« Godard a changé la façon d'écrire, de réaliser, de tourner et de monter. Il n'a pas seulement bouleversé les règles. Il les a écrasées en voiture avant de repasser dessus en marche arrière pour être sûr qu'elles soient bien mortes», déclarait le scénariste Phil Alden Robinson lors de la remise de son oscar à Jean-Luc Godard l'année dernière. Car, même si, depuis plusieurs décennies, ses films sortent de manière confidentielle et ne sont suivis que d'une petite poignée de cinéphiles à travers le monde, Jean-Luc Godard continue d'être une figure majeure du cinéma contemporain. Ses sorties médiatiques, ses aphorismes et conversations, dits de cette voix très particulière, ses travaux et ses réflexions intéressent toujours. Sans doute parce qu'il incarne une sorte de radicalisme tranchant, une position de sage et d'artiste ayant préservé sa liberté à tout prix, sans compromis, sans jamais baisser la garde. Si ses très nombreux détracteurs le voient plutôt comme une « merde sur son socle », force est de constater sa très grande influence au sein de plusieurs générations de cinéastes, de Fassbinder à Ken Loach, de Bertolucci à John Woo, de Tarantino à Scorsese. Scorsese, qui reprit justement dans Casino, la sublime musique composée par George Delerue pour Le mépris, le film dont il est question aujourd'hui dans ces colonnes. Le mépris est le sixième film de Jean-Luc Godard, qu'il réalisa en 1963. A l'époque, il est le chef de file d'une poignée de réalisateurs qui révolutionnèrent le cinéma et qu'on étiqueta d'une métaphore marine, la très célèbre Nouvelle vague qui encore aujourd'hui, continue de peser lourdement sur le cinéma français, et pas forcément de manière heureuse. Probablement l'une des plus grandes réussites de son auteur, Le mépris est une adaptation très personnelle mais cependant respectueuse d'un roman d'Alberto Moravia, qui traite principalement de deux sujets : la destruction d'un couple et les difficultés de l'artiste dans le monde moderne. Paul Javal (Michel Piccoli), auteur de romans policiers désirant écrire pour le théâtre, est contacté par un producteur américain, Jeremy Prokosch (Jack Palance) Celui-ci lui propose d'écrire de nouvelles scènes pour l'adaptation au cinéma de L'Odyssée d'Homère, confiée au réalisateur Fritz Lang (qui incarne ici son propre rôle). Parce qu'il a besoin d'argent pour financer l'appartement dans lequel il vient d'emménager avec sa femme Camille (Brigitte Bardot), Paul accepte le projet. Mais au retour d'un apéritif chez le producteur, Paul remarque un changement dans l'attitude de Camille et commence à douter de son amour… Le film se penche sur la difficulté de s'accomplir dans le monde moderne dans lequel « on est toujours obligés d'accepter ce que veulent les autres » comme le dit son personnage masculin principal. Et chaque personnage illustre à sa façon les rapports conflictuels qui peuvent exister entre l'art et l'argent. Mais Le mépris est aussi un film sur les rapports amoureux et plus précisément sur ce qui amène Camille en quelques instants seulement à passer d'un sentiment à un autre à l'égard de son mari. Le mépris est un film admiré. À juste titre, car ses qualités sont grandes : un découpage inventif, une esthétique splendide, un casting prestigieux et une musique sublime. Bref, une réussite majeure.