Rachid Badouli, directeur stratégie et développement de la Fondation Orient -Occident, décrit l'essence du festival Rabat Africa. Un festival engagé, avec une origine et un but, ou comment éveiller les consciences à coups de fusions musicales ? Comment est né le festival Rabat Africa ? On est parti du constat que la communauté marocaine du quartier de Yacoub El Mansour refusait de voir s'installer des migrants subsahariens. A l'ouverture de la fondation, ce sont surtout des musiciens qui venaient nous rendre visite et ils ont rapidement émis le souhait d'avoir un endroit où jouer. On a choisi la date du 20 juin, Journée mondiale du réfugié, pour organiser un festival de musique annuel. Vous avez noté sur l'affiche de cette année : « 100 % Ifrikiya Nayda ». A quoi fait référence cet ajout ? C'est pour dire que ça va bouger également en Afrique, comme ça a déjà bougé dans le monde arabe. Rendre hommage à Patrice Lumumba (principale figure de l'indépendance du Congo belge) est un choix calculé. Le festival a un positionnement clair. Pour preuve, nous n'avons aucun bailleur de fonds privé dans l'organisation de Rabat Africa. C'est totalement volontaire. On veut garder notre identité, notre ligne directrice. Dans la programmation musicale du festival, on remarque justement beaucoup de fusions entre les groupes invités. Cela fait-il également référence au positionnement de votre Fondation ? Comme à chaque édition, nous avons privilégié les fusions. Les Chiens Jaunes Blues vont peut être jouer avec Hoba Hoba Spirit, et un groupe de percussions marocain de sourds-muets va jouer avec un groupe français. C'est très symbolique. Nous souhaitons que la fusion musicale inspire la fusion entre communautés. Cette année, les concerts auront lieu à la fois au théâtre Mohammed V (16 juin) et à la Fondation ? On a souvent qualifié le festival Rabat Africa comme un « festival de quartier ». C'est pour cette raison qu'on a décidé, pour cette cinquième édition, de l'externaliser, mais uniquement pour une journée. Pas plus, parce qu'on souhaite garder le même esprit. « Parallèlement à Rabat Africa sera organisé, durant deux week-ends, Oujda Africa. La ville a été choisie du fait de la grande communauté migrante qui y vit, coincée aux portes de l'Europe ». Durant le festival, les visiteurs pourront découvrir un village africain recomposé à l'entrée de la Fondation. Pouvez-vous nous en dire plus ? Il s'agit de reconstituer un village africain avec des huttes en terre. Toute une animation sera réalisée autour de ce village : la vente de produits dans le marché africain, des percussions, etc. Cette année, la nouveauté est l'atelier des femmes migrantes du monde. On a réussi à y regrouper des femmes afghanes, irakiennes, marocaines et subsahariennes. Le 20 juin à l'issue de ces journées, se tiendra une table ronde sur « Les laissés-pour-compte dans le débat constitutionnel ». Qui sont-ils ? Il s'agit de soulever un aspect oublié du projet de réforme constitutionnelle, qui n'a pas abordé la communauté subsaharienne migrante. Les associations chargées de la défense de cette population n'ont pas été conviées au nouveau projet de réforme. On s'est intéressé aux Marocains résidant à l'étranger et pas aux étrangers résidant au Maroc. En 2009, vous aviez organisé Casa Africa, parenthèse de Rabat Africa. Cette année, vous préparez un Oujda Africa. Pourquoi avoir choisi cette ville en particulier ? Le programme sera identique à Oujda et à Rabat. La seule différence est qu'à Oujda, le festival va durer deux week-ends de suite (celui du 18 et celui du 26 juin). On trouve une grande communauté migrante dans cette ville où le racisme est plus présent qu'à Rabat. La communauté subsaharienne y est plus nombreuse, mais c'est peut- être également dû à la mentalité. Les habitants peuvent les percevoir comme une menace, un danger. Oujda Africa sera organisé au centre-ville et un autre programme est prévu à Saïdia en juillet. Il s'agira cette fois-ci d'un barbecue international. Propos recueillis par Selma T.Bennani