Pour rétablir l'ordre et la sécurité dans le pays, les nouvelles autorités libyennes doivent, à tout prix, relever le défi du désarmement des civils. Comment désarmer les civils après la guerre ? C'est la question qui taraude les nouvelles autorités libyennes depuis la proclamation de la «libération totale» du pays, dimanche dernier. Le peuple libyen, qui s'est soulevé pendant huit mois pour arriver à bout de son dictateur, doit maintenant déposer les armes. Selon l'ONG Human Rights Watch, de grandes quantités d'armes, en partie des missiles sol-air, sont dispersées dans le pays, sans supervision. Pistolets, mitraillettes, kalachnikovs, lance-roquettes, ces armes circulent librement, sans le moindre contrôle, et représentent une menace à la sécurité de la population ainsi qu'à la stabilité du pays. Prenant conscience de la situation, les responsables du Conseil national de transition (CNT) ont d'ores et déjà lancé un appel à l'endroit de toutes les milices ayant participé à la libération du pays. «La collecte a commencé à Benghazi et à Misrata depuis la proclamation de la libération du pays, et cela va continuer. Il faut que toutes ces armes soient sous contrôle», a déclaré Ahmed Bani, le porte-parole militaire du CNT. Cependant, c'est un défi qui n'est pas de toute aisance car nul ne sait la quantité exacte d'armes en circulation, ni le nombre total de combattants qui en détiennent. Et les tensions entre politiques et militaires au sein du CNT n'arrangent pas non plus la situation. Mais les nouvelles autorités libyennes comptent sur le bons sens de leurs combattants pour relever le défi. Un processus basé sur le volontariat est actuellement en cours dans les différentes régions du pays. Le CNT veut maintenir l'OTAN Par ailleurs, le Conseil national de transition souhaite aussi que l'OTAN prolonge sa mission dans le pays. «Maintenant que nous avons obtenu la victoire, le peuple libyen aspire à ce que l'Otan maintienne ses opérations jusqu'à la fin de l'année au moins», a déclaré mercredi Moustapha Abdeljalil, lors d'une réunion à Doha (Qatar) avec les chefs d'Etat-major des pays de la coalition en Libye. Compte tenu de l'absence de l'Etat en Libye, les nouvelles autorités veulent que l'Alliance atlantique assure la sécurité des frontières pour empêcher la prolifération des armes. Selon le président du CNT, la mission de l'OTAN consistera également à assurer la protection de la population libyenne contre une éventuelle revanche des proches de Muammar Kadhafi qui ont réussi à quitter le territoire libyen. Pour rappel, Saif al-Islam, l'un des fils de l'ex-dirigeant déchu, a déclaré dans une brève allocution à la télévision Arrai, basée à Damas, qu'il vengeraié son père. Toutefois, l'OTAN n'a pas encore donné de réponse à cette requête. L'organisation avait annoncé, la semaine dernière, que sa mission en Libye allait arriver à terme à la fin de ce mois. 3 QUESTIONS À… Mohamed Benhamou, président de la Fédération africaine des études stratégiques Le désarmement des civils est un défi de taille pour les nouvelles autorités libyennes. Comment peuvent-elles y parvenir ? C'est un grand défi pour le nouveau pouvoir, dans la mesure où ces armes menacent la stabilité et la sécurité du pays. Et de plus, c'est la sécurité de toute la région qui se trouve aussi menacée. Pour réussir ce défi, le CNT doit procéder à l'insertion de toutes les milices dans l'armée nationale ou dans la police. Mais il faudra aussi que le processus politique soit enclenché puisqu'il n'y a, proprement dit, encore pas d'Etat en Libye. Cela permettra au CNT d'asseoir son autorité pour recenser les armes et mieux les contrôler. Je pense aussi que la Libye peut également s'inspirer des expériences des pays ayant connu des guerres civiles. Mais tout cela passe, avant tout, par la réconciliation nationale. La charia sera la principale source du droit libyen. Cela représente-t-il une menace à la démocratie naissante dans ce pays ? Bien sûr, c'est une menace à la démocratie. Cette annonce faite par le président du CNT est, à mon avis, une vision unilatérale parce qu'elle ne reflète pas l'idéologie de toutes les composantes de la société libyenne. Certes, la Libye est un pays musulman, mais je ne crois pas que le peuple libyen ait lutté pendant huit mois pour renverser le régime Kadhafi afin de le remplacer par un autre qui va restreindre ses droits et libertés. Le CNT doit donc adopter un système ouvert sur les valeurs démocratiques qui ont été à la base du soulèvement populaire. Avec les nombreuses divergences au sein du CNT, peut-on vraiment s'attendre à la formation d'un gouvernement de transition, dans un mois ? C'est vrai que les précédentes tentatives en vue d'une formation de gouvernement de transition ont échoué. Cependant, les circonstances ont changé avec la libération totale du pays, la semaine dernière. Les nouvelles autorités libyennes doivent donc pouvoir accorder leurs violons pour trouver un gouvernement à même de conduire la transition à terme. Toutefois, la précipitation n'est pas de mise.