Le projet de la loi de Finances peine à s'extirper de l'emprise des tentacules des politiciens. La présentation du projet devant la Chambre des députés est, depuis quelques jours, un grand mystère. La loi de Finances 2012 se fait désirer. Au Parlement, dans la matinée du jeudi, « grand cafouillage » était, incontestablement, la vedette du jour. Sa présentation jeudi après-midi (à 17 h, pour être précis) à la Chambre des représentants, a été reportée sine die. Du coup, la réunion de la commission des finances a payé les frais de ce retrait. « C'est bizarre ce qui se passe », s'étonne Habib Malki, député de l'USFP. La veille, le gouvernement a retiré, in extremis, les documents de ce projet sans fournir d'explications ; du pain béni pour l'opposition, et même pour certaines formations de la majorité. «Tout cela est tiré par les cheveux, attestant que les choses n'ont pas été élaborées de manière professionnelle ». Khalid Hariri, député de l'USFP. « C'est un jeu de gamins, c'est tellement irréaliste que nous avons l'impression de voir une pièce de théâtre qui finit malheureusement par un drame », martèle Lahcen Daoudi, le président du groupe PJD à la Chambre des représentants. « Encore une fois, ce gouvernement a montré qu'il n'est nullement à la hauteur des attentes des Marocains. Il a complètement failli à son devoir », ajoute-il. A l'USFP, pourtant une composante de la majorité, l'heure est également aux questions. « Tout cela est tiré par les cheveux, attestant que les choses n'ont pas été élaborées de manière professionnelle », nous confie Khalid Hariry, député de l'USFP. « Ce sont les élections législatives qui perturbent l'agenda du gouvernement. Il fallait commencer à travailler dès le mois de mai, lorsqu'on a pris connaissance des dates et du référendum, et des législatives, initialement prévues le 7 octobre ». Et d'ajouter que « ce qu'il fallait faire, c'était soit organiser les élections le 7 Octobre, ou bien attendre le nouveau gouvernement pour mettre en place la loi de finances. De toute façon la Constitution prévoit ce cas de figure ». Réputé pour être critique à l'égard de l'action du gouvernement, que ce soit à la commission des finances ou dans la presse, Khalid Hariry souligne : « J'ai l'impression qu'on n'a pas encore assimilé la nouvelle Constitution. On est en train de chercher à faire des compromis, nous conduisant juste à obtenir le minimum, ce qui ne ne fait pas avancer la démocratie.» Mercredi, dans des déclarations à Al Oula, Salaheddine Mezouar a avancé que des considérations d'ordre « éthique » pourraient être à l'origine du report de la présentation du projet de loi de Finances de 2012 au delà de l'échéance du 25 novembre. Et d'expliquer qu'il serait judicieux que le prochain gouvernement, issue des législatives anticipées, prépare, lui-même, sa loi de Finances. Une approche nouvelle qui tranche avec les expériences du passé. Pour mémoire, c'est Fathallah Oualalou qui, en 2007, a élaboré la loi de Finances 2008. Et c'est toujours Oualalou, ministre de l'Economie sous le gouvernement de Abderrahmane Youssoufi qui a préparé la loi de Finances 2003 que lui-même avait exécutée en tant qu'argentier du royaume du gouvernement de Driss Jettou. Les explications de Mezouar sont peu convaincantes et attestent, faut-il le dire, de la fragilité de la majorité de Abbas El Fassi. Une caractéristique immuable de cette équipe. Comment expliquer, alors, que le gouvernement adopte la loi de Finances, lors de sa réunion de mardi, et juste 24 heures après le retrait, in extremis, du Parlement ? Des calculs politiciens sont-ils à l'origine de cette décision unique dans les annales de la vie politique ? « Il ne s'agit pas des petits intérêts de Mezouar ou de Abbas El Fassi qui sont en jeu mais de de l'intérêt de tout un pays . Comment peut-on rester six à sept mois sans loi de Finances ? », s'interroge Lahcen Daoudi « Il faut au moins un mois de tractations entre les partis pour la formation du prochain du gouvernement, deux à trois semaines pour la préparation de sa plate-forme avant de la présenter devant le Parlement. En plus de ces paramètres, il y a le cycle des élections locales anticipées prévues en 2012. C'est tout un processus qui sera affecté par cette décision du retrait de la présentation de la loi de Finances ». Lahcen Daoudi nous confie que son groupe parlementaire a pris l'initiative de convoquer le Premier ministre Abbas El Fassi « à venir à la première Chambre présenter des explications aux députés ». Répondant à la même question, Hariri impute ce cafouillage à « la campagne électorale qui a débuté bien avant la date officielle du 10 novembre. Tout le monde sait qu'elle a déjà commencé ; la preuve, les partis sont en train de chercher leurs candidats.» Mustapha Miftah, économiste et membre du PSU, la formation qui a annoncé le boycott des législatives du 25 novembre, estime qu'il « fallait absolument faire passer la loi avant les élections. Il y a eu tout un déballage politicien. Tout a été effectué dans la précipitation. On veut forcer la main du prochain Exécutif. Mais tout cela cache un jeu politicien ». Et d'ajouter « Nous avons eu droit à la sortie de Mezouar, mais en tant que président du RNI, il est clair que l'homme est d'abord préoccupé par les élections ». L'option la plus idéale aurait été « d'attendre le nouveau gouvernement », estime notre interlocuteur. «Ce cafouillage explique nos fortes réticences par rapport à la Constitution et à la participation aux législatives. Un flou qui ne va pas encourager les citoyens à participer à la vie politique », conclut-il. Le conseil de gouvernement du jeudi n'a pas statué sur l'opportunité de la présentation ou non du projet de loi de Finances 2012. Il aurait reporté cette question à la semaine prochaine. Une source gouvernementale avance que Abbas El Fassi ne souhaite pas assumer la responsabilité de cette décision ; il aurait exigé, au préalable, l'adhésion de toutes les composantes de la majorité à la décision du retrait de projet élaboré par les services de Mezouar. Expliquant un possible retrait, la même source assure par ailleurs que le gouvernement entend accorder la priorité à l'examen des lois électorales plutôt qu'à la loi de Finances.