Le 6 décembre dernier, Chanel a présenté au Grand Palais, sa collection consacrée aux métiers d'art, un hommage au savoir-faire des sept ateliers rachetés par le couturier depuis 1996. Dans un Grand palais transformé en palais de maharaja, autour d'un banquet presque irréel, la maison Chanel nous a entraînés dans une Inde sublimée avec son défilé Paris-Bombay qui succède aux emblématiques Paris-Miami, Paris-Moscou, Paris-Shanghai ou encore Paris-Byzance. Une vision poétique de l'Inde « C'est une idée de l'Inde. C'est davantage Chanel que l'Inde. C'est la version parisienne d'une Inde qui n'existe pas » a expliqué Karl Lagerfeld, directeur artistique de la célèbre maison de couture de la rue Cambon. Cette idée de l'Inde n'a pu s'exprimer que grâce au savoir-faire d'exception des ateliers Chanel, passés maîtres dans l'art de la broderie, de la maroquinerie ou de l'orfèvrerie. C'est ainsi que le brodeur Lesage, le plumassier Lemarié, le chapelier Michel, le brodeur Montex, le bottier Massaro, le parurier Desrues ont participé à la naissance de cette collection qui mêle aux codes de la maison Chanel (tweed, colliers de perles, jeu de noir et blanc) le faste des étoffes et la magie des gemmes. C'est ainsi qu'une robe en tweed brodé d'or affiche des manches kimono ou peinte d'un semis de fleurs, que les blousons présentent des épaulettes diamantées, que des atchkan (vestes de brocard à col Nerhu) se métamorphosent en une succession de propositions (manteau brodé d'or à pinces et fourragères perlées, manteau blanc à plastron et poches brodées miroir, manteau à martingale à pinces et col galonnés de perles baroques,…). Des boutons-bijoux, des bindi apposés sur les fronts, des touches de rose indien, des cuissardes en cuir se font complices des matières les plus luxueuses : satin duchesse, soie, brocart, crêpe, tweed. Paraffection : la fine fleur des métiers d'art Un bel hommage que Chanel rend depuis 2003 à des métiers qui contribuent à la préservation d'un patrimoine en voie de disparition. En dehors du calendrier traditionnel des collections de prêt-à-porter et de haute couture, ce défilé des « Métiers d'Art » fait la lumière chaque année sur les savoir-faire exceptionnels des 7 ateliers rachetés progressivement par Chanel à partir de 1997 au sein d'une filiale qui porte le joli nom de « Paraffection » : les maisons Lesage (broderie), Desrues (Parurier), Lemarié (Plumassier), Michel (chapelier), Massaro (bottier), Goossens (orfèvre) et Guillet (Fleuriste). Ces ateliers ont tous contribué au mythe Chanel : Lemarié a toujours fabriqué les fameux camélias qui ornent les créations du couturier tandis que Massaro dessina pour Mademoiselle Chanel la célèbre sandale beige à bout de satin noir. La broderie en deuil Le célèbre brodeur François Lesage s'est éteint à l'âge de 82 ans, le 1er décembre dernier, des suites d'une longue maladie. Ce grand monsieur a bousculé l'univers traditionnel de la broderie en imposant des nouvelles techniques, des reliefs plus imposants et des matières inédites. Son atelier était entré en 2002 dans la galaxie Chanel. «Je ne conçois pas de mode sans broderie, et pas de broderie sans Lesage», avait dit de lui Karl Lagerfeld. La collection Paris-Bombay est la dernière collection sur laquelle le brodeur a travaillé. Dans le quotidien français Les Echos du 27 novembre 2006, Bruno Pavlosky, président de la division mode de Chanel expliquait : «L'enjeu est de sauvegarder ces savoirs à Paris, à proximité de nos studios de création. Nous ne rachetons que des ateliers qui ont une vraie viabilité économique, et que nous encourageons à se diversifier. Il n'est donc pas question d'exclusivité. En contrepartie, nous les dégageons des contraintes administratives et logistiques, ce qui leur permet de se consacrer à la création».