L'Instance centrale de prévention de la corruption a trouvé un terrain d'entente avec les partis sur la Charte nationale pour l'éthique de la pratique politique. La signature du document est attendue cette semaine. Abdeslam Aboudrar a fait preuve de persévérance. Il a réussi, samedi dernier à Rabat, à convaincre les partis d'adopter la Charte nationale pour l'éthique de la pratique politique. Initiée par l'Instance centrale de prévention de la corruption (ICPC), cette Charte se veut être « un contrat pour bâtir une alliance nationale contre toute forme de corruption politique et électorale ». L'idée du projet a été accueillie favorablement par ses destinataires, dont certains y voyaient même « la réparation du ratage » qu'a connue l'initiative similaire du ministère de l'Intérieur. Mais les 26 partis, qui ont répondu présents à l'appel de l'ICPC, ont, toutefois, estimé nécessaire de reporter la signature de la Charte, prévue en clôture de la journée d'information. Pourquoi ce report Si l'objectif fondamental du document remporte l'unanimité, son contenu, lui, pose quelques problèmes. Ce qui a le plus dérangé la majorité des partis ce sont, en particulier, deux articles de la Charte. Au volet gouvernance, l'article 6 stipule que les partis s'engagent à « ne plus encourager la pratique de transhumance à l'occasion des élections ou en dehors, afin de préserver la crédibilité et le devoir d'appartenance politique ainsi que les programmes et les visions idéologiques des partis ». Et au chapitre campagnes et opérations électorales, l'article 30 impose aux partis de « respecter les résultats des élections officiels et définitifs publiés par les autorités en charge de l'opération ». L'article 30 impose aux partis de « respecter les résultats des élections officiels et définitifs publiés par les autorités en charge de l'opération » «Nous voudrions accepter cette Charte telle qu'elle est, mais nous ne le pouvons pas. Nous ne pouvons pas nous engager à accepter les résultats du scrutin », prévient Lahcen Daoudi, vice-secrétaire général du PJD. Pour Rachida Benmassoud, membre du bureau politique de l'USFP, accepter cet article s'assimilerait même à « signer un chèque à blanc ». « Cela nous privera d'exercer notre droit de contester et de déposer plainte lorsqu'il y a des doutes fondés », explique-t-elle. « Il faudra juste ajouter des précisions à l'article 30. A mon avis, l'initiative de l'ICPC est bien meilleure que celle du ministère de l'Intérieur dont le rôle n'est pas de demander aux partis de signer une charte, mais d'assumer son rôle : garantir et de préserver la crédibilité des élections », estime Abdelkader El Kihel, secrétaire général de la jeunesse istiqlalienne. Le RNI, représenté par l'un de ses membres du bureau politique, Naima Farah, a proposé la reformulation des deux articles. « La transhumance ne peut pas être interdite non plus avant les élections », lance Mohamed Serghini, membre du bureau politique du MP, qui n'a pas hésité à accuser l'ICPC d'imposer un « contrat » sans négociation préalable. Seul le PAM s'est dit prêt à signer la Charte de l'ICPC sans conditions malgré les remarques formelles qu'il partage avec les autres au niveau de l'article 30. « La tentative du ministère de l'Intérieur se retrouve face à une porte fermée, alors l'ICPC a pris le relais. Mais il existe toujours un problème presque chronique lié à l'idée même de s'engager », déclare le vice-secrétaire général du PAM. Les précisions d'Aboudrar Avec son calme habituel, le président de l'ICPC a répondu à toutes les doléances, une à une. «Ce n'est pas un contrat que nous proposons, c'est un engagement moral des partis que nous initions dans le cadre de la volonté de l'ICPC de mettre en place un cadre général d'éthique (…) Cette Charte est une sorte de gentleman's agreement », précise-t-il avant de souligner que l'ICPC ne prétend pas remplacer le ministère de l'Intérieur : « Notre rôle se limite à être catalyseur. Nous avions d'ailleurs envoyé ce document à l'ensemble des partis, il y a une dizaine de jours, mais nous n'avons pas reçu de réponse. C'est pourquoi nous avons organisé cette journée d'information. Lorsque nous avons pris contact avec les chefs de partis, ils nous ont assurés être favorables à notre initiative », insiste Abdeslam Aboudrar. L'article 30 a donc été modifié de façon à permettre aux partis d'user de leur droit de porter plainte pour contester des résultats douteux. L'article 6 a également été reformulé pour que l'engagement des partis de ne pas encourager la transhumance des candidats pour raison électorale. « Ces modifications seront prises en compte. Nous vous adresserons le document reformulé dès lundi espérant que la signature de la Charte avec les chefs de partis suivra », souhaite Abdeslam Aboudrar s'adressant aux 26 partis. Les excuses du PADS Il a été le grand absent de la journée d'information à laquelle l'ICPC a invité l'ensemble des partis politiques, samedi 15 octobre. Le Parti de l'avant-garde démocratique et socialiste (PADS) n'a pas répondu à l'appel d'Abdeslam Aboudrar, mais a tenu à se justifier en adressant à ce dernier une lettre d'excuses signé par son secrétaire général adjoint Abderrahmane Benameur. Le président de l'ICPC a donc annoncé officiellement que le PADS refuse d'adhérer et de signer la Charte nationale pour la moralisation de la pratique politique. Sans surprise, le parti de gauche s'était déjà prononcé pour le boycott des élections.