Depuis quelques mois, le phénomène des « deals » fait sensation. Voyager loin pour pas cher, manger dans un grand restaurant en déboursant peu, les offres alléchantes se suivent et ne se ressemblent pas. Devant leur écran, de nombreux cliqueurs se sont laissés happer. Dans ce monde, facile de devenir accro ! Un ftour buffet à 90 DH au lieu de 180 DH, changer de look à 299 DH au lieu de 760 DH, 10 minutes de karting à 70 DH au lieu de 140 DH. Nul doute, vous naviguez actuellement sur l'un des nombreux sites de « deals » qui foisonnent sur la toile depuis 2010. Pour ceux qui ont raté le coche du phénomène du moment, des affiches publicitaires sont là pour les sensibiliser dans les carrefours. Deal par-ci, deal par là, le phénomène est en pleine effervescence au Maroc. Mais un deal, qu'est-ce c'est ? Le deal est un moyen pour une personne lambda de profiter d'offres alléchantes, à un prix inférieur au prix habituel. Il suffit d'être sur le bon coup au bon moment, l'espérance de vie du deal n'étant que de quelques jours. (Voir encadré) Dîner dans un grand restaurant, voyages, soins de beauté. Le choix de deals est large, et les rabais peuvent aller jusqu'à 80% du prix initial. « Souvent, c'est du 50% minimum. C'est comme des soldes, mais tous les jours. C'est agréable ! », lance Jihane, accro mais pas trop. « Un jour j'ai eu droit à un hammam, spa, gommage, massage à 90 DH dans un centre réputé de Casablanca. Je ne connais pas le prix initial mais je pense qu'il s'éloigne largement des pauvres 90 DH que j'ai payés ! » Effectivement, les prix défient toute concurrence. Même si de la concurrence, il y en a de plus en plus dans le cercle des dealeurs. Hmizates, mydeal, marocdeal… les enseignes naissent jour après jour, tentant de convaincre inlassablement les grands établissements de profiter de cette vague de deal pour se faire connaître. Ce qui n'est pas pour déplaire aux fanas de deals, qui se retrouvent face à un choix plus varié. Sur chaque site de deal, le processus est le même, à quelques détails près. Un deal, offert à un prix préférentiel, est d'abord proposé sur le site (ou reçu par email pour les inscrits). Ensuite, aux intéressés d'œuvrer à l'activation du deal en question. Ils n'ont que quelques jours pour le faire. Aussi, le deal ne peut être activé que si un certain nombre de personnes l'ont acheté. On parle d'un « achat groupé ». Si le nombre de personnes n'est pas atteint, le deal est mis à la trappe, et aucun argent n'est prélevé sur le compte bancaire des quelques personnes à l'avoir acheté. S'il est validé, le compte est débité, et les acheteurs peuvent se rendre au lieu du deal pour le consommer. Sahar est, depuis le mois d'avril, à l'affût des deals les plus avantageux. « On peut tomber sur des offres pour des restaurants, des voyages, des soins de beauté, des paires de lunettes, des parties de karting, de tir à l'arc,… L'éventail est très large ! » Même si certains deals ont plus de succès que d'autres. « Pour les voyages, il suffit que je tarde à prendre ma décision pour qu'ils s'évaporent. Tout le monde leur saute dessus », constate Sahar. Même si toutes les offres ne sont pas si intéressantes que cela aux yeux de certains. « J'avais acheté un deal pour un voyage à Essaouira. Une fois de retour à la maison, j'ai vérifié les tarifs sur le site web de l'auberge et la différence n'était pas énorme », se désole Zineb. Mais quel que soit le niveau de réduction, la plupart de ceux qui sont tombés dans le piège des deals voient en eux un moyen de se distraire (souvent entre amis), de prendre soin de soi, et de profiter d'activités auxquelles ils n'auraient pas forcément pensé. « Pour moi en achetant le deal, je m'oblige tout simplement à consommer, à voyager surtout ! C'est une bonne motivation pour casser la routine », constate Zineb. Face aux modérés, les plus atteints en arrivent à dealer pour le plaisir. « J'aime tomber sur de bonnes affaires, ça éveille tous mes sens. Je suis très souvent connectée sur ces sites, et j'en fais également profiter mon entourage. Même entre collègues, tout le monde ne parle que de ça », lance Lamia. Avant d'avouer, « parfois j'achète un deal que je n'ai pas le temps de consommer, notamment à cause de mon travail. C'est vrai qu'il m'arrive d'acheter pour acheter ». Au moment du paiement, certains restent malgré tout assez méfiants. Donner le numéro de sa carte bancaire n'est pas une action rassurante pour tout le monde. Fatima Zahra fait partie du camp des frileux. « Ma grande crainte reste le paiement en ligne. D'un côté, je n'ai pas confiance en ce genre de paiement, et d'un autre je ne crois pas qu'il y a des lois qui protègent le consommateur en cas de problèmes ». Jihane a trouvé l'alternative. Profiter des deals, mais uniquement sur les sites qui proposent le paiement par espèces ou par chèque. « Les paiements en ligne sont encore fragiles au Maroc, il y a des pirates partout sur Internet, je préfère les éviter ! », conclut-elle. La plupart de ceux qui sont tombés dans le piège y voient un moyen de se distraire et de profiter d'activités auxquelles ils n'auraient pas forcément pensé. D'autres surfent sur l'air du temps, comme Zineb, et ont choisi de faire confiance. « Le paiement par Internet ne m'effraie pas vraiment. Je paie toujours en ligne et pas que sur les sites de deals. Il m'est déjà arrivé d'acheter un billet d'avion en ligne. Je crois que le système est assez sécurisé… du moins je l'espère ! » Pour rassurer leurs clients, les sites de deals tiennent à préciser qu'ils travaillent en lien étroit avec « un collaborateur de paiement en ligne agrémenté ». Ce qui apaise les doutes de Nawal, qui est tombée dans la marmite des deals en avril dernier. « Les transactions en ligne sont sécurisées par un dispositif commun à Maroc Telecommerce et CMI (Centre monétique interbancaire), donc cela me rassure. Même si le risque est toujours là qu'on puisse pirater un compte. Mais c'est comme partout à travers le monde! » Zakaria est du même avis. « Pourquoi ferait-on confiance à la plate-forme de paiement d'un site européen plus qu'à Maroc Telecommerce ? La sécurité, qu'est-ce qu'on en sait au fond ? » Si les deals sont dédiés à tous, hommes ou femmes, certains hommes trouvent que le choix n'est pas très axé sur la clientèle masculine. Zakaria en fait partie. Après avoir acheté un deal qui proposait une coupe de cheveux dans un salon de coiffure haut de gamme, il a vécu une drôle d'expérience. « Le deal présentait le salon comme étant un salon Hommes/Femmes. J'y suis allé un samedi, le salon était envahi par des femmes en train de se faire chouchouter, et j'étais un peu gêné vu que tout le monde me fixait. J'étais le seul homme! » Malgré tout, il en garde un bon souvenir. « La coupe était bien faite, et finalement c'était marrant de se faire couper les tifs dans un salon pour femmes. J'avais l'impression d'être un agent infiltré en Terra Incognita! » Au final, un deal, c'est une bonne affaire qui permet de vivre de bons moments. On attend de voir si ce phénomène ne sera que l'engouement d'un moment, ou bien l'euphorie d'une vie.