Le Maroc accuse un grand retard en matière de greffe d'organes. Manque d'information et de sensibilisation de la population, manque de moyens financiers…Eclairage avec Amal Bourquia, présidente de l'association REINS. La première greffe rénale au Maroc, réalisée avec un donneur vivant, remonte à 1986. Vous organisez samedi prochain une rencontre-débat autour de la sensibilisation sur le don et la greffe d'organes au Maroc. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ? L'opinion publique est-elle suffisamment sensibilisée quant à l'importance du don d'organes ? La greffe d'organes s'entoure d'un ensemble de représentations culturelles autour de la perception du corps, du don et de la mort. L'enquête que nous avons menée au sein de notre association, a révélé que la majorité des personnes interrogées est favorable à la greffe d'organes (85%) avec un manque de sensibilisation terrible. Les principaux résultats de cette enquête sont la méconnaissance des prélèvements et des greffes d'organes, l'absence d'informations sur la pratique de la greffe rénale au Maroc, l'ignorance des techniques utilisées, des types de donneurs, l'absence de toute information sur la législation. Nous avons constaté également une attitude globalement favorable vis-à-vis du don et de la greffe d'organes et ce malgré la méconnaissance du sujet. Autre constat : des croyances erronées et des peurs vis-à-vis de l'insécurité de la technique. La diffusion d'une information simple et accessible de même que l'implication de la population marocaine en général et médicale en particulier, deviennent une nécessitée pressante. La raison religieuse revient souvent sur les bouches des personnes qui refusent de faire don de leurs organes. Le rôle des ouléma est très important pour informer et éclairer la population sur ce que dit l'islam à ce sujet. Que pouvez-vous nous dire sur l'action de nos oulémas ? L'ensemble des confessions est aujourd'hui d'accord pour ne pas s'opposer au don et au prélèvement d'organes. La perception du don d'organes pourrait ainsi bénéficier du message de l'Islam qui n'est pas un obstacle aux prélèvements à but thérapeutique, bien au contraire. C'est ainsi que dans certains pays musulmans, tel qu'en Arabie Saoudite, la greffe rénale a pu faire d'énormes progrès ces dernières années avec une augmentation régulière du nombre des greffes. Il nous reste à engager le dialogue entre les religieux, le corps médical, les responsables et tous les acteurs de la société pour explorer ensemble les attitudes que nous pouvons adopter tenant compte de l'identité nationale. Quelles sont les greffes d'organes qui se font au Maroc ? Il n'y a que la greffe des reins qui s effectue au Maroc.La première greffe rénale réalisée au Maroc remonte à 1986 avec un donneur vivant. L'opération a été menée avec une aide étrangère. C'est en 1990 que la première greffe rénale avec une équipe marocaine a été réalisée. En 2011, 151 greffes ont été effectuées à partir de donneusr vivants et 4 à partir de sujet en état de mort cérébrale . Est-ce suffisant ? Environ 5 greffes par million d'habitants et 7 par an depuis 1990, des chiffres dérisoires comparés à la demande. Quelles sont les raisons qui freinent le développement de la greffe d'organes au Maroc ? D'énormes disparités existent et continueront d'exister entre les patients selon leur niveau socioéconomique et la présence ou non d'une couverture médicale. La greffe rénale s'est imposée comme la solution la plus intéressante à plus d'un titre : coût financier inférieur à celui de la dialyse dès la première année et l'offre d'une meilleure qualité de vie. L'accès à la greffe est limité par de nombreux obstacles. Il n'y a pas suffisamment de fonds débloqués pour la greffe alors que des sommes importantes l'ont été pour la dialyse et une couverture sociale qui reste insuffisante. Problème de choix politique dans un pays qui n'a pas encore éradiqué les maladies des pays pauvres et qui se trouve actuellement contraint de faire face à des thérapeutiques nouvelles et sophistiquées telles que la greffe rénale.Comment développer la pratique des greffes dans un pays avec des ressources limitées et où les décideurs tentent de rationaliser les coûts. des questions d'ordre éthique s'imposent à nous. Une réflexion nationale, avec l'implication de tous les acteurs, s'avère nécessaire pour optimiser les dépenses et tracer une stratégie pour le futur où la greffe rénale apparaît comme une alternative indispensable.