Les numéros musicaux de «Cabaret» étonnent encore aujourd'hui par leur inventivité. Quarante ans après la sortie du film, ils constituent toujours son centre et sa principale attractivité. Avant d'être un film culte signé Bob Fosse, «Cabaret» fut d'abord un livre de Christopher Isherwood relatant ses souvenirs de jeunesse sous le titre «Adieu à Berlin» puis une pièce de théâtre, puis un premier film et, enfin, une comédie musicale à Broadway. C'est donc fort de ces succès dans différentes disciplines que le chorégraphe et cinéaste américain attaque l'adaptation de la version «musical» au grand écran et continue d'achever ainsi le basculement d'un genre (celui de la comédie musicale) vers une ère plus adulte et plus noire, dans la continuité de ce que «West side story» avait entamé quelques années plus tôt. Et pour incarner cette nouvelle époque, Fosse choisit Liza Minelli comme actrice principale, elle dont les parents (Vincente Minelli et Judy Garland) ont porté le genre à son firmament. Bob Fosse transforme aussi quelques éléments de l'intrigue initiale et décide de ne garder que les numéros musicaux qui se déroulent dans le cabaret. «Wilkommen, bienvenue, welcome»… ces trois mots suffisent à basculer dans l'univers de «Cabaret» dont la version sur les planches continue de nos jours à attirer les foules à Broadway et à Berlin. L'action se déroule donc à Berlin au début des années 30. Alors que le nazisme connaît une franche montée en puissance qui aboutira aux horreurs que l'on connaît, un cabaret berlinois décadent nommé le Kit Kat Club fait office de dernier îlot de liberté et de fantaisie, en marge des considérations politiques. Sally Bowles (Liza Minelli), chanteuse américaine frivole et pleine de vie, en est la vedette. Elle rencontre bientôt un étudiant anglais, Brian Roberts (Michael York) auquel elle loue une chambre avant d'en tomber amoureuse. Leur romance se développe en même temps que plusieurs intrigues secondaires. Ils font la connaissance d'un aristocrate allemand qui leur ouvre les portes de son univers, les couvre de cadeaux et d'invitations luxueuses avant de devenir leur amant. Le ménage à trois finit par se briser. Sally est enceinte. Brian lui propose de l'épouser et de mener une vie universitaire… elle finit par avorter et retourne au cabaret. Le film est ponctué par les interventions du maître de cérémonie incarné brillamment par Joel Grey. Bob Fosse réussit la gageure de mêler légèreté des numéros musicaux et des situations et gravité du contexte politique, grâce à un talent d'équilibriste très sûr. A l'époque de sa sortie, le film contenait une forte charge subversive en raison des thèmes qu'il aborde (sexualité multiple, avortement) et il fallait un certain courage alors pour montrer cela. Le film fut un triomphe à sa sortie, remportant de nombreuses récompenses prestigieuses dont 8 oscars à Hollywood. Aujourd'hui, même si l'intrigue principale n'est pas en réalité d'un intérêt formidable, les numéros musicaux demeurent d'une richesse et d'une virtuosité extraordinaires. «Cabaret» ne fut pas suivi d'une renaissance de la comédie musicale américaine. Même si depuis, et de temps à autre, Hollywood livra quelques perles du genre, «Cabaret» demeure assez unique, surtout dans son époque.