Le procès des mis en cause dans l'attentat terroriste de Marrakech s'est ouvert jeudi 30 juin à Salé. La défense demande au parquet d'ouvrir une enquête sur les conditions de détention de ses clients. Je voulais parler à mon frère, lui demander s'il a réellement commis ce crime dont il a avoué la responsabilité». Bouleversé, Abdelali El Othmani, frère de Adil El Othmani, principal mis en cause dans l'attentat terroriste commis à Marrakech le 28 avril dernier, cherche encore une réponse. Ce jeudi matin, à l'ouverture du procès des huit suspects dans cette affaire, Abdelali a tenté sans relâche de parler à son frère mais en vain. «Quelques journaux arabophones ont chargé mon frère et ont même affirmé que sa famille l'a rejeté, qu'elle ne veut plus de lui. Je suis là avec ma sœur Latifa et ma femme, ainsi que plusieurs autres membres de notre famille pour démentir cette affirmation et exprimer notre soutien à Adil», déclare au Soir échos Abdelali. Dans la salle n° 1 du tribunal chargé des affaires antiterroristes de Salé, les familles des suspects sont venues massivement assister à cette audience qui a duré un peu plus d'une heure avant d'aboutir à un report au 18 août prochain. Et pour cause, l'instruction de l'affaire, toujours en cours, a vu la liste des suspects se prolonger. «Deux autres individus, Abdelfattah Dahhaj et Mohamed Najim, n'ont été arrêtés que récemment par rapport aux sept autres», indique Me Mohamed Sadkou qui représente quatre des sept suspects : Brahim Chergaoui, Mohamed Réda, Azzeddine Lechdari et Ouadie Skiraiba. Présentés en état de détention provisoire à l'exception de Mohamed Najim, aucun d'eux n'a pu avoir de contact avec sa famille ni ce jour du procès ni avant, puisque la visite leur a été interdite. Dans sa plaidoirie, la défense l'a d'ailleurs dénoncé soulignant que les suspects ne font pas partie de la Salafia Jihadia qui fait l'objet de ce châtiment depuis la mutinerie survenue dans la prison de Salé. «Nous revendiquons qu'une enquête soit ouverte au sujet des violations commises à l'encontre de nos clients (…) Il est inconcevable que le procureur général ne le fasse pas, alors qu'il lit la presse nationale qui relate presque chaque jour la situation inhumaine dont souffrent ces détenus», lancent les avocats au cours de l'audience. La défense ne mâche pas ses mots et va jusqu'à assimiler les conditions de détention de ses clients à celles d'Abou Ghraib. En réaction, le parquet a accusé la défense d'omettre le plus important dans l'affaire : les faits ! «La défense doit d'abord considérer les faits, il est question d'un acte terroriste qui a fait 17 morts et 21 blessés. Vous voulez créer un scandale et faire oublier l'acte terroriste en lui-même !», accuse le substitut du procureur avant de réitérer sa demande de maintien de la détention provisoire. Pour le parquet, il n'y a pas de garanties que les suspects se présenteront de nouveau à la justice s'ils sont relâchés provisoirement. «Si nous étions à Guantanamo ou à Abou Ghraib comme vous dites, je ne pense pas que la défense aurait pu rencontrer ses clients. C'est la preuve que le procès se déroule dans le respect des normes et de la loi», martèle encore le substitut du procureur refusant les pétitions que les familles ont apportées dans l'ambition de susciter l'indulgence du parquet. «Nous ne présentons pas ces pétitions comme garanties légales, mais juste pour prouver que ces jeunes ont une bonne réputation. C'est la première fois que les habitants de Safi signent tous des pétitions pour témoigner de la réputation irréprochable de ces jeunes. Lorsque j'ai rencontré mon client, Abdessamad Bettar, en prison, il a pleuré les victimes de l'attentat en me confiant que les touristes lui assuraient son gagne-pain et qu'il est inconcevable pour lui de commettre un crime contre ses bienfaiteurs», plaide Me Naïma Guellaf. Après avoir remis ces pétitions au président de la Cour, la défense retient son mal en patience en attendant la délibération qui devrait, d'ici la fin de l'après-midi, statuer sur leur demande de la liberté provisoire. Les familles, elles, n'ont pas hésité à manifester à la sortie du tribunal, puis devant le pénitencier de Salé revendiquant leur droit de visite. Elles expriment également leur volonté de rencontrer les familles des victimes, absentes ce jour là. Seule une délégation de magistrats français était présente en tant qu'« observateurs ».