Dans un monde divisé et fissuré, en des temps de cynisme, de racisme et de pathologies sociales discriminatoires sans cesse exacerbées, Denise Masson faisait figure de tolérance et d'ouverture. Fervente chrétienne résidant au Maroc, elle a su traduire le Saint Coran avec une subtilité louable, et s'ouvrir à l'autre dans un respect sans borne. C'est en hommage à cette figure emblématique marrakchie, et à l'occasion du 110e anniversaire de sa naissance, le 5 août 1901, et de l'anniversaire de sa disparition, le 10 novembre 1994, que l'Institut français de Marrakech organise un hommage posthume, au cimetière européen de Marrakech, à 10 heures. Education de jeune fille bourgeoise, enfance en Algérie, immersion dans un univers culturel prôné par un père amateur d'art, Denise Masson a été bercée par l'idéalisme catholique des jeunes Françaises et a grandi dans l'élitisme, un côté qu'elle a conservé même à un âge avancé de sa vie. Abandonnant une vie de couvent entamée à l'âge de vingt ans, elle s'installe au Maroc en 1929 et s'éprend de la culture arabe. Travaillant comme infirmière dans le dispensaire antituberculeux de Rabat, elle se prend d'intérêt pour l'islam et se lance dans un apprentissage forcené de la langue arabe, classique et dialectale. Mi-chrétienne conservatrice, mi-admiratrice de l'islam et de la culture marocains, elle fait montre d'un intérêt touchant pour la marocanité et se lance dans des œuvres sociales, militant pour l'ancrage de la culture et des mœurs marocaines, à l'encontre de l'appareil colonialiste. Plus tard, elle devient directrice du dispensaire antituberculeux dans la médina de Marrakech. Prémunie contre le besoin grâce à sa fortune familiale, elle se dédie à des recherches et à des études sur les trois monothéismes : le christianisme, l'islam et le judaïsme, tentant de disséquer les plis et les replis de ces religions, leurs doctrines et leurs interdits. En 1938, elle s'installe à Marrakech, au derb Zemrane, dans le riyad qui porte aujourd'hui son nom et qu'elle ne quitte plus jusqu'à sa mort. En 1958, elle achève une traduction en français du Saint Coran, éditée en 1967 par Gallimard dans la collection de La Pléïade. Une traduction traversée par un style fluide et concis et empreinte de véritables prouesses littéraires, qui reste, jusqu'à ce jour, la plus vendue et une des plus recommandées. À ce propos, Le Nouvel Observateur indique, dans un article paru en juillet 2011, que le travail de Denise Masson a été « salué par les plus hautes autorités de l'islam comme un ‘‘essai d'interprétation du Coran inimitable''. Il fut cependant publié, sous le nom ‘‘D. Masson'', sans que soit précisé le prénom et donc le sexe de l'auteur [...] d'un ouvrage salué comme l'un des meilleurs en ce domaine ». Même dans son ascétisme profond, Denise Masson est restée fidèle au confort et au luxe de la vie. Grâce à ses parents, elle fait l'acquisition, en 1938, d'une magnifique propriété urbaine, un lieu enchanté où elle se réfugie, pour méditer et travailler, dans une réclusion quasi méditative. Un lieu d'une rare beauté qu'elle lègue, via la Fondation de France, à l'Institut français de Marrakech. Aujourd'hui, le riyad Denise Masson est ouvert à l'espace public, ayant longtemps fait figure de résidence d'écriture et de haut-lieu culturel voué aux conférences et aux évènements artistiques. Dans un monde d'artifices et d'hypocrisie, cette dame de cœur prône le dialogue et des messages de spiritualité. Une « illuminée » parmi les abonnés à l'individualisme de l'époque (et même ambiant) ? Un cœur d'or parmi les coquilles vides ? Quoi qu'il en soit, elle reste une aura toujours présente, même à titre posthume. Rendez-vous le 10 novembre à Guéliz, pour la journée en l'honneur d'une grande dame.