La montée d'un gouvernement à prédominance islamiste devrait attiser l'intérêt des acteurs de l'assurance islamique à s'implanter au Maroc. Toutefois, la réglementation devrait être révisée. L'avènement de la banque islamique au Maroc a obéi à une logique totalement différente de celles suivies par les autres pays du monde arabo-musulman. Cette particularité s'explique par les potentialités de son économie, ses rapports avec les pays européens et l'exception marocaine sur le plan culturel. La réflexion sur l'assurance islamique («Takaful») suit la même logique. Celle-ci en est à ses balbutiements. C'est indubitablement sur cette thématique qu'a porté la première édition 2012 des «workshops de la Bourse», organisée jeudi dernier à Casablanca.La crise financière que traversent les plus grandes économies aura permis de mettre en évidence, une fois de plus, que le modèle financier reposant sur la spéculation et l'usure est voué à l'échec. D'un autre côté, le printemps arabe et les changements politiques au sein du Maghreb laissent entrevoir de nouvelles perspectives économiques. Ainsi le Maroc, sous l'impulsion d'un nouveau gouvernement, semble s'engager vers la finance islamique. «Le Maroc doit rattraper le retard par rapport aux autres pays du Moyen-Orient et d'Asie du Sud-Est en matière de développement de l'assurance islamique, qui pèse près de 12 milliards de dollars en 2011» souligne Mohamed Boulif, consultant à Al Maalya Islamic Finance Consulting & Training. Ce retard a été jusque-là dû à un manque de volonté de la part du royaume plus qu'autre chose car en réalité «le cadre réglementaire actuel peut faire l'affaire» précise Azzeddine Benali, responsable à la direction des assurances et de la prévoyance sociale au ministère de l'Economie et des Finances, mais selon lui «il faut le réviser en s'assurant qu'il n'affectera en rien l'assurance conventionnelle». «Il s'agit de bien comprendre les fondamentaux de ce système avant de passer à la relecture de la réglementation en vigueur» poursuit-il. Une assurance étique Dans le détail, le schéma de «Takaful» consiste en un système dans lequel un groupe de personnes (participants) contribue mutuellement à un fonds commun (fonds de «Takaful») dans l'objectif de s'octroyer une assistance mutuelle sous forme d'indemnité si un sinistre devait affecter un membre. Le terme «Takaful» est dérivé de la racine «Kafala» qui signifie entre autres «garantie». Certes, l'assurance conventionnelle partage le même objectif de protection des assurés. Seulement, elle contient des éléments importants prohibés en Islam dans son mode opératoire. Il s'agit du «Gharar» (incertitude), du «Riba» (intérêt) et du «Maysir» (jeu de hasard). Trois principes négatifs interdits par la Charia.«Le “Gharar” peut avoir plusieurs connotations : incertitude, tromperie, risque, hasard ou encore ignorance. Ainsi, dans le cadre de l'assurance conventionnelle, l'opérateur réalise des profits nés de l'incertitude inhérente au contrat», explique Mohamed Boulif. Le «Maysir», qui est la prise de risque induite par le contrat lui-même (risque contractuel), entache lui aussi le mode opératoire des assurances conventionnelles. En général, il va de pair avec le «Gharar». Quant au «Riba», il est présent, en général, dans les opérations d'investissement des primes versées par les preneurs d'assurance (bons du Trésor ou obligations). Quoique pour être compatible avec la Charia, le portefeuille d'investissement ainsi que toutes les opérations de placement ne peuvent contenir des éléments d'intérêt. Une disposition difficile à mettre en œuvre, surtout que le gros des placements s'opère via des Bons du Trésor à «intérêt». Un passage obligatoire Cela dit, les experts voient d'un bon œil le développement de «Takaful» dans le Royaume. «Le marché national de l'assurance, qui est le deuxième d'Afrique en terme de dynamisme et le plus développé dans le Maghreb, devrait voir émerger l'un des plus grands marchés de «Takaful» dans la région du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord», assure Mohamed Ali Mrad, fondateur et PDG de MENA Finance, première société de conseil d'affaires islamiques en Afrique du Nord. Car in fine, il s'agirait pour le Maroc d'un passage obligatoire afin de drainer d'avantage l'épargne locale et d'obtenir davantage d'investissements provenant des pays arabes et notamment ceux du Golfe, qui détiennent des réserves d'argent faramineuses.Le centre financier international (CFC), dont l'activité débutera en 2014, favoriserait, de son coté, la création de banques islamiques et encouragerait les investissements étrangers. Le Maroc pourrait donc devenir le âys incontournable de la finance islamique régionale. Mais, il devra impérativement mettre en place une réglementation dédiée à ce secteur pour en drainer une bonne partie. Rappelons que, pour l'instant, le seul hub de finance islamique existant est représenté par l'Indonésie et la Malaisie.