La 9e édition de la biennale des Rencontres de Bamako, qui siègera jusqu'au premier janvier dans la capitale malienne, réunira 27 pays autour d'un thème de taille : « Pour un monde durable ». La plus grande biennale africaine de photographie et vidéo se poursuit sous le signe du militantisme écologique. Le thème de cette année, « Pour un monde durable », fait suite aux différents cinquantenaires d'indépendance fêtés en 2010 par un grand nombre de pays africains, un bilan propice pour porter un regard critique sur les acquis des nations africaines. Les enjeux écologiques se taillent une place grandissante dans le quotidien africain, et des préoccupations telles que le réchauffement climatique, le tarissement des ressources minières et alimentaires, le déboisement des forêts ou la pénurie d'eau sont aujourd'hui au centre de l'équilibre du continent. Le budget alloué à cette biennale est conséquent — plus d'un million d'euros (dont la majeure partie en provenance de l'Institut français et de l'Union européenne) —, et les noms des participants pèsent lourd. Photographes et vidéastes, venus de 27 pays différents, dénoncent et tentent, à leur manière, de bâtir en images ce monde rêvé. La fine fleur de l'Afrique Notons les pépites photographiques à forte charge dramatique : Georges Osodi, héritier de Gordon Park, est un militant confirmé et dégaine une brutalité puissante dans Oil rich Niger Delta, en se penchant sur la question du pétrole, fléau social qui représente plus de 90 % des revenus du pays. Dans Erreur Humaine, Nyaba Léon Ouedraogo s'est rendu au Ghana où existe l'une des plus grandes décharges de déchets électroniques, celle d'Agbogbloshie Market. Dans cette région, les machines sont brulées par des enfants qui récupèrent à la main et sans aucune précaution. Des vidéos réalisées en Tunisie par Faten Gaddes, Liberté quand tu nous tiens, et en Egypte par Khaled Hafez, Field Statements, ont proposé un montage de photographies, vidéos et dessins inspirés par le Printemps arabe. Autre temps fort des Rencontres, l'exposition poétique de Nii Obodai, un essai documentaire entre critique et célébration, traversé de questionnement sur la confrontation entre culture historique et présent. Des photos qui prennent des allures de visions où se mêlent l'équilibre de la pensée et l'abstraction du lyrisme. Autres pépites visuelles, celle de Roberto Stephenson (Haïti), face au séisme du 12 janvier 2010, où il isole les tentes des rescapés, métamorphosées en voiles de bateaux, et de François-Xavier Gbré (Côte d'Ivoire-France), qui a sillonné les endroits paumés, s'y sentant comme chez lui. Parmi les autres figures présentes, citons Pieter Hugo, grand nom de la photographie arficaine, lauréat du prix Seydou Keïta pour sa série sur le bidonville d'Agbogbloshie, qui était sur les lieux pour donner sa masterclass, en sus d'un workshop. L'Afrique du Nord en clichés Les photographes venant du Maroc, d'Algérie, d'Egypte et de Tunisie se sont joints aux rangs des artistes africains revendicateurs. Khalil Nemmaoui, lauréat du prix de l'Organisation internationale de la Francophonie (attribué au meilleur photographe francophone avec une dotation de 1500 €), a signé un travail sur la pérennité de la végétation, dans une série de portraits d'arbres résistants, isolés et magnifiés, dans une nature civilisée. La Marocaine Ymane Fakhir, elle, a rassemblé trousseau, torchons, perles, verres à thé, dévoilant « la persistance d'un modèle, conditionnant cet enfant que j'étais à devenir une femme ». Du côté de la Tunisie, la talentueuse Mouna Karray avait photographié, il y a quelques années, les vendeurs ambulants de Niamey. Les négatifs sont restés en boîte jusqu'en janvier dernier, quand l'immolation d'un autre vendeur ambulant a embrasé son pays, puis l'ensemble du monde arabe. Des vidéos réalisées en Tunisie par Faten Gaddes, Liberté quand tu nous tiens, et en Egypte par Khaled Hafez, Field Statements, ont proposé un montage de photographies, vidéos, dessins inspirés par le Printemps arabe. Nermine Hammame, décapante photograhe égyptienne, a exprimé avec humour et audace sa vision, dans Upekkha. Elle a immortalisé, à sa manière, le soulèvement populaire en Egypte. Ses images montrent différentes formations de foules, où les plans rapprochés montrent que seuls les individus constituent ces foules compactes. Le talent primé Dans la foulée des travaux denses et décisifs, la biennale, toujours prête à reconnaître la créativité contemporaine du continent, a décerné les prix suivants : Prix Seydou Keita à Pieter Hugo (Afrique du sud), Prix Fondation Blachère à Khaled Hafez (Egypte), Prix Casa Africa à Elise Fitte-Duval (Martinique), Prix du jury à Jehad Nga (Lybie), Prix de l'Union européenne à Nyani Quarmyne (Egypte) et Nyaba Léon Ouedraogo (Burkina Faso) et Prix de l'Organisation internationale de la Francophonie à Khalil Nemmaoui ( Maroc). La photographie contemporaine africaine semble sur la bonne voie.