impliquer les citoyens à travers les relais de participation, de communication et tenir compte des expériences du terrain. C'est essentiel pour la gouvernance de l'eau. A titre d'exemple, le Plan Maroc Vert est intéressant à cet égard. Il a remis en question les objectifs du ministère de l'Agriculture et lui a permis de restructurer ses visions. Parmi celles-ci figure justement l'économie de l'eau. La mise en place du plan est en cours, mais j'espère qu'on a prévu des espaces de coordination entre les secteurs de l'eau et de l'agriculture ainsi que les groupes thématiques qui travailleront ensemble.