Construite entre 1930 et 1953, l'église du Sacré-Cœur a pris 23 ans pour être finalement dressée au milieu du Parc de la Ligue Arabe, pour accueillir les quelques 40000 catholiques résidents à Casablanca dans les années trente, avant de compter parmi les bâtiments répertoriés par le ministère de la culture en 2003. Le plan est élaboré pas l'architecte français Paul Tournon, l'église Sacré-Cœur de Casablanca utilise le béton armé en tant que matière première de construction, matériau type de la fin du XIXe siècle répandu par Le Corbusier. L'édifice aux deux tours rappelle celui d'une mosquée avec son clocher construit à l'esprit du minaret, inspiré de l'art islamique. Les arcades, les séries de baies et la construction en hauteur font penser à une architecture art déco et néo-gothique, alors que le remplage des fenêtres longues et étroites ramène à celui d'une moucharabié orientale. Après avoir monté des escaliers en marbre et dépassé le triple portail, vos regards vont inévitablement vers les vitraux enchâssés qui forment des colonnes en carrés de verre jaunes, rouge vif, bleu indigo et verts, projetant leurs reflets sur les murs de l'église en période d'ensoleillement. La nef centrale en arcs-boutants recompose un portrait du Christ dont le visage en traits noirs a été effacé depuis que la cathédrale n'est plus un lieu de culte. Arrivé à la terrasse, une vue imprenable sur le Parc de la Ligue Arabe s'offre à vous et étend votre regard jusqu'à la mosquée Hassan II avec une vue sur l'horizon de l'océan Atlantique. Depuis les années 70, l'église n'est plus un lieu de culte, elle est annexée à la faculté de Droit de la route d'El Jadida comme en témoignent deux ex-étudiants de l'époque : «Entre 1978 et 1979, je suivais là-bas mes cours d'Idées Politiques administrés par le défunt Bruno Etienne. C'était dans la salle de prières transformée en amphi de cours, se rappelle Amina. Le plafond était tellement haut pour une salle de cours qu'un voile transparent avait été installé en guise de faux-plafond… Les étudiants levaient toujours les yeux pour contempler, à travers le tissu, ces fresques lumineuses de verre. Le visage du Christ n'avait pas encore été effacé et cela nous donnait toujours l'impression d'être épiés !», «J'étais content de voir que mes cours de sciences politiques avaient été transférés au Sacré-Cœur, raconte Saïd. C'était pour moi le lieu de la médiation, d'abord par sa verdure autour, autant que par son entrée accueillante du Parc de la Ligue Arabe et par la grandeur de l'espace. Avant, nous étions confinés dans des structures en pré-fabriqué de l'ancienne faculté de la route d'El Jadida…» L'église du Sacré-Cœur est désaffectée depuis. Au début des années 2000, le lieu reprend des couleurs d'antan bien qu'il ne sera plus jamais un lieu de culte. Il était fermé et rouvrait ses portes occasionnellement à des événements culturels en partenariat avec les ambassades étrangères. Aujourd'hui, il est destiné à la culture et aux rendez-vous artistiques, devenu un lieu incontournable pour les artistes : «Le Sacré-Cœur est un excellent endroit d'exposition de nos œuvres d'art, dit Imane, étudiante à l'Ecole des Beaux Arts de Casablanca. Il se trouve juste en face de notre établissement et est lui-même un joyau artistique. Ses lumières de vitraux chatoyantes ont toujours fasciné mon enfance. Maintenant je m'y rend pour mes activités estudiantines et il me donne, je crois, cette bénédiction de réussir mes travaux préparés dans le Parc, en face du portail». Le dernier rendez-vous culturel en date est le Festival de Casablanca qui vient de clore sa septième édition. La Sacré-Cœur a désormais le statut de musée depuis juillet 2010 et reste fermé au grand public en attendant de l'équiper.