Après quatre mois de détention préventive, Mouad Belghouate, alias El Haqed a retrouvé sa liberté jeudi vers 15 heures. Les supporters de sa cause parlent d'une demi-victoire sur une justice « corrompue ». Des interrogations sur l'après Mouad demeurent, du coup, d'actualité. Eclairage. Des mains levées en signe de victoire, des applaudissements mais surtout, une objection catégorique et générale devant le juge d'instruction. La salle 8 du tribunal d'Aïn Sebaâ a connu jeudi vers 13h00 la présence de quelque milliers de personnes qui criaient tous la liberté de Mouad. Même fatiguée d'un procès qualifié de « kafkaïen » entamé début septembre, la foule scande sans relâche : « Vive le peuple, vive le peuple, vive le peuple… ! ».Quelques minutes plus tard, le verdict tombe : « Mouad Belghouate est libre mais nous retenons le délit de coups et blessures», dit le juge. Résultat: 4 mois de prison ferme et 500 DH d'amende. Ces quatre mois là, Mouad les à déjà purgés. Il est donc libre. Les personnes présenets à l'audience dont une majorité de militants du M20F sortent du tribunal et courent aussitôt vers la prison d'Oukacha pour accueillir leur héros. Vers 15 heures, armés de bouquets de fleurs et de sucreries, familles, amis et fans de Mouad sont au rendez pour lever sur leur épaule l'icône d'une liberté arrachée. Mouad retrouve les siens et d'une voix rauque annonce son retour célébré: « Il n'y aura aucun retour en arrière. Vive le peuple. Grâce au rap, je suis engagé pour le peuple et pour ses problèmes. Nos revendications sont inchangées ». Pour ce qui est du plaignant, Mohamed Dali alias Taliany, et tous ceux qui ont accusé Mouad, le sort est autre. « Il n'y aura aucun retour en arrière. Vive le peuple. Grâce au rap, je suis engagé pour le peuple et pour ses problèmes. Nos revendications sont inchangées ». Mouad va faire appel Interrogé sur ce verdict « paradoxal » qui, à la fois, libère et maintient quelques accusations contre Mouad, son avocat Omar Benjelloun, explique : « Le juge a essayé comme il le pouvait de gérer l'ingérable. Il a tenté de prouver que la justice est cohérente. Il a innocenté Mouad sur le délit des menaces. Le juge lui-même était convaincu de l'innocence de Mouad mais il a retenu le délit des coups et blessures pour sauver les meubles ». Le juge était pris dans un dilemne. Innocenter Mouad signifiait remettre en cause la compétence du juge, de la police judiciaire et celle de la justice marocaine en totalité. « Nous allons faire appel pour plaider l'innocence et l'acquittement de Mouad, enchaîne Omar. La libération de Mouad est acquise mais reste à faire dire à la Cour que Mouad est innocent et il n'y a pas lieu de coups et blessures. Nous poursuivons d'ailleurs notre enquête à ce sujet. » Pour ce qui est du plaignant, Omar Benjelloun estime qu'il doit être sévèrement poursuit. « Une fois que la justice aura reconnu l'innocence de Mouad, Mohamed Dali sera traduit en justice car il a commis un délit très grave qui est la dénonciation calomnieuse ! ». «Le grand pas vers l'indépendance de la justice verra le jour quand la Cour d'appel donnera l'innocence et l'acquittement à Mouad. ».Omar Benjelloun, avocat de Mouad Les autres énigmes de l'affaire La nuit de l'incident, le 9 septembre, au commissariat de police, Mouad, qui voulait déposer une réclamation, se retrouve avec une plainte déposée contre lui, certificat médical à l'appui. Le plaignant avait parlé d'un coup qui l'aurait mis dans un état comateux et ne s'est réveillé que le lendemain. « Le certificat médical reste un mystère. Il a été rédigé alors que Taliany était dans le coma. Et quand on lui demandait des explications, Taliany jouait la carte de l'amnésie, c'est très louche », nous révèle l'avocat. Autre énigme, les témoins de Dali. « Ils étaient 4 à témoigner. Las de mentir, ils ont fini par ne plus assister aux audiences. Ils ont dû payer 5 000 DH d'amende pour cela. Le seul témoin qui est resté jusqu'au bout a lui aussi sombré dans des contradictions et a fini par faire lui aussi l'amnésique », nous raconte Me Benjelloun. Pour l'avocat, la libération de Mouad est une petite victoire pour la rue mais aussi pour la justice car les juges n'ont pas pu, à défaut de contre-preuves, condamner Mouad. « Il y a eu irrespect flagrant de la justice et de la loi. Ce procès a été entaché par de nombreuses contradictions par rapport au code pénal. Arguments aléatoires, démonstrations vides de logiques. Cela frôlait l'incompétence et la faute professionnelle », témoigne l'avocat d'El Haqed. Tout en se félicitant de ce grand pas de la justice vers plus d'indépendance : « Nous voulons que 2012 démarre avec un avant et un après Mouad. Les Marocains doivent renouer avec la justice comme ils sont en train de le faire avec la politique. Le grand pas vers l'indépendance de la justice verra le jour quand la Cour d'appel donnera l'innocence et l'acquittement à Mouad», conclut Omar.