La Coalition marocaine contre la peine de mort estime que le Maroc est tenu de rejoindre officiellement le rang des abolitionnistes. Et pour cause : la nouvelle Constitution reconnaît le droit à la vie. Jusqu'au mois de juin dernier, les tribunaux marocains ont condamné 103 détenus, dont deux femmes, à la peine capitale. Pour 82 d'entre eux, la sentence est définitive, tandis que les 21 restant attendent que la Cour de cassation se prononce sur leurs recours. Reconnus coupables de crimes sauvages ou d'actes terroristes, ils sont incarcérés dans le couloir de la mort, alors que le Maroc a suspendu l'application de cette peine depuis 18 ans. « à présent que la nouvelle Constitution reconnaît clairement le droit à la vie dans son article 20, nous appelons à ce que nos lois y soient adaptées afin que le respect des droits de l'Homme devienne effectif », déclare le bâtonnier Abderrahim Jamaï, coordinateur de la Coalition marocaine contre la peine de mort qui a commémoré, hier à Rabat, la 9e journée mondiale contre cette peine. Sous le slogan « La peine de mort est inhumaine », cette journée a été une occasion d'interpeller les politiques qui, aux yeux des abolitionnistes, restent toujours hésitants quant à l'abolition effective de la peine de mort. « Le système juridique marocain a inscrit la peine de mort dans les textes de lois de façon explicite dans le cadre du Code pénal et du Code de justice militaire. Les autorités marocaines sont, aujourd'hui, tenues d'être en phase avec les luttes continues en faveur de la protection du droit à la vie et de se conformer à la légalité et à la Constitution », plaide Me Jamaï, dans ce procès contre la peine de mort. Pour l'avocat abolitionniste, quelque soit le crime, la justice ne doit pas se permettre d'ôter la vie ou d'y être favorable. « Depuis l'Indépendance du Maroc et jusqu'en 1993, 41 personnes ont été exécutées mais la grande majorité, soit 38, l'a été pour des raisons purement politiques », précise le directeur général d'Amnesty international au Maroc, Me Mohamed Sektaoui. La peine de mort devient une pure injustice lorsqu'elle est utilisée comme arme contre les opposants d'un régime. «L'IER a recommandé son abolition et feu Driss Benzekri avait même déclaré en 2007 que le Maroc s'apprêtait à l'annoncer officiellement, mais il n'en était rien», regrette Me Sektaoui. Et d'ajouter que le discours royal du 9 mars dernier a accordé la plus grande importance aux recommandations de l'IER en les constitutionnalisant. Près de 140 pays ont aboli la peine de mort de jure ou de facto, mais 58 autres la maintiennent et l'appliquent (rarement). Le Maroc devra choisir « officiellement » son camp afin que le flou de la situation actuelle puisse réellement se dissiper. Les abolitionnistes appellent l'Etat marocain à réagir positivement, au niveau international et dans le cadre des Nations unies, à la revendication d'un moratoire sur l'application de la peine de mort, en votant en faveur de cette nouvelle résolution de l'Assemblée générale au mois de décembre 2012. Ils revendiquent également la mise en œuvre de dispositions constitutionnelles et l'adhésion du Maroc à toutes les conventions internationales relatives aux droits de l'Homme et leur ratification à commencer par le 2e Protocole se rapportant au Pacte international relatif aux droits civiles et politiques et le Traité de Rome relatif à la Cour pénale internationale. La Coalition incite les deux Chambres du Parlement à présenter des propositions de loi, constituer une majorité politique pour soumettre des amendements au Code pénal et au Code de justice militaire (16 articles concernés) et voter l'abolition de la peine de mort dans tous les articles y afférents. Quant au gouvernement, il est appelé à assumer sa responsabilité en présentant des projets de loi ayant pour but l'harmonisation avec la nouvelle Constitution. La coalition estime que le changement qu'apporteront les prochaines élections sera en faveur de l'abolition de la peine de mort. Mais, pour y arriver, il faudra d'abord convaincre les partis politiques. Les abolitionnistes se préparent à lancer une campagne dont les échos se feront entendre dans quelques jours.