Invitée le 1er novembre par l'Institut Cervantès de Rabat, Maria Teresa Fernandez de la Vega, conseillère permanente auprès du Conseil d'Etat espagnol, a séduit le public. Son discours visant notamment à démontrer la suprématie du politique sur l'économique. A peine a-t-elle franchi le seuil de la salle de conférences de l'Institut Cervantès de Rabat, ce mardi 1er novembre, qu'un silence envahit la salle. De manière instantanée. Dos droit, regard fier et crinière blonde bien disciplinée, Maria Teresa Fernandez de la Vega* impose le respect. Cette femme politique espagnole, âgée de 62 ans, a combattu l'inégalité et la discrimination envers les femmes, et a collaboré activement dans le mouvement féministe de la transition. En 1984, elle rejoint le premier Conseil d'administration de l'Institut des femmes et participe à l'élaboration du premier Plan d'égalité des chances. Elle est toujours en première ligne quand il s'agit de représenter la femme dans les hautes sphères du pouvoir (magistrate, porte-parole du gouvernement), ou de défendre les droits de celle-ci, souvent bafoués. Féministe, en filigrane Pourtant, à aucun moment, on ne voit en elle une « chienne de garde ». Féministe invétérée, certes, mais sans haine ni menaces. La défense de l'égalité hommes-femmes ne sera d'ailleurs reléguée qu'au second plan de son discours. Maria Teresa Fernandez de la Vega est avant tout venue parler de l'état du monde. « La crise financière, économique, et celle de la dette souveraine menacent les citoyens, qui la ressentent et la vivent », lance-t-elle, sans s'emporter. Des citoyens qui selon elle, « ne reçoivent pas de messages clairs sur l'avenir, toute la place étant accordée au marché ». Le coupable est tout trouvé. Si le monde va mal, c'est parce qu'il est guidé par le mauvais gouvernail. Selon celle que Carmen Caffarel, directrice des Instituts Cervantès, nommera « l'infatigable », la politique doit reprendre la place qui lui revient de droit. « Le pouvoir doit contrôler le pouvoir. La politique est un instrument nécessaire. Elle est la seule à pouvoir protéger le droit de tous, face à l'individualisme du marché ». La politique doit donc s'acharner à reprendre les rennes. Si ce n'est déjà trop tard… Une démocratie plus forte La féministe espagnole qui, nous l'aurons compris, possède bien d'autres facettes, ne cessera de dénigrer les forces sans pitié du marché. Avec une pointe d'idéalisme, elle rappelle que « les capitaux ne sont pas des fins en soi. Les marchés mondiaux doivent être au service des citoyens ». « Citoyen » est d'ailleurs un mot qui revient fréquemment à la bouche de la politicienne. « La crise nous a appris qu'il est difficile de remplacer l'Etat et la gouvernance mondiale. La participation politique a toujours été un instrument de la transformation sociale ». Remettre la politique au premier plan est, pour cette défenseur des droits de l'Homme, la seule possibilité d'un retour vers une vraie démocratie. Selon elle, le mouvement des indignés, né le 15 mai dernier en Espagne, est porteur d'espoir. « Ce mécontentement est productif. Il crée de nouvelles énergies, pour aller vers une démocratie plus solide et plus forte ». S'adressant notamment aux hommes politiques, elle les incite à « retrousser leurs manches pour faire face au marché, et protéger les citoyens de la peur du futur ». Egalement active sur le continent africain, Maria Teresa Fernandez de la Vega voit l'Afrique comme « une pièce clé du futur global. On y trouve une énorme vitalité, un torrent d'idées et d'espoir ». Elle félicite particulièrement la vague démocratique qui a envahi l'Afrique du Nord, se disant « impatiente d'envisager un monde avec une alliance des civilisations, où des valeurs universelles seront partagées ». Transition Cependant, ce glissement vers une démocratie, dans les pays arabes en particulier, ne pourra se faire sans ses femmes. « Toutes les femmes doivent faire partie de l'avant-garde de ces après révolutions, pour que leurs revendications soient placées en première ligne de la démocratie ». En d'autres termes, c'est durant cette période de transition que tout se joue pour faire valoir les droits des femmes, dans des Etats où ils n'ont pas toujours eu la place qu'ils méritaient. Maria Teresa Fernandez terminera son discours avec un conseil à l'humanité. « Il paraît que le destin est celui qui mélange les cartes, et nous jouons. Parions sur la démocratie et la citoyenneté. Si nous jouons avec ces cartes, nous allons gagner le futur ! » *Auteur de plusieurs livres et essais, dont Incidence des faillites et des suspensions de paiement dans le processus d'éviction du travail, Les procédures de faillite et les droits des travailleurs, ou encore Les Droits de l'Homme et le Conseil de l'Europe.