Avec les projets de logements sociaux, la consommation du ciment s'envole cette année. Une performance qui ne profite guère aux ténors du secteur, notamment avec l'arrivée de plusieurs acteurs et une surcapacité de production. Face à une demande de plus en plus croissante et un secteur qui a affiché une évolution de 7,1 % à la consommation au premier semestre de cette année, le groupe cimentier portugais Cimpor a jugé opportun d'ouvrir une nouvelle cimenterie au Maroc. « La construction d'une nouvelle usine est motivée par les perspectives du marché marocain qui constitue une réelle opportunité pour les entreprises portugaises. Le vif intérêt et le choix porté par le groupe sur le Maroc pour renforcer ses projets d'investissement s'expliquent par la stabilité politique et le climat d'affaires attrayant », a déclaré Francisco Lacerda, président exécutif du groupe. Le groupe Cimpor est leader sur le marché du ciment au Portugal, et présent au Maroc depuis 1996 à travers l'usine Asment Témara. Si cet investissement créera des emplois au Maroc, il est très mal vu par les ténors du secteur. Déjà mis à mal par l'ouverture de l'usine Ciment de l'Atlas en 2010, une nouvelle usine portugaise n'arrangera en rien la donne car le marché est déjà saturé. Ce qui créera une prochaine guerre des prix. Pour rappel, Ciment de l'Atlas, appartenant à Anas Sefrioui, a mis sur le marché une capacité de production de 1,6 million de tonnes dans un premier temps, par le biais de la cimenterie de Ben Ahmed, et une même capacité de production prévue pour 2012 à Beni Mellal. Ce qui correspondra à une capacité de production de l'ordre de 3,2 millions de tonnes contre une capacité globale de 20,3 millions de tonnes à horizon 2012. Radioscopie Dans les faits, l'arrivée de ce nouvel acteur provoque une surcapacité de production de 2,8 millions de tonnes, en 2011, et 4,2 millions de tonnes en 2012, selon une croissance normative du marché de 5 % par an. Une surcapacité qui générera un effritement des marges dans un contexte de renchérissement des prix du coke de pétrole, doublé par des pertes de parts de marché conséquentes. Par opérateur, sans tenir compte de l'ouverture de la deuxième usine du portugais Cimpor, Ciment de l'Atlas pourrait acquérir 11,5 % de parts de marché (PDM) à l'horizon 2012, et 15 % de PDM à l'horizon 2014. Ce qui correspondrait à un taux d'utilisation de 57,5 % et 73,8 % respectivement pour le groupe. Pour Lafarge Ciments, les prochaines années connaîtront une baisse moins accentuée des PDM, avec une légère baisse des prix. Le positionnement géographique de Ciments du Maroc dans le Sud le laisse à l'abri des tensions pour cette année, une prise de PDM viendrait après l'entrée en production de la deuxième cimenterie de Ciments de l'Atlas, proche de sa région de prédilection et, plus tard, par l'arrivée de Lafarge dans la région du Souss. Pour sa part, Holcim Maroc verrait sa part de marché baisser de deux points en 2011 (voir encadré). Le portugais aggravera la donne Au moment où les signaux positifs affluent quant à la relance du secteur de la construction, les cimentiers de la place, principalement Lafarge Ciments et Holcim Maroc, se verront confrontés à cette problématique de surcapacité qu'ils vont devoir supporter dans le court et moyen termes. Par contre, Ciments du Maroc est bien positionné et Ciments de l'Atlas continuera sa montée en puissance en s'accaparant davantage de parts de marché. Ceci-dit, la future usine portugaise bousculera les cartes de tous les opérateurs. Une grande surcapacité de production sera observée et une guerre de prix sans précédent aura lieu à moyen terme. Une aubaine pour le consommateur marocain qui sera le premier bénéficiaire de cette situation concurrentielle. D'ailleurs, pour ne pas subir un grand impact sur leurs marges bénéficiaires, les professionnels tenteraient d'exporter une partie de leur production en Afrique. Holcim droit dans le mur ! Le premier semestre 2011 a été très difficile pour le cimentier Holcim Maroc. Le groupe a vu ses principaux indicateurs d'activité chuter. Le chiffre d'affaires consolidé a baissé de 8 % à 1,8 milliard de dirhams à cause du repli des ventes de ciments de 11 %. Le résultat d'exploitation s'est contracté de 23 % à 590 millions de dirhams sous l'effet combiné de la baisse du chiffre d'affaires et de la hausse des achats consommés et autres charges externes. Ainsi, la marge opérationnelle s'est délestée de 6 points à 33 %. Le résultat net part du groupe, quant à lui, a baissé de 16 % à 413 millions de dirhams pour une marge nette en recul de 1 point à 21 %. « Cette situation s'explique essentiellement par les tensions sur le marché avec la mise en service d'environ 4 millions de tonnes de capacité additionnelle », a expliqué Dominique Drouet, président du directoire de Holcim Maroc. De ce fait, l'année 2011 sera une exception pour le groupe qui pâtira considérablement de la saturation du marché. A long terme, des réorientations stratégiques doivent être opérées avec les prochaines ouvertures d'usines.