Alors que Abdelilah Benkirane nous avait promis l'annonce du gouvernement pour hier, voilà que le parti de l'Istiqlal fait des siennes, et ne veut pas perdre le ministère de l'équipement et du transport. Au Maroc, la (mauvaise) pratique politique n'est décidément pas près de changer. « L'annonce de la structure et des ministres du prochain gouvernement sera faite au plus tard lundi ». Voici ce que nous avait promis le chef du gouvernement Abdelilah Benkirane, samedi à la sortie d'une réunion de la commission du PJD chargée d'accréditer les candidats ministrables. Mieux encore, contacté dimanche par Le Soir échos, l'économiste en chef du PJD, Mohamed Najib Boulif, nous avait promis la révélation du gouvernement, dans « quelques heures ». Entre-temps, la liste des ministres a été présentée au roi, et d'aucuns n'attendaient plus que son aval. Mais coup de tonnerre, dimanche soir, à la suite d'une réunion tenue entre Abdelilah Benkirane et les cadres du parti de l'Istiqlal, ces derniers ont décidé.- rien de moins – de bloquer le processus. L'Istiqlal a beau crier au caractère unilatéral des décisions prises par le chef du gouvernement, le motif reste que la bagarre autour d'un portefeuille ministériel, celui de l'Equipement et du transport. Un dirigeant d'un parti de la majorité souhaitant garder l'anonymat fait part de sa déception. « Il y a eu une petite divergence sur un portefeuilles ministériel : celui de l'Equipement et du transport », nous précise-t-il, avant d'ajouter : « Tout cela va finir par s'arranger ». Tout est de savoir quand. D'autant que les rumeurs vont bon train et qu'aucune information valable n'est pour l'heure disponible. Du côté des « lampistes », c'est le silence radio, aucun des dirigeants contactés par Le Soir échos n'a souhaité faire de déclaration, sous prétexte qu'ils ont reçu des consignes. C'est le cas de Mustapha El Khalfi, pressenti pour occuper le ministère de la Culture et de l'information. « Je ne suis pas habilité à vous faire de déclaration », nous lance-t-il. Même son de cloche de la part de Mohamed Najib Boulif : « Je serai direct avec vous, Monsieur le secrétaire général du parti nous a donné comme consigne de ne pas commenter le sujet », déclare-t-il. Cela a au moins le mérite d'être clair. Akhannouch à la rescousse ? Alors que le flou artistique plane sur la formation du futur gouvernement, des rumeurs, et non des moindres, font état d'un éventuel ralliement de Aziz Akhannouch à la future équipe gouvernementale. Selon le portail d'information www.rue20.com, l'ex-ministre de l'Agriculture serait sur le point de former une équipe parlementaire d'une soixantaine de députés, pour la totalité membres de l'UC (Union Constitutionnelle) et du RNI (Rassemblement national des indépendants) et ce, pour parer à l'éventualité d'un retrait de l'Istiqlal de la majorité. Une réunion aurait eu lieu entre Akhannouch et les leaders de l'UC dans la matinée du lundi. Le site internet relève aussi l'absence du président du RNI, Salaheddine Mezouar, lors des négociations. Pour rappel, l'ex-ministre de l'Agriculture a été le seul membre du RNI a être approché par Abdelilah Benkirane aux lendemains des résultats des Législatives, dans le but de le convaincre de garder son porte-feuille de l'Agriculture. Premiers déchirements Face à ce capharnaüm gouvernemental, aucun des istiqlaliens que Le Soir échos a tenté de joindre n'a pris la peine de répondre. Et pourtant, le problème provient de ce parti-là. Oubliée la courte lune de miel qui a vu Karim Ghellab se faire élire président de la Chambre des représentants, en grande partie grâce aux députés Pjdistes ; exit aussi les images de ce même Ghellab tombé dans les bras, durant un long moment, de Abdelilah Benkirane ; presque un mois après la nomination du chef du gouvernement, voilà qu'on assiste aux premiers « déchirements » de la majorité, dont certains observateurs commencent à douter de la pérennité. M'hamed El Khalifa, un des cadres du parti historique, a déclaré qu'il était du droit de son parti de récupérer la part (du gâteau) qui lui revient, c'est dire, tout le chemin qu'il reste à parcourir pour que nos partis politiques cessent leurs mesquines bagarres de portefeuilles ministériels, à défaut de défendre une vraie majorité, porteuse d'un vrai projet de société. On en est évidemment bien loin. Exit la communication à outrance Bien avant le blocage du PI, la structure du gouvernement ainsi que la liste des ministres avaient été présentées au roi, samedi soir. Ce qui constitue, théoriquement, la dernière étape avant l'annonce officielle du gouvernement. Pendant ce temps, les points de presse du chef du gouvernement, quasi quotidiens il n'y a pas si longtemps, se font de plus en plus rares. Benkirane commence à goûter aux affres de la politique marocaine, et se fait automatiquement beaucoup moins bavard qu'auparavant. La révolution communicationnelle du PJD bute sur la loi de l'omerta, redevenue la règle. Et le grand perdant n'est autre que le citoyen marocain. M'hamed El Khalifa, un des cadres du parti historique, a déclaré qu'il était du droit de son parti de récupérer la part (du gâteau) qui lui revient. Le Maroc a adopté une nouvelle Constitution, censée augurer de pratiques politiques nouvelles, dans le but de rétablir la confiance entre le citoyen et les hommes politiques. Mais alors qu'on nous promettait un gouvernement fort, on assiste à une désunion de la majorité, avant même l'annonce de sa composition. Ce qui n'augure rien de bon pour la prochaine législature. Les ministres-députés démissionnent La loi marocaine stipule que les ministres ayant été élus députés ont un délai de 30 jours pour présenter leur démission au roi. En d'autres termes, 11 députés du gouvernement, en fin de mandat, ont dû déposer leur démission ce week-end, puisque la date butoir était fixée au 25 décembre à minuit. Les ministres démissionnaires ne sont autres que Nizar Baraka, Mohammed Ameur, M'haned Laenser, Yasmina Baddou, Salaheddine Mezouar, Anis Birou, Nouzha Skalli, Driss Lechgar, Ahmed Reda Chami et Aziz Akhannouch.