A analyser de près les grandes lignes de la nouvelle feuille de route de Benkirane (soumise aujourd'hui à l'approbation du parlement), se rapportant notamment à toutes les formes de rente et d'argent mal acquis, il ressort un véritable plan de bataille pour le plan quinquénal 2012-2016. Les dés sont jetés. Pour prétendre concrétiser sur le terrain les 5,5% de croissance projetés sur le quinquennat 2012-2016, la vraie marge de manœuvre dont dispose Benkirane et ses troupes est de s'attaquer aux racines du mal, à savoir l'argent mal acquis (corruption, fraude fiscale…), surtout dans un contexte tourmenté par la crise mondiale. L'équipe Benkirane a du pain sur la planche. «Gagner de 1 à 2% de points de croissance sur le moyen terme en s'attaquant à la corruption et aux poches de l'économie de rente serait extra-ordinaire», assure Abdesslam Seddiki, membre du comité central du PPS. n Licences, agréments… Fini le méli-mélo? A commencer par les licences de pêche hauturière, d'exploitation de carrières et autres agréments de transport. Concernant ce lourd dossier, « l'offensive » gouvernementale consiste à clarifier les règles du jeu et à opter pour plus de transparence. Tout cela sans oublier de mettre de l'ordre dans ces activités juteuses en «sachant qui possède quoi», pour reprendre les termes de Seddiki. Aussi,désormais tout acte d'octroi de licences devra transiter obligatoirement par un appel d'offres garantissant l'égalité des chances. Et tout soumissionnaire sera tenu de présenter un cahier des charges définissant strictement les spécifications et les fonctionnalités de base. S'agissant des agréments de transport, il est fort probable, selon les premières indiscrétions, de revoir à la hausse leur nombre tout en privilégiant la règle de l'équilibre entre l'offre et la demande. Il est promis aussi à ce titre là d'assurer l'égalité des chances marquant ainsi une rupture totale avec l'ordre établi jusqu'à présent. Une loi de Finance 2012 « insignifiante » A ceux qui s'attendent à des réformes fiscales consistantes pour l'exercice comptable 2012, Seddiki répond: « Les mesures prévues au titre de la loi de Finances 2012 sont insignifiantes ». Le message est clair. Aucun sacrifice au niveau de l'IS, de la TVA ou encore de l'IR ne sera concédé courant 2012. S'agissant de la fiscalité locale, rien n'a été signalé jusqu'à présent. En revanche, les efforts seront concentrés davantage sur la fraude et l'évasion fiscale. Les mesures et les actions de restriction de contrôle seront renforcées davantage en vue de récupérer les impôts non collectés et qui seraient évaluées à près de 10 milliards de dirhams selon des sources officieuses. Encore faut-il réussir à rétablir la confiance entre l'administration et le contribuable, sachant que nous sommes parmi les champions du monde en termes de pression fiscale. Et là encore, les recommandations de l'institution de Breton Woods sont significatives : « Les pays en développement ont tout intérêt à instaurer des systèmes et des institutions juridiques adaptées pour pouvoir récupérer ces capitaux, en tenant compte de leurs propres réalités politiques, économiques et sociales », notent les experts. Les marchés publics versplus d'assainissement Autre terrain miné, les marchés publics. Ce grand chantier, à lui seul, concentre l'essentiel des doléances des entrepreneurs marocains. À leur tête la CGEM qui n'a cessé de crier au sandale. La coalition envisage sérieusement de mettre un terme à l'anarchie qui règne dans ce domaine. Elle entreprend d'assainir les modes de passation des marchés publics. Dorénavant, les marchés estimés à plus de 60 millions de dirhams feront l'objet d'un audit de gestion et de réalisation. Plus encore, les PME auront leur part du gâteau. Qu'en est-il de la préférence nationale et des propositions du patronat de porter à 30% la part accordée au tissu entrepreneurial national? Lutter contre une corruption endémique Lutter contre ce virus ne semble pas être un exercice de tout repos. Le plan quinquennal prévoit de gagner un demi ou un point de croissance rarissime sur ce grand dossier. Il est prévu donc de serrer les vis en amont et en aval en renforçant le dispositif juridique, les mesures de contrôle et en activant le bouton des poursuites judiciaires. La mise en application des conclusions de la cour des comptes et le durcissement de la reddition des comptes ne sont pas en reste. Il est aussi un terrain glissant dont un lobby dicte les lois en l'absence de toute instance de régulation, c'est l'immobilier. Là aussi il y a lieu de développer la gouvernance foncière. De sorte à corriger à la baisse le niveau jugé anormal des prix. Réduire les disparités salariales La bonne gouvernance passe inéluctablement par la garantie de l'égalité des chances et de le fait de privilégier la compétence à tout autre indicateur. Aussi, Benkirane entreprend de réduire progressivement les disparités salariales pour les porter à un rapport de 1 à 15 au lieu de 1 à 25 actuellement.