Paul Tournon a été un protagoniste de l'architecture française du XXe siècle. Il a réalisé des pavillons d'exposition, des groupes scolaires ou hospitaliers, des immeubles d'habitation, des usines, des banques, des monastères ainsi que de nombreuses églises importantes à Paris et dans les colonies (Saint-Esprit à Paris, l'église de Villemomble, celle d'Elisabethville, la cathédrale de Casablanca, etc.). C'est le prix de Rome en personne, Paul Tournon, qui réalise à Casablanca la construction de l'Eglise du Sacré-Cœur. À la base, cet édifice religieux était destiné aux 40 000 catholiques que comptait la ville de Casablanca dans les années 30. C'était aussi un beau témoignage de l'esprit de communauté qui régnait au Maroc entre toutes les confessions autour d'un credo commun : la tolérance et la cohabitation pacifique. Son édification se fit par tranches successives entre 1930 et 1952, plus de vingt ans de travail et d'études pour donner corps à un édifice original qui répondait aux exigences de l'architecture religieuse telle qu'elle est en vigueur en Europe et surtout en France, mais avec une série d'innovations qui en ont fait un objet architectural unique en son genre. D'ailleurs, ce même bâtiment inspirera d'autres architectes français pour la construction d'autres sites de culte en France et en Europe. L'église s'inscrit aussi dans la volonté coloniale de donner à Casablanca « une allure grandiose de capitale ». Le monument est aujourd'hui recyclé, mais il gagnerait à être plus valorisé comme l'une des principales pièces d'architecture au Maroc. En 2004, la France rendait un grand hommage à cette grande figure de l'architecture mondiale : «Il faut saluer les auteurs pour l'attention qu'ils accordent à Paul Tournon, un architecte qui a marqué son époque, sans pour autant, appartenir aux personnalités que la chronique met de son vivant au premier plan. Encore que, et c'est à ce titre que je l'ai situé pour la première fois, ses initiatives dans l'emploi monumental du béton armé aient fait date. » Voici ce que l'on peut lire dans un extrait du discours de réception pour l'éloge de Paul Tournon à l'Académie d'architecture à Paris, le 23 Mars 2004 par Gérard Monnier Tournon, le tournant Un hommage qui est revenu dans les détails, grâce aux travaux de plusieurs spécialistes sur la créativité d'un tel pionnier : «Aujourd'hui, avec le regard et la distance de l'historien, je pense que Paul Tournon peut être distingué pour deux raisons principales: pour ses intérêts pour la construction, et pour son indépendance. » ajoute le même Gérard Monnier, qui s'est penché sur l'œuvre de l'architecte en tentant d'en ressortir les multiples facettes. Et de fait, on se rend très vite compte en lisant les exégètes, que Paul Tournon portait un regard très positif sur l'actualité technique, sur la construction en béton armé, sur les composants industriels ; «et ce faisant, par un enchaînement logique, il ne peut être, à la différence d'Umbdenstock, un propagandiste du pastiche en architecture. D'où le parti du projet pour le Palais de I'OTUA, très cohérent avec les possibilités de la construction en acier. D'où la réussite considérable de l'église du Sacré-Coeur de Casablanca, dont la mise en peinture même, attentive aux ressources locales (le blanc de chaux), permet au monument de garder aujourd'hui encore sa fraîcheur. » Et comme on peut le noter ici, l'église du Sacré Cœur de Casablanca fait référence dans le style et elle demeure une des pièces maîtresse de l'artiste. Et ceci, on le doit au caractère même de l'architecte: un visionnaire qui voulait rompre avec les partis pris et surtout éviter les clichés et les redondances habituelles, qui marquaient déjà le bâtiment religieux. «Ensuite son indépendance, insiste Gérard Monnier. Utiliser le béton armé dans des constructions monumentales, entre les deux guerres, sans suivre les formules de Perret, représente une conviction forte, et peu banale à ce moment. Et cette indépendance retentit sur les choix techniques, ce qui donne à Paul Tournon une autonomie remarquable, qui l'identifie, dans ses immeubles d'habitation, aux solutions contemporaines les plus avancées. Au point de mettre en question son appartenance à un courant traditionaliste.» Un artiste de référence Aujourd'hui, nombreux sont les architectes qui se sont rendus compte que Tournon était déjà à cette période un architecte inclassable. Il avait crée son propre style, son approche propre d'une architecture à la fois monumentale et simple. Dans la même série d'études consacrées à ce grand architecte, on peut aussi revenir sur d'autres faits marquants de sa carrière. On peut aisément se rendre compte que malgré les projets prestigieux et considérables qui lui ont été confiés, Tournon n'est pas encore estimé à sa juste valeur comme le note Giorgio Pigofetta, architecte italien et analyste, qui lui a consacré un beau livre « Paul Tournon architecte ». D'ailleurs son œuvre est pratiquement absente des grandes synthèses historiographiques de l'architecture contemporaine, ce qui est une immense lacune pour l'historicité de l'architecture mondiale. C'est dans cette optique que l'étude de Giorgio Pigofetta se propose de rendre une place adéquate au personnage de Paul Tournon, au sein d'un cadre interprétatif exempt de toute prévention idéologique, mais tenant compte des catégories idéales d'art et de valeur, auxquelles Tournon était lui-même attentif. « Moderniste « sage «, prudent et mesuré, guidé par une foi religieuse profonde, Paul Tournon incarne parfaitement l'esprit de son temps, comme cas emblématique de l'union entre les valeurs de la tradition et l'acceptation des ressources offertes par la modernité, qui caractérise une bonne part de la culture architecturale traditionaliste Paul Tournon en quelques lignes Paul Tournon est né à Marseille le 19 février 1881 et mort à Paris le 22 décembre 1964. C'est l'un des architectes français les plus connus et dont les traces sont restées comme de grands exemples d'innovation et de créativité. Il fut architecte en chef des bâtiments civils et palais nationaux, et membre de l'Académie des Beaux-Arts en France. Il fera de longs séjours au Maroc où il réalise de très beaux bijoux d'architecture à Casablanca comme l'église le Sacré-Cœur. On lui doit notamment des édifices religieux en béton armé, dont l'Eglise Sainte-Thérèse-de-l'Enfant-Jésus à Elisabethville (Yvelines) et l'église du Saint-Esprit à Paris. Il était aussi le gendre d'Edouard Branly, le mari d'Elisabeth Branly, artiste peintre, et le père de deux filles, Florence Tournon-Branly, auteur de vitraux, et Marion Tournon-Branly, architecte et professeur à l'Ecole des Beaux-Arts et à l'école américaine de Fontainebleau. L'immeuble de l'IMCAMA Le chef d'œuvre de Greslin Aujourd'hui, il est l'un des monuments de la ville de Casablanca, pour ne pas dire le monument principal qui jouit à la fois d'un état de conservation tout ce qu'il y a de plus correct, mais surtout, il est une vitrine pour les nombreux visiteurs étrangers qui s'intéressent au patrimoine architectural de Casablanca. L'immeuble siège à l'Avenue du Général d'Amade, à l'époque de sa construction, aujourd'hui Avenue Hassan II, par Albert Greslin en 1928. Edifié sur un îlot triangulaire, l'immeuble de l'IMCAMA a été conçu à la base pour aménager des appartements de grand standing. Il était d'ailleurs et demeure l'un des bâtiments qui offrent une variété d'appartements où les styles s'entrecroisent et les déclinaisons de travail se voient et offrent une variété d'approche concentrée dans un seul espace. Autant dire que cet immeuble est à lui seul un réel laboratoire pour l'étude et l'analyse du travail et de la recherche architecturale du XXème siècle. «Sa conception comme son décor résolument moderne tranche par rapport à la construction «mauresque» (1916) qui lui fait face. La réussite esthétique de cette architecture fonctionnelle réside dans les oppositions des masses, des formes et des couleurs : concavité-raideurs, horizontalité-tours d'angle, faisceaux-bossages ronds, faïence-pierre, etc… », lit-on dans une étude faite par des professeurs d'architectures à l'Ecole de Berne en suisse. D'ailleurs sa conception coïncide avec la naissance de l'art décoratif qui a vu le jour en 1925. L'un des principaux principes de ce type d'architecture, est l'importance de la façade. L'intérêt consistait à sculpter les façades à l'aide de la souplesse qu'offre le ciment et utiliser tous les matériaux à des fins décoratives (bois, faïence, fer, verre). Cette technique devait aboutir à un bâtiment composant un ensemble cohérent où l'on peut toucher les différents styles qui contribuent à conférer toute son originalité à l'édifice. L'autre particularité de ce chef d'oeuvre est le cœur ouvert de l'immeuble, une des technicités les plus innovantes, puisqu'elle permet la circulation de l'air dans tout l'immeuble. Déjà au lendemain de sa construction, le bâtiment s'est placé comme un monument majeur de la ville. Il est vanté dès l'époque pour sa majesté et sa modernité (il possédait un téléphone au sein de l'immeuble et il était le seul à avoir introduit ce type de luxe dans des bâtiments destinés à l'habitation). Aujourd'hui, l'immeuble connu aussi par le nom d'une marque d'électroménager, reste l'une des principales attractions de la ville. Il est aussi le sujet d'étude de plusieurs thèses sur l'architecture du XX ème siècle. Qui est Albert Greslin ? C'est une grande figure de l'histoire de l'architecture au Maroc, et surtout à Casablanca. Il fait partie de ceux qui ont marqué l'espace urbanistique de la ville depuis les premières heures des grandes transformations des années 10 et 20. Il est né à Versailles le 24 mai 1888, mort le 30 novembre 1966 à Marseille. Actif à Casablanca à partir de 1917 comme collaborateur de Desmaret également architecte, puis à son compte jusqu'aux années 60. Il aura laissé derrière lui de nombreuses œuvres architecturales qui témoignent encore de sa grande maîtrise de l'espace, de sa vision de l'ensemble urbain et surtout une connaissance sans failles de son métier. Après les années marocaines où il a mis ses expériences en pratique, là où il a aussi pu côtoyer d'autres grands noms de l'urbanisme moderne, il rentre en France où il est patenté en 1931, mais il n'est autorisé à exercer que le 25 décembre 1943, par l'application de la loi du 31 décembre 1940 (gouvernement de Vichy) instituant l'ordre des Architectes et réglementant le titre et la profession. Dispensés du diplôme par les dispositions transitoires du 31 sept 41, 1 avril 1944 et 30 août 1947 nº47-1654. C'est à cette époque que ces Architectes se regrouperont en Société des architectes modernes S.A.M. Mais ne peuvent afficher D.P.L.G. car ils ne le sont pas, aujourd'hui, il n'existe pas cette possibilité d'exercer. Pourtant, Greslin jouissait déjà au Maroc d'une notoriété et d'une réputation qui le plaçait parmi les plus innovants des architectes du XXème siècle. Il réalise d'innombrables petites villas après 1950, mais ses principales références sont: - Les Abattoirs municipaux, rue du médecin major Ayrant, avec Desmaret. - Immeuble de l'IMCAMA, rd. pt. Lyautey 1928. - Immeuble Demeure, bd de la gare 1928. - Villa Puech, av. De l´hippodrome 1928. - Immeuble Fallole, rue de bouskoura 1930. - Villa Greslin, rue Jeanne d´Arc 1930. - Immeuble Rodrigues, rue Girardon, 1934. - Villa Boitel, rue Rodin 1934. - Eglise du Maarif, 1936. - Villa Scaduco, rue Dom Perignon, 1938. - Station Service, rue de l'aspirant Lafuente et de Longwy 1954. - Villa Beausejour 1954. - Garage ESSO, bd. De Lorraine, 1955.