L'Instance centrale de prévention de la corruption prépare sa mue. Nouveau statut, nouvelle offensive pour renforcer son action contre la corruption. Cependant, les moyens financiers alloués à l'instance sont jugés, par son président Abdeslam Aboudrar, très maigres. Entretien. Vous avez plaidé récemment en faveur de la création des tribunaux spécialisés dans les délits de corruption. Ces tribunaux garantiront-ils plus de justice ? Le ministère de la Justice a procédé à la création des Chambres spécialisées dans les crimes financiers au niveau de quatre Cours d'appel. L'ICPC espère à travers cette initiative instaurer une justice spécialisée en la matière pour mettre fin à l'impunité qui constitue l'une des causes du phénomène de la corruption. Cette justice spécialisée exige l'adaptation de la procédure d'instruction et d'enquête avec les spécificités des différentes catégories de délits, la création d'une police judiciaire spécialisée, l'affectation d'un parquet spécialisé et l'adoption par le juge d'instruction des procès-verbaux établis par les officiers de la police judiciaire ainsi que des rapports d'expertise et de perquisition, le cas échéant. Elle peut également faire appel aux services des huissiers de justice ainsi qu'à d'autres organismes spécialisés dans les aspects techniques des affaires de corruption. En outre, elle nécessite la promotion de la formation et le renforcement des capacités des différents intervenants, l'élargissement de l'arsenal juridique pénal doublé d'une mise à niveau des mécanismes de travail de la justice spécialisée. Aujourd'hui, l'enjeu est de pouvoir former des magistrats capables de mener à bien cette mission, d'accélérer le rythme et de promouvoir la qualité de traitement des dossiers liés aux crimes financiers. Vous déplorez également le manque de moyens qui vous empêche d'appliquer votre stratégie, notamment la réalisation des campagnes de sensibilisation des citoyens aux dangers de la corruption. Quel est le budget de l'ICPC ? Et d'après vous, quel est le montant des moyens requis pour que l'ICPC puisse accomplir ses missions ? Il convient de rappeler que l'ICPC a élaboré une stratégie de communication pour sensibiliser l'opinion publique aux effets néfastes de la corruption en expliquant ses différentes formes, ses causes et ses conséquences. Nous avons retardé la mise en œuvre de cette stratégie en raison du manque de moyens financiers alloués à ce jour à l'ICPC sachant que le lancement d'une campagne de communication à l'échelle nationale exige un budget important. Le budget alloué à l'ICPC, que ce soit en 2010 ou en 2011, est de 15 millions DH. Au niveau du plan d'action 2012, l'ICPC met en priorité la mise en œuvre de sa stratégie de communication à la lumière des perspectives positives qui s'annoncent. « L'ICPC est en phase de préparation d'un document sur les propositions prioritaires pour renforcer les efforts déployés par le Maroc en matière de lutte contre la corruption ». L'ICPC aura un nouveau statut. Quelles seront les nouvelles prérogatives de l'instance ? Es- ce que le nouveau statut lui accordera plus de pouvoir d'action ? Le nouveau statut de l'Instance nationale de probité de prévention et de lutte contre la corruption octroyé à l'ICPC par la nouvelle Constitution lui permettra de consolider ses missions de prévention et de lui attribuer de nouvelles missions, à savoir l'investigation et l'auto-saisine afin de faire face aux différentes formes de corruption. Ce nouveau statut va également accorder à l'Instance une prérogative d'encadrement horizontal des efforts entrepris à l'échelle nationale pour prévenir et lutter contre la corruption, par le biais d'une stratégie nationale en lui gardant l'aptitude d'en évaluer l'exécution. Le gouvernement Benkirane a annoncé que la lutte contre la corruption sera une priorité pour lui. Est- ce que vous avez discuté avec le nouveau gouvernement de l'approche à adopter pour renforcer la lutte contre ce phénomène ? L'ICPC est en phase de préparation d'un document sur les propositions prioritaires pour renforcer les efforts déployés par le Maroc en matière de lutte contre la corruption, notamment l'adoption des textes d'application relatifs à certaines lois existantes et la promulgation d'autres lois à savoir celles relatives à l'accès à l'information, aux conflits d'intérêts et à la révision de la loi sur la déclaration du patrimoine… Ces propositions portent également sur la nécessité d'une application effective de la loi qui se traduit par des poursuites judiciaires et des sanctions à l'encontre des personnes impliquées dans des affaires de corruption. De plus, lesdites propositions visent à ancrer la dimension stratégique dans toute politique de lutte contre la corruption, à améliorer la gouvernance dans les secteurs public et privé et à promouvoir les valeurs d'intégrité et de lutte contre la corruption à travers des campagnes de sensibilisation.